Argumentaire
Ce colloque propose d’entrer dans les logements, les parties communes ainsi que les abords des immeubles et maisons des faubourgs et banlieues pour aborder l’histoire de ces territoires sous un autre angle que celui des espaces productifs, périphériques ou relégués et en mettant en question l’image contemporaine des banlieues populaires comme lieux d’habitat contraint, mal conçu, inhabitable ou encore des « banlieues dortoirs ». « Habiter la banlieue » n’est pas l’équivalent de « vivre en banlieue » car c’est l’espace privé qui est alors en jeu. La question des intérieurs, de leur aménagement, de leur appropriation, et des relations qui s’y jouent nous paraît essentielle bien que difficile à aborder, puisqu’elle relève de l’histoire de l’intimité, avec une forte dimension matérielle. Il s’agira ainsi d’appréhender à travers les objets, l’aménagement et la décoration, les modes de consommation, l’organisation domestique ou encore l’occupation genrée de l’espace, la manière dont sont habités les logements suburbains. Cette approche vise – à rebours de représentations centrées sur les faits divers spectaculaires et les moments de crise – à les inscrire dans une histoire de l’ordinaire, du quotidien et de l’intime, qui connaît actuellement un fort développement, afin de voir comment s’y réfracte le monde social. La notion d’habiter a par ailleurs l’intérêt d’englober l’ensemble des activités sociales autour du logement : celles qui se déroulent à l’intérieur du domicile, mais aussi dans l’environnement proche du logement : commerce, travail, relations sociales, loisirs.
La question de la patrimonialisation et de la valorisation des habitats et des manières d’habiter a été abordée de longue date et certaines formes d’habitat ont fait l’objet de classements et inscriptions Monuments Historiques, de labellisations Architecture contemporaine remarquable ou encore bénéficient du dispositif Site patrimonial remarquable. Dans le cas de l’habitat des faubourgs et des banlieues, ces classements concernent avant tout des grands ensembles construits par des architectes renommés. On se demandera comment évolue la reconnaissance patrimoniale d’habitats ou quartiers de banlieue ordinaires qui vise à valoriser ces espaces faubouriens, modifier le regard commun qui y est porté et « refaire territoire » (Auduc, 2012), mais aussi dans quelle mesure cette patrimonialisation est effective ? On s’intéressera également aux formes (expositions, balades urbaines, podcasts, films) et aux types (artistique, scientifique) de médiations qui accompagnent la patrimonialisation. Il convient de se poser la question du rôle et de l’impact des habitants dans ce processus, tout comme celle de l’impact de la patrimonialisation sur les habitants.
Le colloque s’organisera autour de quatre axes de réflexion en particulier :
Axe 1. Production de logements et modes d’habiter dans les faubourgs et les banlieues
Cet axe concernera la typologie des logements faubouriens et banlieusards et leur appropriation par leurs habitants, manifestée par les modes d’habiter. Il s’agira de confronter les principes qui guident les architectes et constructeurs à la réalité des manières d’aménager, d’organiser et de meubler le logement. Il sera également possible de se pencher avec un angle plus politique sur les revendications des habitants sur leur habitat, le quartier, les échanges avec les constructeurs et les politiques autour de la question de l’habiter.
Axe 2. Habitants, vie quotidienne et trajectoires résidentielles
Le deuxième axe du colloque concerne les habitants, leurs trajectoires et leur ordinaire dans les faubourgs et banlieues. À la manière d’Alain Faure qui se demandait : « qui sont ces gens, ces banlieusards »[1], on s’intéressera en particulier à l’humain, à son quotidien et à son intimité. Il s’agira ainsi à la fois d’interroger la construction d’une identité faubourienne et banlieusarde et d’étudier les identités emboitées de leurs habitants, au croisement de l’appartenance socio-professionnelle, de l’âge, de l’origine rurale ou urbaine, régionale, nationale, coloniale ou encore de la religion…
Axe 3. Sources et méthodes pour renouveler l’histoire de l’habiter en banlieue
L’histoire urbaine dans son ensemble constitue un terrain d’étude privilégié pour l’expérimentation et la confrontation des disciplines (Bakouche, 2004). Ces rencontres seront l’occasion de présenter les approches utilisées pour rendre compte de l’intimité, de l’ordinaire des habitants des banlieues, de leurs modes d’habiter et de leurs trajectoires résidentielles, à la fois en termes de méthodes et de sources.
