CfP: Les voix des femmes immigrées

Call for papers, deadline 15 January 2019 (in French)

Ce colloque a pour ambition d’éclaircir le rôle de la parole féminine dans cette conceptualisation de « la figure de la femme comme protagoniste de la migration, actrice économique, actrice sociale et du développement ». Autrement dit, nous nous demanderons ce que nous dit sa parole de son parcours féminin. D’une certaine manière, cet événement vise à « sortir de l’ombre les non-dits sociaux, rendre explicite ce qui est implicite, redonner une dignité aux histoires migratoires, relancer les narrativités et les tissages identitaires ».   

 

11 et 12 avril 2019

Université de Haute-Alsace, Mulhouse

 

 

« Fait notable, les premiers étrangers qui viennent de l’aube de notre civilisation sont des étrangères : les Danaïdes »[1], écrit Julia Kristeva. Comment pouvons-nous interpréter cette origine féminine de la migration à la lumière de l’époque contemporaine ? Elles fuyaient déjà une sorte de violence dans Les Suppliantes d’Eschyle, pièce écrite dans les années 466 à 463 avant J-.C. En chœur et en tant que personnage principal, les voix des Danaïdes s’élève sur la scène d’aujourd’hui. C’est le comédien Jean-Luc Bansard qui depuis 2015 réunit des réfugiés et réfugiées pour faire entendre cette parole retraçant aussi bien leur itinéraire. Ainsi, ces Danaïdes venues de Syrie, Mongole, Kosovo ou Albanie chantent d’abord dans sa langue maternelle et puis en français. Entendons-nous ce chant ? De l’invisibilité des femmes migrantes à la visibilité de la migration féminine, il y a donc un espace des paroles à explorer. Comment représentent-elles l’expérience de la migration ? Comment pouvons-nous interroger le phénomène migratoire par leur biais ?

En 2014, le Ministère chargé des Droits des femmes a publié un rapport intitulé « L’égalité pour les femmes migrantes »[2]. Dans celui-ci, on remarque que « la population immigrée, c’est-à-dire née étrangère à l’étranger, est aujourd’hui majoritairement féminine »[3]. Cependant, la recherche autour du sujet de la femme migrante voire de la parole féminine en contexte migratoire demeure un terrain peu exploré en France. Pour sa part, un des rapports de l’ONU révèle que sur le territoire suisse l’immigration féminine est plus élevée que l’immigration masculine à savoir, 51 % de la population migrante. Pour sa part, dans le rapport "L'immigration récente d'abord féminine" ("Chiffres pour l'Alsace" numéro 32, 2012), l'INSEE affirme que les femmes sont majoritaires dans l'ensemble des immigrés, représentant aussi le 51%. Il est donc incontestable la nécessité de mettre en place de dispositifs transfrontaliers de partage de connaissances et d'expériences pour proposer de nouvelles voies de recherche. Dans ce contexte, l’intérêt de cet événement est de consolider l’espace franco-suisse comme espace de rencontre en tant qu’il se présente comme un laboratoire européen et international ; c’est-à-dire, une zone transfrontalière révélatrice des questions spécifiques qui pose la migration féminine en Europe.

Afin d’approcher ce phénomène, il faut souligner que « la plupart des femmes migrantes, en dépit des violences subies au pays, peuvent tisser des liens entre le passé et le présent, arrimer ensemble des normes de genre parfois contradictoires, devenir différemment genrées, tout en préservant leur double appartenance »[4]. De diverses études sociolinguistiques ont approché de ces questions, en apportant à la fois quelques réponses. Cependant, force est de constater que parfois « le chercheur et le praticien maintiennent une position d’extériorité, de supériorité. L’étranger est maintenu à distance : lui objet, nous sujets. Sa parole est filtrée, parfois même bâillonnée : sa voix s’étouffe à hauteur de ses lèvres »[5]. Il ne s’agit pas de légitimer un objet de recherche et de conceptualisation — c’est-à-dire la femme immigrée —, qui a depuis quelques années attiré l’attention des instituts de recherche en Sciences humaines et sociales, mais de recentrer la réflexion scientifique sur une parole encore inaudible, qui se présente comme un terrain d’exploration.

