Qu’elles soient le résultat de négligences ou de choix délibérés, les pollutions et les dégradations du milieu perçues comme autant de tributs versés à l’industrialisation ont suscité précocement des protestations, des contestations, des résistances et des conflits (Geneviève Massard-Guilbaud, Charles-François Mathis). Les recherches effectuées depuis une dizaine d’années en histoire environnementale ont en effet contribué à remettre en cause l’idée d’une césure complète dans les années 1960 et 1970 entre une société productiviste, toute entière tournée vers la célébration du progrès indissolublement social, économique et technique, et une société réflexive, consciente de son impact sur l’environnement et désireuse d’en limiter les conséquences négatives (Jean-Baptiste Fressoz, François Jarrige, Thomas Le Roux).
Dans ce domaine, l’histoire du droit de l’environnement constitue comme un écho, parfois à peine audible et parfois détourné de son objectif initial, des mobilisations et des conflits environnementaux propres à chaque période. A titre d’exemples, le décret du 15 octobre 1810 sur les nuisances industrielles répondit aux plaintes des voisins des fabriques urbaines d’acide sulfurique et de soude (Thomas Le Roux, Geneviève Massard-Guilbaud). La loi de 1906 sur la protection des sites et des monuments naturels de caractère artistique fut quant à elle obtenue par la Société pour la protection des paysages constituée en 1901 pour défendre les cascades du Lison menacées par la construction d’une conduite forcée.
Or, malgré l’importance de ces luttes symboliques, de nombreux cas de résistances environnementales restent mal ou peu connus, en particulier quand ces luttes, purement locales, se sont avérées vaines. De fait, certains combats restent en mémoire : la mobilisation du Club Alpin de France pour préserver les cascades de Gimel (Limousin) classées en 1898, les luttes des années 1970 sur le plateau du Larzac ou contre l’énergie nucléaire, etc. Mais beaucoup restent encore à découvrir dans les archives d’associations ou de collectivités territoriales. Dans ce domaine, il n’est pas impossible que l’importance du tournant environnemental des sociétés industrialisées au crépuscule des Trente Glorieuses ait amené de nombreux chercheurs à négliger l’importance des mobilisations antérieures.
Nous comparerons des études de cas en Limousin, en France et à l’étranger pour mieux comprendre le rôle des instances de régulation de ces conflits ou analyser l'efficacité des outils juridiques de leur prévention. Ce colloque entend exhumer et mettre en relation ces résistances locales pour dégager les logiques à l’œuvre. Au-delà de l’inévitable idiosyncrasie de chaque événement, il est nécessaire de s’interroger sur la signification et les finalités de ces conflits et sur ce qu’ils révèlent du rapport des sociétés à l'idéologie du progrès technique, à l’industrialisation et à leur représentation de la nature. Ces conflits peuvent-ils être interprétés comme une forme de résistance à une certaine idée du progrès, comme l’expression d’une dissidence qui s’exprimerait de manière souterraine sur la longue durée - avant de devenir plus visible dans le dernier tiers du XXe siècle - ou comme un appel à plus de démocratie participative dans la définition des choix de société impactant l'environnement ?
Nous chercherons à éclairer l’histoire sociale et culturelle de ces résistances dans le cadre local et/ou régional des sociétés industrialisées. Quatre axes de réflexion structureront ce colloque : les motifs, les acteurs, les formes de l’action et les résultats de ces contestations et résistances.
Organisation
Anne-Claude Ambroise-Rendu (CRIHAM, Université de Limoges), Emilie Chevalier (CRIDEAU, Université de Limoges), Antoine Gatet (CRIDEAU, Université de Limoges), Anna Trespeuch-Berthelot (CRIHAM, Université de Limoges), Alexis Vrignon (CRIHAM, Université de Poitiers).
