CfP: Non-violence et politique, un compagnon pédagogique

Call for contributions, deadline 30 August 2018 (in French)

 

Les Editions science et bien commun (Canada) lancent un appel à contribution pour un projet d’anthologie sur la non-violence et la politique, sous la direction éditoriale de Cécile Dubernet (pour la version francophone) et de Justin Scherer (pour la version anglophone), de l'Institut catholique de Paris. Des versions dans d’autres langues sont également envisagées.

Ce projet vise à construire un outil unique, multilingue à terme, regroupant des analyses d’écrits connus et moins connus, afin d’éclairer les relations complexes entre politique et non-violence qui sont trop souvent négligées en science politique. Il vise également à mobiliser les chercheurs et chercheuses qui s’intéressent au sujet, mais qui sont souvent dispersés sur différentes disciplines et différents continents.

Le livre s’adressera à des enseignant.e.s, des enseignant.e.s-chercheur.e.s, des formateurs et formatrices qui souhaitent explorer les interfaces et les interactions entre la non-violence et la politique avec leurs étudiant.e.s. Il aura également pour audience des étudiant.e.s qui s’intéressent à la non-violence et se demandent pourquoi le sujet est si rarement abordé en salle de classe ou en séminaire universitaire. Enfin, les responsables espèrent que cette collection de textes permettra aux activistes non-violents d’explorer les racines conceptuelles et historiques de leur pratique, voire de leur art.

Argumentaire détaillé

La non-violence ne fait généralement pas partie des programmes scolaires ou universitaires en sciences sociales, et ce pour plusieurs raisons : tout d’abord c’est un sujet transdisciplinaire puisant dans des champs aussi divers que l’éducation, la sociologie, la science politique, la psychologie, l’histoire, la théologie. C’est donc un thème qui s’insère mal dans un monde de spécialistes, monde dans lequel le savoir est découpé en disciplines. Deuxièmement, ses racines et ses liens forts avec les pensées religieuses et spirituelles en font un sujet d’enseignement délicat, incitant les enseignants à se cantonner à des exemples historiques. Troisièmement, le fait qu’en politique la non-violence soit communément associée à des leaders hauts en couleurs (Gandhi, Martin Luther King, le Dalai Lama..) encourage une histoire quelque peu mythifiée car centrée sur ces personnages historiques (et sympathiques !) plutôt que sur des processus politiques. Enfin, il faut aussi reconnaître que la Science politique elle-même est jeune et cherche parfois encore sa place entre les disciplines majeures dont elle est issue : le droit, la sociologie, la philosophie et l’histoire comme laboratoire. Pour exister en tant que discipline, la science politique, française en particulier, s’est structurée autour de l’étude du pouvoir et surtout de l’État. Or l’accent mis sur l’État et sa construction repose sur l’axiome de la centralité de la violence, de son efficacité au moins sur le court ou moyen terme, de l’importance de son monopole etc. L’étude de processus sciemment non-violents reste donc marginale dans la discipline.

En science politique, la non-violence est donc abordée à la marge, de biais, à travers des reformulations ou des concepts plus précis ou spécialisés. Quand on en parle, l’accent est mis sur certaines dimensions : la grève de la faim, la résistance civile, l’histoire de Martin Luther King ou du Tibet. Si l’on trouve d’excellentes études philosophiques, historiques ou sociologiques, il n’existe pas à ce jour d’anthologie francophone combinant textes historiques, analyses scientifiques et cas d’études. Plus rares encore sont les livres associant lectures et réflexions à des exercices, voire à des méditations. Cette absence s’entend car il est difficile pour tout chercheur de faire d’un concept transversal et qui porte la marque de l’utopie son objet de recherche et de transmission. Personne ne veut du label ‘rêveur’ et encore moins du label ‘activiste’ en Science politique. Ce sont des obstacles majeurs à toute quête d’insertion dans une communauté scientifique universitaire très compétitive.

