Le travail social tient-il grâce à une quantité de travail invisible et des travailleurs et travailleuses de l’ombre ? Ce travail peut d’abord être pensé comme celui des bénévoles. Leur importance dans le travail social s’enracine dans l’histoire du secteur et la prise en charge des vulnérables, pauvres et indigents par les philanthropes, les congrégations religieuses et les associations du mouvement ouvrier. Si la professionnalisation du secteur s’est construite contre le bénévolat, les associations tiennent toujours une place centrale dans l’action sociale et médico-sociale et les bénévoles restent nombreux. Loin de disparaître, les bénévoles semblent donc encore plus sollicités dans un contexte de réduction des dépenses publiques et d’appel à la société civile, tandis que le bénévolat peut faire figure d’accès vers les professions du social, avec des frontières de plus en plus floues entre professionnels qualifiés et bénévoles militants (Ion, 2005). On peut se demander quel est le sens du bénévolat pour celles et ceux qui l’effectuent, leurs parcours, leurs modalités de collaboration avec les professionnels de l’intervention sociale, les contextes dans lesquels il s’insère et les causes du recours à celui-ci.
Mais peut-on parler d’un bénévolat en travail social ? Valorisé au titre de l’engagement de la société civile pour le bien collectif, le bénévolat peut aussi être vu comme du travail gratuit, c’est-à-dire du travail non reconnu comme tel et non rémunéré. Or, s’il est le fruit d’un choix positif pour certains, il peut être pour d’autres une solution par défaut et un espoir d’accès à l’emploi (Simonet, 2010). Mais au-delà, tout le travail des travailleurs sociaux rémunérés est-il reconnu comme tel, ou comprend-il une part invisible ? La part émotionnelle et relationnelle du métier peut ainsi apparaître comme une dimension invisibilisée de l’activité (Lenzi, Virat, 2018). L’idée d’engagement dans le travail social, ou même de vocation, semble contenir l’idée d’une « part de don » qui excède la dimension salariale ou marchande, et qui serait même nécessaire à l’accomplissement de ses missions (Fustier, 2015). Quels sont les contours de cette part bénévole du métier ; quelle place occupe-t-elle dans le travail social ?
Enfin, on peut se demander quels sont les enjeux de la visibilité du travail : compte-tenu que les frontières entre travail et non-travail sont mouvantes, faut-il le faire apparaître comme travail pour débusquer ses instrumentalisations et le faire accéder à la rémunération ? Faut-il plutôt admettre que certains domaines fonctionnent sur d’autres logiques, comme celle du don, qu’il s’agit de préserver ? On pourra ici s’intéresser aux débats théoriques et aux mouvements militants qui luttent pour la reconnaissance de certaines activités comme travail ou leur maintien dans le registre de l’engagement ou du domestique, tel que le travail des pairs ou des proches aidants (Giraud & Rist, 2019 ; Gardien, 2016).
Ce numéro invite ainsi investiguer les relations entre bénévolat et travail social : leurs places et apports respectifs dans le secteur de l’intervention sociale, les modes de coopération et de collaboration qui s’instaurent entre bénévoles et travailleurs sociaux, les frontières et les passages entre activité salariée et activité bénévole, les enjeux de la qualification et de la reconnaissance de l’activité comme travail rémunéré ou comme engagement.
Coordination scientifique
Dossier coordonné par Anne Petiau (membre du Comité de rédaction, directrice du Centre d’Etudes et de Recherches Appliquées (CERA - Buc Ressources / CHIMM) anne.petiau@buc-ressources.org.
Modalités de proposition
Dépôt des manuscrits jusqu’au 1er septembre 2020
(par mail : gnoel.pasquet@faire-ess.fr) en mentionnant vos coordonnées (téléphonique et postale).
Manuscrit sous fichier Word entre 5 000 et 30 000 signes maximum. Les autres recommandations sont sur le site du Sociographe : www.lesociographe.org
Tout manuscrit est signé par un ou des auteurs physiques (pas de personnes morales). En cas de co-auteurs, nécessité d’avoir un seul contact pour la rédaction (ils seront présentés dans la publication par ordre alphabétique sauf contre-indication).
Les manuscrits et autres documents remis le sont à titre gracieux ; la publication est soumise à un contrat d’édition.
Tout fichier proposé suppose l’autorisation par l’auteur d’une mise en ligne possible sur Internet.
Bibliographie
Eve Gardien, La pairémulation entre bénévolat activiste et professionnalisation, Nadia Garnoussi et Lise Demailly (dir.), Aller mieux. Approches sociologiques, PUS, juin 2016, pp. 347-360
Fustier, Paul, « Du travail social : la part du don », VST, 2015/2, n°126, pp. 20-26.
Giraud, Olivier ; Outin, Jean-Luc et Rist, Barbara (coord.) « La place des aidants profanes dans les politiques sociales, entre libre-choix, enrôlement et revendications », RFAS, janvier 2019.
Ion, Jacques, « Brève chronique des rapports entre travail social et bénévolat », Pensée plurielle, 2005/2, n°10, pp. 149-157.
Lenzi Catherine, Virat Mael, « La place des émotions dans le travail socio-éducatif », SEJED, n°20, 2018.
Simonet, Maud, Le travail bénévole, engagement citoyen ou travail gratuit ?, Paris, La Dispute, 2010.