Programme du colloque
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9h 00 Ouverture
Accueil des Participants
Introduction
JEUDI 8 DÉCEMBRE 2016
Amphi Pouthier
1- Acteurs et processus de résistance aux risques de pollutions
Présidente de séance : Geneviève Massard-Guilbaud (EHESS)
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9h 30 - Olivier Chatterji (Université de Grenoble-Alpes), Pollution, agriculture et conflit dans la vallée de la Maurienne (1895-1914)
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10h 00 - Yann BENCIVENGO (Université Paris 1), Résistances et conflits face à l'impact environnemental de l'industrie du nickel en Nouvelle-Calédonie
Débats
Pause
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11h 00 - Stéphane FRIOUX (Université Lyon 2), La raffinerie baladeuse: contestations, résistances et négociations en région lyonnaise dans l'après-Feyzin (années 1970’)
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11h 30 - Michel LETTE (CNAM – HT2S), Face aux forages pétrogaziers dans le Haut-Bugey (1989-2015) : Contester et résister pour négocier la reconnaissance des risques
Débats
Déjeuner
2- La défense des territoires et de leurs ressources propres : des vecteurs pour les mobilisations environnementales locales
Président de séance : François Jarrige (Université de Bourgogne) et Thomas Le Roux (EHESS-CRH)
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14h 00 - Cédric HUMAIR, Mathieu NARINDAL (Universités de Lausanne et de Neuchâtel), Développement touristique et protection de l'environnement: naissance d'une opposition multiforme à la prolifération d'infrastructures dans l'Arc lémanique (1890-1914)
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14h 30 - Philippe GRANDCOING (CPGE du lycée Gay-Lussac, Limoges / Université Paris1), Défendre « l’arbre-totem » ? Les Limousins et le dépérissement des châtaigneraies au début du XXe siècle
Pause
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15h 30 - Steve HAGIMONT (Université Toulouse 2-Jean Jaurès), Valorisation hydroélectrique ou préservation du capital touristique ? Un dilemme économique local (Pyrénées françaises et espagnoles, 1900-1960)
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16h 00 - Anne-Marie Granet-Abisset (Université de Grenoble-Alpes), Effacer la montagne : le Lyon Turin Ferroviaire (LTF), symbole ou symptôme des conflits et des alliances autour des aménagements routiers et ferroviaires dans les Alpes
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16h 30 - Catherine ROUVIERE (Université Paris 1), Les combats "écologiques" au cœur de l'intégration conflictuelle des néoruraux en Ardèche dans les années 1960
20h : Dîner du colloque
VENDREDI 8 DÉCEMBRE 2016
3- La démocratie en jeu : négociation, contentieux et émancipation politique
Président de séance : Charles-François Mathis (Bordeaux Montaigne)
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9h 30 - Nathalia CAPELLINI (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), Science et barricade : les conflits dans la construction des barrages hydroélectriques en Amazonie brésilienne pendant la dictature militaire (1964-1985)
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10h 00 - Vincent PORHEL (Université Lyon 1), Le conflit Ferodo (1970-1972) : lutte sociale et combat sanitaire
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10h 30 - Dominique DANTHIEUX (Mémoire ouvrière en Limousin / Université Paris 4), Forêt et démocratie sur la Montagne limousine (depuis les années 1970’)
Débats
Pause
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11h 30 - Ludovic JOMIER (Sources et rivières du Limousin / Université de Limoges), Reconnaissance juridique du droit d'association et construction progressive des réseaux associatifs depuis les années 1970
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12h 00 - Priscilla GREGOIRE (Université de Limoges), Le contentieux environnemental devant le tribunal administratif de Limoges (1996-2016)
Débats
Déjeuner
4- L’impact des mobilisations locales.
Président de séance : Stéphane Frioux (Lyon 2)
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14h 00 - Cyrian PITTELOUD (Université de Genève), Gestion d'un conflit environnemental au Japon à la fin du XIX : le cas de la mine d'Ashio
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14h 30 - Cécile BLATRIX, Olivia DAVESNE (AgroParisTech/CESSP ; Archives Départementales de l’Ain), Bugey : itinéraire d'une contestation anti-nucléaire
Débats
Pause
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15h 30 - Malcolm FERDINAND (Université Paris Diderot Paris-7), Des contestations locales en Guadeloupe et en Martinique à l'interdiction nationale transatlantique : le cas de l'épandage aérien (2009-2014)
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16h 00 - Aliénor BERTRAND (Université de Montpellier), Fabrique spéculative de la ville, faillite écologique et impuissance du droit. De la vallée de la Lez à Caylus. Dix ans de luttes pour la préservation des espaces naturels, agricoles et hydro-sociaux du nord-est de Montpellier
Débats
Conclusion du colloque