Pourtant, en ce début de 21ième siècle, nous avons de bonnes raisons d’étudier sérieusement la non-violence et son rapport au politique. La cohérence théorique du concept, tel que formulé par ses précurseurs et concepteurs (tels La Boétie, Gandhi, Havel, Sharp ou encore Suu Kyi) est remarquable. Par ailleurs, c’est une des forces historiques les plus puissantes que nous ayons connues depuis plus un siècle (Semelin 2011, Chenoweth et Stephan 2011). De plus, la non-violence a été utilisée sous de multiples formes et dans des contextes très variés avec des conséquences très variables (Roberts et Ash, 2011). Elle n’est ni de l’est, ni de l’ouest, ni spécifiquement du nord ou particulièrement du sud ; elle a été utilisée tant par des hommes que par des femmes, par les pauvres comme par les riches. Elle est au cœur de certains des moments les plus inspirants de l’histoire du monde tels le mouvement Greenbelt, la chute du mur de Berlin ou celle de Milosevic en Serbie en 2000. Mais si le concept est puissant, il est aussi complexe et, trop simplifié, peut participer de catastrophes humaines comme récemment au Yémen ou en Syrie. C’est donc une approche de la vie politique qui mérite discussions, études et réflexion. Et ce d’autant plus que l’idée fascine et qu’il est donc important de la démythifier. Contrairement à l’image d’Épinal que l’on en a parfois, l’indépendance de l’Inde a été un été un événement d’une brutalité extrême.

Il est souvent rétorqué que le terme non-violence, défini négativement, ne peut être un objet d’étude scientifique cohérent. Mais tous les grands concepts politiques, de la violence à la démocratie en passant par le pouvoir sont complexes et difficile à cerner. Leurs définitions et domaines d’application restent âprement débattus. Certains même portent en eux une part de rêve (démocratie, égalité, liberté) qui les rend plus complexes encore et parfois explosifs de par leur puissance d’appel. Ceci n’empêche ni les colloques, ni les publications scientifiques, bien au contraire. Si l’on prend le temps d’enseigner les concepts utopiques de liberté ou de démocratie, il n’y a pas de raison scientifique valable d’ignorer le terme non-violence. Et comprendre les utopies sociales, c’est essentiel. Spinoza le soulignait, nous vivons de peur et d’espoir et les deux sont indissociables. Or nous prenons le temps d’enseigner la guerre, d’étudier de près les cycles de la peur, mais nous négligeons trop souvent les logiques de l’espoir.

La non-violence, même si elle se pose négativement, même si elle relève de l’horizon, est un mot au cœur de la vie dans la cité, au même titre que violence, démocratie, anarchisme, indépendance, autonomie, révolution etc. Cet ouvrage poursuit l’intuition qu’elle est un concept encore méconnu mais à-venir. Les auteurs font également le pari de ne pas perdre l’équilibre entre exigences analytique et synthétique, entre théorie et pratique, entre les disciplines et les auteurs. Son ambition est de tracer et de proposer des chemins pédagogiques qui allient les narrations des acteurs à celles des analystes et, par là, d’encourager le lecteur dans la recherche de ses propres voies (ou voix!). Il s’agit d’écouter les leaders sans les mythifier afin de mieux saisir les échos qu’ils provoquent dans l’histoire. Il s’agit mettre en contexte des cas d’étude, sans pour autant les mettre en boite. Bref, il s’agit d’analyser sans dépecer, d’aborder le sujet avec curiosité, intérêt, bienveillance mais sans complaisance.