Axe 4. Expériences de valorisation patrimoniale et pédagogique de l’histoire des faubourgs et banlieues
Les communications pourront aborder la patrimonialisation de l’habitat suburbain et la manière dont les actions de valorisation patrimoniales cherchent désormais à se saisir de la question de l’habitat et la vie quotidienne en banlieue au travers de balades urbaines, d’expositions ou de musées[2]. Cette thématique permettra de présenter différents processus de patrimonialisation et d’effectuer un état des lieux des actions entreprises en présentant leur méthodologie, leur dispositif et leur résultat.
Modalités de soumission
Les propositions de communication ou de poster compteront 3000 signes environ. Elles seront accompagnées d’un CV et d’une courte bibliographie des travaux de l’auteur. Elles devront être envoyées à marie.ferey@paysdelaloire.fr et muriel.cohen@univ-lemans.fr
avant le 15 février 2023.
Les notifications d’acceptation seront envoyées en mars 2023. Transport, hébergement et repas des intervenants retenus seront pris en charge.
Ces journées donneront lieu à la publication d’actes en 2024. Les textes des interventions seront à remettre au moment du colloque. Ils pourront être modifiés à la marge durant le mois suivant, nourris des échanges du colloque. Les textes définitifs devront être envoyés le 15 décembre 2023 au plus tard. Ils devront faire 30 000 signes maximum et être accompagnés de maximum 2 visuels.
Comité d’organisation
- Emmanuel Bellanger, historien, CHS, CNRS.
- Muriel Cohen, historienne, TEMOS, Le Mans Université.
- Marie Ferey, attachée de conservation, Inventaire général, Région des Pays de la Loire.
- Frédéric Fournis, chef de pôle Inventaire, Région des Pays de la Loire.
- Hervé Guillemain, historien, TEMOS, Le Mans Université.
- Enora Rousset, chargée de valorisation du patrimoine, Région Pays de la Loire.
Comité scientifique
- Gaïd Andro, historienne, CREN, Université de Nantes.
- Emmanuel Bellanger, historien, CHS, CNRS.
- Muriel Cohen, historienne, TEMOS, Le Mans Université.
- Magali Delavenne, chercheuse, Inventaire général, Région Auvergne-Rhône-Alpes.
- Marie Ferey, chercheuse, Inventaire général, Région Pays de la Loire.
- Fabrice Langrognet, Brasenose College, Oxford/ CHS, Université Paris 1/CNRS.
- Benoit Pouvreau, chercheur, Service du patrimoine culturel, Département de la Seine-Saint-Denis. - Thomas Renard, historien de l’art, CReAAH, Université de Nantes.
- Dany Sandron, historien de l’art et d’archéologie du Moyen-Âge, Centre André Chastel, Sorbonne Université.
- Fabien Van Geert, muséologue, Cerlis, Université Sorbonne Nouvelle.
- Vincent Veschambre, géographe, le Rize, Villeurbanne.
- Charlotte Vorms, historienne, CHS, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Notes
[1] Alain Faure, Les premiers banlieusards. Aux origines de la banlieue de Paris, Grâne, Créaphis, 1991.
[2] Quelques exemples : le Musée urbain Tony Garnier (Lyon), Rize (Villeurbanne), Maison de l’architecture et de la banlieue (Athis-Mons), Ecomusée du Grand-Orly Seine Bièvre, Exposition « La Vie HLM » (Aubervilliers).