Un parti global. Le Parti communiste français dans une perspective transnationale (1917-1991)
A Global Party. The French Communist Party in a Transnational Perspective (1917-1991)
Ce colloque international organisé dans le cadre du programme Paprik@2F (Portail archives politiques recherches indexation Komintern et Fonds français) financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et porté par la Maison des sciences de l’Homme (MSH) de Dijon et le Centre Georges Chevrier de l’université de Bourgogne (UMR CNRS 7366), en partenariat avec les Archives nationales, vise à considérer le Parti communiste français comme un objet transnational à part entière, à la lumière d’une historiographie internationalisée en plein renouvellement.
Argumentaire
Lancé en avril 2013, le programme Paprik@2F s’est fixé comme objectif d'indexer, d'inventorier, de numériser et de mettre en ligne les « fonds français » du Komintern et les archives de la surveillance d’État muni d’un outil de recherche performant. Ce portail vise également à devenir un centre de ressources virtuel de référence sur l’histoire du Parti communiste français. Le colloque international qui se tiendra les 25, 26 et 27 mai 2016 à Dijon clôturera donc ces trois années de travail.
Depuis deux décennies, l’historiographie du phénomène communiste s’est largement internationalisée et a subi de profondes transformations. La référence au « court XXe siècle », qui a joué un rôle si important en France, s’est modifiée sous l’influence d’une « histoire-monde » renouvelée : ce « court XXe siècle » apparaît désormais comme une parenthèse d’une brutalité sans doute exceptionnelle, mais incompréhensible si on ne l’inscrit pas dans les processus de modernisation étatique, d’impérialisme européen et de mise en mouvement des mondes non-occidentaux consubstantiels à la « première mondialisation » de la fin du XIXe siècle[1].
Une historiographie de plus en plus abondante (souvent anglo-saxonne) s’est consacrée par ailleurs à une compréhension neuve de la « civilisation » soviétique. Malgré sa diversité, cette historiographie partage l’ambition de situer le phénomène communiste dans une vaste « zone du moderne »[2] où s’élaborent de nouvelles techniques de gouvernement des masses dont la version soviétique est l’un des possibles. L’expérience bolchevique, qui se construit comme une expérience radicale d’ingénierie sociale dans une société et une économie fermées, est donc paradoxalement « ouverte » aux influences sélectives et aux circulations sous contrôle. L’URSS est en même temps un centre majeur d’émission et de transfert de pratiques politiques, culturelles et bureaucratiques nouvelles, à l’aide d’institutions et d’instruments spécifiques comme le Comintern (puis le Cominform) ou les structures internationales de la diplomatie culturelle soviétique.
Ces conditions historiographiques nouvelles permettent de modifier le regard porté sur le PCF depuis la « révolution des archives » des années 1990. C’est à cette réflexion collective qu’invite ce colloque, à travers trois principaux angles d’approche.
Il s’agira d’abord de saisir le PCF comme une offre politique nouvelle dont la structuration est le fruit de logiques combinées d’indigénisation et d’importation des pratiques et des principes bolcheviques en France à partir des années 1920. En tant que section nationale du Komintern, puis du mouvement communiste international, le PCF participe à l’histoire(-monde) plus vaste d’une organisation internationale sans équivalent au XXe siècle. L’un des principaux buts de ce colloque est d’apprécier et de mesurer la place, évidemment variable et inégale, du PCF au sein du mouvement communiste international tout au long du siècle – avant comme pendant la Guerre froide, à l’époque du Komintern et du Kominform, puis de l’établissement de relations « multilatérales » entre les « partis-frères ».
Pour mieux apprécier cette place, ce colloque propose ensuite d’ouvrir largement ses journées à la comparaison et à l’étude de la diffusion/circulation, vers et depuis le PCF, de principes, de pratiques, de mots d’ordre au sein de l’univers communiste, afin de réinterroger les paradigmes dominants de l’historiographie (rapports entre « centre » et « périphérie », dépendance/autonomie du PCF, etc.)
Ce colloque visera enfin à appréhender, dans une perspective transnationale, le rôle du PCF comme agent spécifique de politisation et de mobilisation (sous toutes ses formes, y compris militaire) d’acteurs et de groupes sociaux particuliers dans le cadre fixé par son appartenance au système politique d’une puissance impériale, la France. Le PCF sera donc envisagé à son tour comme un « centre » du mouvement communiste international, doté de ses intérêts propres qui s’enracinent dans sa trajectoire spécifique.
