Depuis au moins le Nouveau Monde Amoureux de Charles Fourier jusqu'à l'affirmation de militantes de Tout ! - « Votre libération sexuelle n’est pas la nôtre ! »1 -, en passant par les surréalistes français confrontés aux accusations des communistes de « compliquer les rapports si simples et si sains de l'homme et de la femme »2, la question des sexualités et plus largement de l’amour percute l’engagement révolutionnaire, dans toutes ses dimensions. Si dans les années 1968, la question des rapports sexuels tend à se poser explicitement et politiquement, voire à devenir centrale dans la formation de mouvements ad hoc comme le MLF ou le FHAR3, elle semble constituer tout à la fois une zone d'ombre et un vecteur de dissensions dans l'histoire du mouvement révolutionnaire. Si les aspects français trouvent naturellement leur place dans cette interrogation, des contributions portant sur des dimensions non-hexagonales sont particulièrement souhaitées.
L’enjeu de ce dossier de Dissidences est d'interroger, depuis le XIXe siècle et dans une perspective internationale, ce point d'ombre et de dissensions autour de trois axes : la théorisation révolutionnaire des sexualités émancipées et/ou asservies ; leur traduction dans des pratiques militantes et des expérimentations collectives ; leur collision avec les organisations radicale, libertaire ou d’extrême gauche.
Axe 1 : Discours et théorisation des sexualités
Comment les sexualités sont-elles appréhendées, discutées, débattues dans les organisations révolutionnaires ? Quels usages et héritages des théoriciens pour qui ce thème est central : Charles Fourier, Alexandra Kollontaï, les surréalistes, Wilhelm Reich, Herbert Marcuse... ? Comment est articulée la question des sexualités au sein du projet et de la pratique révolutionnaires ? Quels contours prend la libération sexuelle ? Comment des acteurs révolutionnaires ont-ils pensé leur sexualité en fonction de leur engagement : Daniel Guérin, Angela Davis... ?
Axe 2 : Mouvements sociaux et organisations
Comment les mouvements sociaux, les associations qui se positionnent sur les questions de sexualités bousculent-ils les organisations politiques ? Comment sont-elles perçues, intégrées ou retraduites ? Comment les expériences révolutionnaires (mexicaine, russe, espagnole, chinoise, algérienne, cubaine etc.) ont-elles légiféré sur les sexualités ?
Axe 3 : Pratiques et expérimentations militantes
Comment les sexualités ont-elles été vécues au sein de « la vie en communauté », depuis l'union libre au début du siècle jusqu'aux communautés des années 68 ? Comment les organisations révolutionnaires gèrent-elles la sexualité en leur sein ? Comment les trajectoires individuelles et collectives, les pratiques des militant-e-s peuvent-ils/elles se trouver bouleversé-e-s ? Quels sont les conflits, les tensions qui peuvent s’exprimer ? La question des représentations, par les arts (littérature, théâtre, cinéma…) de ces pratiques et expérimentations rentre également dans le cadre de l’intérêt de ce numéro de Dissidences.
Voilà quelques-unes des questions auxquelles les contributions de ce volume de Dissidences pourront tenter de répondre.
Les propositions de contributions d'une page maximum sont à faire parvenir au plus tard le 1er mars 2014 aux deux premières coordonnatrices du volume.
Ludivine Bantigny : ludivinebantigny@free.fr
Fanny Gallot : fanny.gallot@gmail.com
Frédéric Thomas : frederic@collectifs.net
Georges Ubbiali : g.ubbiali@free.fr
1 Tout, n°15, 30 juin 1971.
2 André Breton, « Misère de la poésie » dans Œuvres II, page 23.
3 Massimo Prearo, « Le moment 70 de la sexualité : de la dissidence identitaire en milieu militant », Genre, sexualité & société [En ligne], 3 | Printemps 2010, mis en ligne le 18 mai 2010, consulté le 14 septembre 2013. URL : http://gss.revues.org/1438 ; DOI : 10.4000/gss.1438
Revue électronique dissidences
[en ligne], Numéro 6 : hiver 2013, 30 décembre 2013.
Disponible sur Internet : http://revuesshs.u-bourgogne.fr/dissidences/document.php?id=2762