Première séance le 7 avril 2021
Alors que les synthèses sur l’histoire du handicap et de la surdité à toutes les époques historiques se multiplient actuellement dans la littérature anglo-saxonne, aucun ouvrage collectif n’a été publié dans la sphère francophone depuis le début des années 2000. Les chercheurs qui s’intéressent à l’histoire du handicap et de la surdité de l’espace francophone sont aujourd’hui assez isolé-e-s, les réseaux étant constitués uniquement autour de thématiques particulières (cécité, surdité) ou de période historique (comme le XXe siècle). L’histoire du handicap et celle de la surdité à l’époque contemporaine ont pris des chemins divergents. Les chercheurs sur l’histoire de la surdité ont fondé leurs approches sur une conception culturelle de la surdité, conformément aux revendications portées par les mouvements associatifs sourds. Ne se reconnaissant pas dans la disability history, ils ont construit leurs propres réseaux scientifiques internationaux et ont construit une histoire de la surdité distante – parfois même hermétique – de celle du handicap. Les histoires du handicap et de la surdité ne se croisent donc que rarement, même si elles s’entremêlent au cours de l’époque contemporaine : les sourds luttent d’ailleurs aux côtés des aveugles pour conquérir le droit à une éducation gratuite, laïque et obligatoire au cours des années 1930. Ce séminaire bimensuel a pour objectif de remédier à cette situation, en structurant un réseau francophone de recherche sur l’histoire du handicap et de la surdité toutes périodes historiques confondues.
La constitution d’un réseau francophone est d’autant plus urgente que le champ disciplinaire de l’histoire du handicap et de la surdité connaît actuellement un renouvellement considérable des méthodes et des approches scientifiques. Pendant de nombreuses années, le handicap a été considéré sous l’angle de l’histoire sociale de la marginalité, de la pauvreté et de la déviance. Dans les années 2000, les chercheurs ont clairement admis que la signification et donc l’expérience du handicap changeaient au fil du temps dans une culture donnée et entre cultures différentes. Concernant la période médiévale, par exemple, la plupart des ouvrages publiés jusqu’à présent sont soit des études approfondies centrées sur des cas particuliers, soit des propos assez généraux sur la société étudiée. De plus, les thématiques centrales divergent selon les époques : les chercheurs intéressé-e-s par les époques médiévale et moderne prêtent un intérêt considérable au poids de la religion, ce qui n’est pas le cas pour l’époque contemporaine. La littérature historique sur la période contemporaine a évolué d’un intérêt pour les politiques publiques, l’action des institutions éducatives, celle des associations ou la trajectoire biographique ou l’action des grands personnages historiques (médecins, éducateurs), vers des approches transnationales ou davantage biographiques, ou vers des approches plus intersectorielles, prenant en compte le genre ou la race. Dans le paradigme intersectionnel, le « handicap » ne constitue que l’une des multiples caractéristiques identitaires de l’individu. Seuls quelques travaux historiques ont pris en compte ce mode de pensée interdisciplinaire.
La littérature sur le handicap s’est rapidement développée après 2005, en s’appuyant sur une approche qui présente le handicap comme un phénomène socioculturel. Dans ces ouvrages, le handicap est mis en contraste avec la normativité au niveau conceptuel : il est conçu comme ce qui s’écarte des « normes » culturellement constituées à un moment donné. En tant qu’histoire culturelle, l’histoire du handicap et de la surdité doit prendre en compte les continuités et les changements passés, en cultivant une vision à long terme entre les époques antiques et contemporaines, révélant les significations plurielles du handicap et de la surdité à travers les siècles. Elle aurait avantage à considérer également les significations du handicap et de la surdité des territoires non occidentaux, afin de mieux cerner la manière dont les nombreuses vagues de migrations ont interprété le handicap et la surdité. Cette approche culturelle permet aussi de mettre en lumière la participation individuelle et collective des personnes handicapées aux rituels sociaux à différentes époques, une participation qui peut aussi être éclairée par l’archéologie.
Nous souhaiterions inviter toutes personnes intéressées, quelque que soit leur discipline d'origine, à envisager plus particulièrement trois types de communications :
- Des communications visant à synthétiser les principales caractéristiques de l’histoire des personnes handicapées ou sourdes, ou d’une catégorie spécifique de personnes handicapées pour chaque période historique ou pour une période historique délimitée, afin de faire un bilan de la littérature existante.
- Des communications sur les nouvelles problématiques de recherche dans ce champ, aux différentes périodes historiques. Les jeunes chercheurs (masters et doctorants) sont particulièrement invités à présenter l’avancée de leurs projets de recherche.
- Des communications sur la question des méthodes et des sources pour écrire l’histoire du handicap.
Les propositions de communications sélectionnées seront présentées lors de la séance de lancement du séminaire le 7 avril 2021 ou lors des séances suivantes (juin, septembre, novembre). Nous sommes favorables à une conception très souple de la catégorie de personne handicapée, qui prend en compte également les maladies chroniques conduisant à des incapacités.
Les propositions de communication composées d’environ 500 mots et d’une courte présentation biographique doivent être envoyées avant le 15 janvier 2020 aux adresses gildas.bregain@ehesp.fr et ninon.dubourg@gmail.com.
Comme cet événement scientifique est couplé avec la Conférence ALTER, les propositions de communication doivent être distinctes de celles données le lendemain (8 et 9 avril 2021).
Composition du comité scientifique :
Yann Cantin (Maître de conférence sur l’histoire des sourds, Université Paris 8).
Valérie Delattre (archéo-anthropologue à l’INRAP).
Caroline Husquin (Maîtresse de conférence en histoire antique, Université de Lille).
Olivier Richard (Professeur d’histoire médiévale, Université de Strasbourg).
Pieter Verstraete (Professeur associé en études du handicap, KU Leuven).