Thèmes du colloque
Ce colloque international vise à réunir spécialistes français et étrangers de l’histoire du communisme autour d’une série de thèmes qui s’inscrivent dans une perspective transnationale.
1. Délégués, instructeurs, ambassadeurs : la « liaison » du PCF à l’appareil communiste international.
L’histoire des formes de la « liaison » du PCF à Moscou implique celle du personnel français et étranger des « passeurs », émissaires, ambassadeurs, représentants du PCF en URSS et des autres partis communistes au sein du PCF. Cette thématique peut accueillir des communications consacrées à la prosopographie/sociobiographie de ces personnels, à la recomposition de parcours individuels ou collectifs, mais aussi à la question des rapports entre « centre » et « périphérie » dans l’univers communiste.
2. Tourisme, voyages, délégations entre le PCF, l’URSS et le bloc soviétique
La mobilité internationale est une dimension majeure de l’histoire globale du phénomène communiste. Il s’agira ici d’envisager la présence des Français dans la mobilité interne à l’univers communiste international, depuis les délégations officielles du Parti jusqu’au développement d’un tourisme partisan pendant la Guerre froide ou à la réception des Soviétiques et des envoyés officiels communistes étrangers en France. L’accès à la réalité soviétique est donc une dimension essentielle de ce questionnement doté d’une longue tradition historiographique en plein renouvellement.
3. Images, symboles, représentations
Comment les symboles et les signes qui ont défini l’identité communiste en France se sont-ils élaborés ? Comment ont-ils circulé, comment ont-ils été copiés ou inventés ? Il s’agira ici de penser l’histoire de l’identité visuelle du PCF de façon connectée, à la confluence entre traditions graphiques françaises, circulation des signes soviétiques et élaboration transnationale de techniques de propagande.
4. Le PCF et le fait colonial/impérial
De l’opposition à la guerre du Maroc dans les années 1920 et du soutien au Vietminh en Indochine à l’ambiguïté de la « lutte pour la paix » en Algérie, le PCF entretient un rapport qui n’est pas univoque à l'empire colonial et à l’impérialisme français. Il a également participé à la formation politique et syndicale des militants nationalistes et anticoloniaux issus de l’Empire, aux campagnes internationales contre les conflits coloniaux, etc. Il s’agira donc d’évaluer le rôle du PCF dans la mise en mouvement du monde colonisé au XXe siècle.
5. Exils, diasporas, réseaux communistes et anticommunistes en France
Le PCF entretient des liens forts avec certains groupes nationaux sur le sol français (Italiens, Polonais, Arméniens...), en particulier au sein de la MOE/MOI. La place et le rôle de ses « groupes de langue » sont donc au cœur de cette approche, comme celle du rôle des étrangers en son sein. Mais cette thématique vise aussi à mettre en lumière la place du communisme et de l’anticommunisme dans certaines minorités immigrées en France (Arméniens « dramir », minorités vietnamiennes et Hmongs, etc.) Il s’agira également de recomposer certains réseaux anticommunistes en France (EIA de T. Aubert dans l’entre-deux-guerres, Comité Paix & Liberté dans les années 1950, etc.). Cette thématique permettra enfin d’étudier le rapport du PCF aux militants des partis communistes en exil sur son sol.
6. « Sujets » et « cadres » : écoles, formation, biographies
Les « écoles » sont une dimension essentielle de la formation des cadres et des militants communistes ; il s’agira donc ici d’étudier cet effort à toutes les échelles, de l’ELI aux écoles du soir du Parti, en particulier sous l’angle de sa genèse et de l’expérience internationale des « élèves » communistes au sein du bloc soviétique. On s’intéressera également à toutes les thématiques liées à l’autocritique, à l’autobiographie, à la formation du « sujet communiste » et stalinien en général. Les approches genrées seront particulièrement bienvenues.
7. Organisations et campagnes de masse (antifascisme, pacifisme, solidarité internationale)
Les organisations dites de « masse » ou « de front » forment une dimension importante de la galaxie communiste. Il s’agira ici d’en étudier les branches françaises, de juger de la spécificité ou des limites de leur ancrage, de la réceptivité particulière de la France à certaines de leurs thématiques, etc.