Ce colloque a pour ambition d’éclaircir le rôle de la parole féminine dans cette conceptualisation de « la figure de la femme comme protagoniste de la migration, actrice économique, actrice sociale et du développement »[6]. Autrement dit, nous nous demanderons ce que nous dit sa parole de son parcours féminin. D’une certaine manière, cet événement vise à « sortir de l’ombre les non-dits sociaux, rendre explicite ce qui est implicite, redonner une dignité aux histoires migratoires, relancer les narrativités et les tissages identitaires »[7].   

C’est pourquoi, l’Institut de recherche en langues et littératures européennes, ILLE, de l’Université de Haute-Alsace organise le 11 et 12 avril le colloque international « VIF : Les Voix des Femmes Immigrées ». Nous proposons d’aborder la parole féminine de la migration dans sa dimension de pratique langagière et discursive, à partir d’une perspective comparatiste et pluridisciplinaire. Pour cette raison, nous invitons les chercheurs de diverses spécialités des Sciences humaines et sociales à présenter leurs travaux, leurs questionnements et méthodologies d’approche. Nous invitons aussi la communauté de recherche en Suisse à nourrir le dialogue transfrontalier à travers de communications ou en participant aux panels. Également, nous incitons les associations de migrants du Grand Est et de la Suisse romande à participer en tant qu’observatoires privilégiés des différentes problématiques liées à la migration féminine. Ceci afin de commencer à développer une recherche-action où leurs interrogations nées du constant rapport avec des femmes et leur contexte pourraient trouver un lieu de discussion scientifique. Nous visons à offrir un espace de rencontres entre le monde scientifique et l’associatif, ainsi qu’un rapprochement direct à cette parole des femmes.

Les propositions de communications peuvent porter sur une de questions suivantes : comment peut-on intégrer la parole des femmes migrantes à une démarche scientifique dans un contexte transfrontalier ? Quelle est la place de la figure féminine dans les recherches sur la migration ? Dans quelle mesure la méthode comparatiste peut-elle apporter de bases analytiques pour la compréhension de la parole de femmes immigrées en Alsace et en Suisse romande ? Que nous disent les paroles des parcours des femmes immigrées ? Peut-on parler d’une oralité interculturelle lorsque l’on étudie la parole féminine de la migration ? Quelles situations interlinguistiques peut-on repérer ? Est-ce possible approcher de cet objet dès une perspective de recherche-action pluridisciplinaire ? Quelles méthodes utiliser ? Sont-elles appropriées ? Peut-on parler de nouvelles francophonies au féminin ? La parole féminine dans un contexte transfrontalier et migratoire peut-elle rendre compte de l’Interculturalité ?

Les questions ci-dessus ne couvrent pas en entier les aspects du thème proposé et toutes les autres contributions qui portent sur le même thème sont les bienvenues.

Modalités de soumission

Les propositions de communication, de témoignages et de toutes formes d’expression accompagnées d’une notice biobibliographique sont à envoyer à Frédérique Toudoire-Surlapierre et Silvia Hegele

avant le 15 janvier 2019.

frederique.toudoire@uha.fr et silvia.hegele@uha.fr

Références

[1] Julia Kristeva, Étrangers à nous-mêmes, Paris, Fayard, 1989, 293 p. p. 63.

[2] En linge : https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/14…

[3] Rapport « L’égalité pour les femmes migrantes ». p. 9.

[4] Pascale Jamoulle, Par-delà les silences: non-dits et ruptures dans les parcours d’immigration, Paris, La Découverte, 2013, 282 p. p. 47.

[5] Jean-Claude Métraux, La migration comme métaphore ; précédée de « Le voile et le linceul », Paris, La Dispute, 2018. p. 162.

[6] Laura Oso Casas, ‘Femmes, actrices des mouvements migratoires’, in Christine Verschuur, Fenneke Reysoo, (éds. ). Genre, nouvelle division internationale du travail et migrations, éds. Christine Verschuur et Fenneke Reysoo, Graduate Institute Publications, 2005, p. 35‑54. p. 35.

[7] Pascale Jamoulle, op. cit. p. 10.

 

https://calenda.org/525309

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