Université Paris-Est Marne-la-Vallée, vendredi 17 novembre 2017,
Organisée par Emma Rubio, LISAA EA4120, Équipe EMHIS
Cette journée d’étude se donne pour objectif de faire le point sur la question des migrations espagnoles, ibériques ou hispaniques, depuis les vagues du passé jusqu’à celle d’aujourd’hui, leurs ressemblances, leurs différences, leur évolution à l’aune de l’évolution des sociétés dans un monde devenu globalisé.
Les migrantes et migrants sont au cœur de l’actualité depuis que des mouvements sociaux hâtivement nommés « printemps arabes » ont trop souvent donné lieu à des conflits et des guerres parmi les plus sanglants de l’histoire de l’humanité. L’internationalisation des crises, des conflits et de leur médiatisation, la globalisation des échanges, la mondialisation des questions climatiques, semblent donner un statut nouveau aux migrants, une visibilité que par le passé ils n’ont pas toujours eue. Les migrations se sont aussi mondialisées. L’échelle de la médiatisation du phénomène migratoire et l’importance qu’il a prise dans les discours politiques dans les pays développés par rapport aux politiques migratoires mises en œuvre et aux enjeux de pouvoir, interroge la capacité des sociétés développées à inventer des réponses répondant aux nécessités environnementales et aux aspirations des humains contraints ou choisissant d’émigrer.
Les causes de l’émigration apparaissent peu différentes : crises politiques, violences, conflits, guerres, auxquelles il faut ajouter les migrations « climatiques », ou liées à des catastrophes «naturelles», phénomènes qui ne semblent nouveaux que dans leur ampleur et leur récurrence. A ces événements succèdent des situations difficiles à traverser pour les populations persécutées ou déshéritées, invariablement motivées par la recherche d’un ailleurs, d’une vie meilleure ou d’une protection : un statut pour les réfugiés politiques, un emploi pour les « économiques ».
Si comme le définissait Dominique Schnapper en 1988 la migration a pu permettre le passage « de la tradition à la modernité », dans quelle mesure ce transfert certain d’un statut vers un autre est-il aujourd’hui réalisé ? Quelles sociétés ont été et sont encore capables d’accueillir les migrants, de les intégrer ? Quelles utopies seraient encore porteuses de ce progrès pour l’humanité ?
Par ailleurs les migrations se produisent invariablement vers des sociétés réputées développées, riches, démocratiques, libres où invariablement se posent les mêmes questions face aux « vagues » de migrants : choix, voire sélection des immigrés en fonction des besoins du monde du travail ? Quel statut pour les migrants ? National ou international ? Réfugiés ou économiques ? Quelle gestion des flux, des camps, du transit, du regroupement quand la solution n’est pas la construction de murs pour une isolation fantasmée ?
Pour le monde hispanique, comme le dit un sociologue des migrations, Antolín Martínez Granados :
En tant que phénomène social total, le phénomène migratoire infiltre et imprègne par sa présence tous les domaines de la structure sociale des pays, territoires et peuples qui sont en jeu, ceux dont partent les flux comme ceux où ils arrivent. La société espagnole de ce début de siècle, ses gens et ses institutions ont subi des transformations structurelles du vivre-ensemble que les générations antérieures n’avaient pas connues et qui sont la conséquence des processus migratoires qui se sont produits au long de ce dernier quart de siècle.
Les migrations constituent un phénomène qu’anthropologues, sociologues et historiens s’accordent à décrire comme un phénomène consubstantiel à l’espèce, où l'humanité́ se donne dans toute sa spécificité́ : le mouvement comme processus vital, les échanges comme réalisation. De la micro-histoire à la macroéconomie en passant par le droit, la sociologie ou les arts plastiques, le cinéma ou la littérature, tous les champs d’activité, culturels et de la recherche sont traversés par les questions que pose cette reconfiguration des populations. Des analyses nouvelles émergent alors même que ces questions continuent de se poser.
Quels regards croisés peut-on susciter concernant le monde hispanique ? Inter-régionales ou internationales, transocéaniques ou européennes, au départ de l’Europe ou des Amériques, les migrations sont au cœur de la définition des identités nationales multiculturelles des pays de langue espagnole à travers les âges. Quelles traces ces migrations ont-elles laissées sur ces territoires et au-delà ? Quels modèles, quelles répétitions et quelles inventions les migrations suscitent-elles toujours ?
Dans les vies, dans les corps, dans les imaginaires comme dans les sociétés, les migrations n’en finissent pas de laisser des traces. Les artistes et les chercheurs y trouvent matière enrichir leurs productions et la connaissance humaine : comment continuons-nous à penser la migration ? Quelles traces dans les discours politiques, les textes juridiques, quels impacts dans les économies, les sociétés, dans les langues et les cultures ? Quelles expressions artistiques les contiennent ?
Les contributions pourront s’articuler autour de la notion de « traces » selon des axes que nous proposons à titre indicatif et non exhaustif :
- Compter les migrantes et les migrants pour que les migrantes et les migrants comptent : c’est l’un des enjeux de leur visibilité : statistiques, démographie, parcours des mouvements migratoires.
- (Ra)conter les migrantes et les migrants, les écouter se raconter : traces d’encre (témoignages, récits de vie, archives) et traces orales, écrits sur les migrantes et les migrants d’historiens, d’anthropologues, de sociologues...
- Représenter les migrants et les migrantes : dans la presse, la recherche, les arts, la fiction : la figure du migrant ou de la migrante comme trace d’une vérité de la migration ?...
- Énoncer la migration: la dimension linguistique ou ses traces dans les langues (sociolinguistique : adaptation[s], contact[s], transculturation[s])
- Traces dans les corps : urgences, médecine, biologie. Que deviennent les corps des femmes et des hommes en migration ? La mort ou l’adaptation des corps dans la migration.
- Genrer l’analyse des migrations : on accueillera les textes se donnant l’intersectionnalité pour angle d’analyse des phénomènes migratoires qui ne touchent pas de la même façon les femmes, les hommes, les humains selon leur classe sociale, leur âge ou leur « race » tandis que la figure statistique du migrant reste masculine et « racisée ».
Modalités
Merci de nous faire parvenir un titre et un résumé de votre projet de contribution en français ou en espagnol avant le 10 octobre 2017 à Emma Rubio : JEmigrationsMLV@gmail.com ou emma.rubio@u-pem.fr
Comité de selection
- Emma Rubio, doctorante, université Paris-Est Marne-la-Vallée, organisatrice de la Journée d’étude ;
- Christine Delfour, Professeure des Universités à Paris-Est Marne-la-Vallée (civilisation contemporaine espagnole et hispano-américaine), Responsable "Écritures des mondes hispaniques" (EHMIS) LISAA EA 4120 (directrice de thèse).
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