8. Échanges idéologiques, intellectuels et culturels transnationaux (traductions, science, arts)
L’histoire des transferts culturels internationaux est au cœur du renouvellement historiographique actuel du phénomène communiste. Cette thématique vise à en restituer l’importance en ce qui concerne le PCF, à travers l’étude de la diffusion de slogans, d’idées, des différents formes d’arts, de théories et de principes (l’analyse de l’État et du capitalisme, le réalisme socialiste, le lyssenkisme, la pratique du culte des dirigeants, etc.), du discours du parti sur son activité, des personnels et des efforts de traduction de la littérature communiste étrangère en France (et inversement), de l’importation/exportation de littérature officielle ou clandestine en France/dans les régimes communistes, etc.
9. Histoire et archives : la production de l’archive communiste en France et sur le PCF
Le projet ANR Paprik@2F comporte une importante dimension de réflexion sur la genèse de l’archive communiste. Les communications qui s’inscrivent dans ce thème peuvent évoquer les processus de rassemblement, de circulation, de conservation voire de destruction de l’archive communiste ou sur le communisme. Cette thématique du colloque peut également accueillir l’ensemble des travaux consacrés à l’historiographie du phénomène communiste en France et en Europe, à l’histoire des communist studies en France, etc.
10. Purges, répression, résistances à la répression
Cette thématique large permettra aux contributeurs de soumettre des propositions concernant à la fois l’histoire des dissidences et des contestations internes au PCF (dans une perspective connectée), d’évaluer à nouveaux frais le rôle du PCF dans les purges et face aux procès staliniens des années 1930-50, d’étudier les pratiques inquisitoriales et de contrôle des militants (genèse, diffusion, etc.) mais aussi d’évoquer l’expérience-cle des périodes de clandestinité, en particulier pendant l’Occupation à travers l’histoire comparée de la Résistance (entre les mouvements communistes en Europe, mais aussi entre les différents mouvements de Résistance en France, par exemple).
11. Syndicalisme, monde(s) ouvrier(s), dynamiques spatiales et sociales
Cette dernière thématique explore les rapports du PCF avec certains groupes sociaux – ouvriers, employés, médecins, intellectuels… – sous un angle spécifiquement transnational et connecté, qu’il s’agisse d’appréhender la spécificité du syndicalisme communiste français au sein du Profintern, la perception soviétique du monde socio-économique français, les dynamiques comparées d’intégration des PC dans les systèmes politiques nationaux auxquels ils appartiennent, etc.
[1] S. Berger, Notre première mondialisation. Leçons d’un échec oublié, Paris, Seuil, 2003.
[2] Y. Cohen, « Circulatory Localities. The Example of Stalinism in the 1930s », Kritika : Explorations in Russian and Eurasian History, hiver 2010, vol. 11, n°1, p. 11-45.
Dates
25-27 mai 2016, Maison des Scinces de l'Homme, Dijon.
Modalités de soumission
Les propositions ne doivent pas excéder 500 mots.
Elles doivent être accompagnées d’un titre, du nom de l’auteur, de son l’affiliation institutionnelle et de la mention des cinq principaux travaux de l’auteur(e).
Déposer votre proposition le site de la conférence.
Les langues de la conférence sont le français et l’anglais.
Date butoir: 30 novembre 2015
Comité scientifique
Bernhard Bayerlein historien, Institut des Mouvements Sociaux, Université de Bochum
Sophie Cœuré, professeur à l’université Paris-VII
Romain Ducoulombier, post-doctorant Université de Bourgogne/ANR Paprik@2F
Sabine Dullin, professeur à l’IEP de Paris
Kevin Morgan, professeur à l’université de Manchester
Silvio Pons, professeur à l’université Tor Vergata de Rome
Marion Veyssière, Conservateur du patrimoine, Responsable du département de la Justice et de l'Intérieur, Direction des fonds, Archives nationales.
Jean Vigreux, professeur à l’université de Bourgogne
Serge Wolikow, professeur émérite d’histoire à l'université de Bourgogne
http://anrpaprika.sciencesconf.org/