Comme l’indique le schéma ci-dessus, ce livre sera circulaire dans le sens où il peut être commencé presque n’importe où, à chacun des quatre thèmes d’étude : principes, histoires, personnes et actions, thèmes qui renvoient les uns aux autres. L’ouvrage sera également circulaire dans le sens ou chaque sujet est abordé en un chemin fait de lectures et de réflexions, d’études de cas, et d’exercices appelant de nouvelles lectures. En un sens, si l’ouvrage part des textes, c’est à l’aide de différents exercices et cas d’études que ces derniers prennent sens et que la connaissance peut s’approfondir. Les exercices font donc partie intégrante des parcours pédagogiques proposés; les références et suggestions ouvrent des portes vers de nouvelles pistes de recherche et permettent de s’orienter dans une mer de ressources en ligne très dispersées. Cette anthologie offre ainsi une dynamique pédagogique souple reposant sur l’idée que l’on apprend pas de la même manière par la répétition et par l’expérience, dans un cours et dans un café, en petit groupe sur un projet ou seul face à une citation, mais que tous ces chemins sont complémentaires.

Plan provisionnel de l’ouvrage

Ce livre est une anthologie en 4 parties, 4 espaces d’interaction entre non-violence et politique :

1) Principes (De quoi parle-t-on ?)

2) Histoires (Quand ? Quelles circonstances ? Quels contextes ?)

3) Personnes (Qui ? Quels groupes ? Quelles identités ? Quelles relations ?)

4) Actions (Comment ? Quels processus ? Quelles stratégies ? Quelles techniques et quelles limites ?)

Ces quatre espaces correspondent aux regards et catégories d’analyse proposés par les disciplines sous-jacentes de la science politique : philosophie, histoire, sociologie, droit/administration publique. Mais, au-delà des disciplines, il s’agit également de croiser les perspectives en mettant des textes d’acteurs et d’analystes en dialogue (tout en respectant les ordres de publication pour ouvrir à des analyses intertextuelles) et en les confrontant à du réel (à travers quelques cas d’études).

Modalités de soumission

Les propositions de contribution à ce projet sont attendues pour le 30 août 2018 en français ou en anglais.

D’un maximum de 5000 caractères, chaque proposition présentera brièvement un document (extrait de livre, transcription de discours, production pamphlétaire, etc..), son/ses auteur.e.s, l’importance historique de ce document et l’intérêt qu’il y aurait à en inclure une analyse dans une anthologie sur la non-violence et la politique. Il est possible de proposer plusieurs contributions (textes). Un bref CV de l’auteur.e de la proposition est également attendu.

Si une telle collection de textes ne peut faire l’impasse d’auteurs classiques sur le sujet (Gandhi, King, Havel, Sharp etc.), les propositions concernant des écrits/auteur.e.s peu connus seront examinés avec grand intérêt. De même, des textes en langues minoritaires, mais qui permettent de mieux comprendre comment ces thèmes se déclinent localement, sont les bienvenus. Merci néanmoins d'inclure une traduction de votre proposition en français ou anglais. Enfin des propositions de cas d’études (courtes analyses d’événements politiques non violents) peuvent également être déposées auprès des éditeurs ci-dessous avec, pour intitulé de mail: 'Proposition de contribution: non-violence et politique - votre nom'.

Les valeurs et le projet éditorial des Editions science et bien commun, ainsi que les consignes d'écriture sont accessibles en cliquant sur les liens. Merci de lire attentivement ces pages.

Merci de lire également l'argumentaire détaillé du projet ci-dessus.

Un retour sera fait aux auteur.e.s fin octobre 2018. Les contributions finales d’un maximum de 15000 caractères (incluant les citations et extraits du texte étudié)  et 8000 caractères pour les cas d’étude sont attendues pour fin janvier 2019 en vue d’une publication dans le courant de l’été 2019.

Comité d’édition

  • Caillat Paola, rédactrice en chef, Alternative non-violentes
  • Dubernet Cécile, enseignante chercheuse, Institut catholique de Paris
  • Piron Florence, Professeure, Université de Laval, Quebec, Canada
  • Refalo Alain, Professeur des écoles, chercheur à l'Institut de Recherche sur la résolution non-violente des conflits (IRNC), auteur.
  • Scherer Justin, enseignant universitaire, Institut catholique de Paris

 

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