Depuis l'été 2022, le dictionnaire Maitron, œuvre incontournable de l'histoire sociale et exemple pionnier de science participative, vit des difficultés graves. Elles ont été marquées successivement par le retrait des deux agents CNRS qui en avaient la charge mais étaient en butte à d'importantes difficultés à faire valoir une orientation scientifique, face à des forces extérieures à leur employeur ; puis par la tentative de son ancien directeur, pourtant retraité depuis 10 ans, de constituer une équipe détachée de tout lien avec le laboratoire historique du Maitron, le Centre d'histoire sociale des mondes contemporains (CHS) et avec le CNRS. Ce dernier assure le financement et la gestion du site, et est le garant de la qualité de cet outil. Après divers appels au CNRS de représentants syndicaux et d'auteurs ou anciens auteurs attachés au maintien de l'œuvre, et consultation des différentes parties, le CNRS et le CHS ont désigné en Emmanuel Bellanger un directeur scientifique provisoire chargé d'assurer la pérennité du dictionnaire. Il s'agit d'assurer un fonctionnement sain de l'œuvre, répondant aux exigences scientifiques actuelles en histoire sociale. Cette décision a été annoncée en public lors de l'assemblée générale des Amis du Maitron, le 7 décembre dernier. Le CNRS assure ce faisant de la continuité de son soutien entier à cette entreprise éditoriale et scientifique.
Depuis, des textes et pétitions circulent, fondés sur des rumeurs et des attaques ad hominem, suscitant une légitime inquiétude des auteurs. L'accès au site du Maitron est assuré comme chacun peut le constater en quelques clics et le restera. Comme le rappelle la lettre d'Emmanuel Bellanger envoyée aux auteurs le 12 janvier, seul l'ajout ou la modification des notices biographiques sont provisoirement interrompus, le temps de mettre en place de nouveaux dispositifs, visant à garantir le contenu scientifique du dictionnaire et la sécurité du site hébergé par le CNRS. Cette mesure provisoire de restriction de l'accès à l'interface éditoriale du site n'est pas « injustifiée » comme on peut le lire dans une question parlementaire, « les chercheurs et les chercheuses » en ont été informés et invités à poursuivre leur travail avec une garantie de pérennité que l'ancienne équipe de direction ne pouvait garantir en s'isolant de la recherche publique.
Face à la situation dans laquelle se trouve le dictionnaire, auquel nous avons contribué ou dont nous avons fait usage dans le cadre de nos travaux ou de notre parcours intellectuel, nous ne pouvons être que favorables à la démarche entreprise par le CNRS (i.e. la recherche publique) et le Centre d'histoire sociale des mondes contemporains (CHS), laboratoire historique du Maitron, pour que l'œuvre perdure en assurant sa pérennité et pour qu'elle demeure un bien commun, que nul intérêt autre (rattaché à une personne, une association, ou une entreprise) ne saurait privatiser.
L'intervention du CNRS se situe dans la continuité des efforts entrepris par ses agents en charge du dictionnaire, mais épuisés par la persistance de forces contraires. Elle prolonge également l'inquiétude exprimée par des groupes d'auteurs ou des collectifs syndicaux, et vise à apporter des réponses à des questions légitimes, notamment quant au cadre juridique et à la propriété intellectuelle de l'œuvre et des auteurs.
Nous affirmons par la présente notre attachement à un Maitron libre d'accès, réalisé par un travail collaboratif entre universitaires, érudits, passionnés et militants (sens de la démarche annoncée par le CNRS). Sa structure juridique et sa gouvernance doivent échapper à toute autre tutelle que celle qui, depuis sa création, a assuré sa continuité et sa rigueur : la recherche publique. Et qui a assuré depuis, avec l'ouverture en 2018 du site maitron.fr, sa démocratisation et sa mise à la disposition de toutes et tous.
Nous ne pouvons en aucun cas cautionner toute tentative personnelle ou de structures « amicales » d'incarner le Maitron et d'en confisquer les droits, le nom, ou même l'esprit.
Auteurs.trices, lecteurs.trices et utilisateurs.trices du dictionnaire Maitron, nous exprimons notre sidération face aux contrevérités, informations tronquées et accusations infondées qui circulent ces dernières semaines. Ainsi, contrairement à ce qui a pu être prétendu, le directeur du CHS ne s'est nullement « autoproclamé » directeur du Maitron, mais cette mission lui a été confiée par le CNRS.
Nous redisons donc notre soutien plein et entier au CNRS, au CHS, ainsi qu'aux agents du service public et aux personnes que les déplorables courriers récents mettent en cause nommément d'une manière inacceptable.
Premiers signataires :
Bastien Amiel
Claire Andrieu
Mauricio Aranda
Fabien Archambault
Nicolas Azam
Isabelle Backouche
Céline Barthonnat
Philippe Baudorre
Éric Belouet
Françoise Blum
Judith Bonin
Marie-Cécile Bouju
Guillaume Bourgeois
Elyane Bressol
Axelle Brodiez
Anne-Sophie Bruno
Noëlline Castagnez
Frédéric Cépède
Alain Chatriot
Gabrielle Chomentowski
Sophie Coeuré
Fabien Conord
Alexandre Courban
Michel Dreyfus
François Duteil
Jean-Pierre Duteuil
Marion Fontaine
Gauthier Fradois
Mathieu Fulla
Fanny Gallot
Gilbert Garrel
Quentin Gasteuil
Frank Georgi
Isabelle Gouarné
Pascal Guillot
Nicolas Hatzfeld
Joël Hedde
Laura Hobson Faure
Charles Jacquier
Yannick Keravec
Benoît Kermoal
Christian Langeois
Mathilde Larrère
Maxime Launay
Erwan Le Gall
Isabelle Lespinet-Moret
Julien Lucchini
Édouard Lynch
Laure Machu
Christian Mahieux
Michel Margairaz
Anne Mathieu
Rachel Mazuy
Robi Morder
Gilles Morin
Anne-Laure Ollivier
Michel Pigenet
Christophe Prochasson
Judith Rainhorn
Michèle Rault
Gilles Richard
Benjamin Riviale
Guillaume Roubaud-Quashie
Tristan Rouquet
Thierry Roy
Fabrice Szabo
Véronique Servat
Anne Simonin
Dominique Tantin
Nicolas Tardits
Danielle Tartakowsky
Michel Thébault
Sylvie Thénault
Stéphane Thomas
Rossana Vaccaro
Julia Valat-Bodin
Gilles Vergnon
Julie Verlaine
Xavier Vigna
Jean Vigreux
Charlotte Vorms
Serge Wolikow
Michelle Zancarini-Fournel