CfP: Pratiques et représentations du collectif. Cultures et images lesbiennes (French)

Call for Papers, deadline 1 February 2026

Paris/France

Le groupe de recherche Cultures et images lesbiennes organise un colloque portant sur la place du collectif dans les représentations et pratiques au sein des cultures visuelles lesbiennes. Organisé sur deux jours, les 12 et 13 mai 2026 à Césure, il s’agira de donner la parole à des chercheur·euses dont les travaux portent sur les questions lesbiennes et contribuent à l’écriture d’une histoire sociale et féministe de l’art.

Argumentaire

Le collectif étant à l’origine de la création du groupe de recherche CIL, ce colloque ambitionne d’en questionner les usages et d’en révéler les possibles. Le collectif est ici considéré aussi bien comme un mode de création artistique que d’écriture de l’histoire de l’art. Si cette dernière a traditionnellement fait de l’artiste un génie, souvent individuel et masculin, l’histoire féministe de l’art a démontré que d’autres existences, d’autres pratiques et d’autres structures ont existé et sont possibles. Ce colloque souhaite interroger ces systèmes de création et d’historicisation, en explorant les modalités et ambivalences des pratiques et des représentations collectives féministes et lesbiennes à travers l’histoire de l’art. Les arts visuels sont ici entendus dans une compréhension large qui inclut les arts vivants, le théâtre et le cinéma.

S’intéresser aux pratiques et aux représentations du collectif permet d’inscrire les œuvres dans leurs contextes de création et de diffusion et de mettre ainsi en lumière des réseaux plus vastes, composés de créateur·ices et d’intermédiaires culturel·les comme les partenaires de travail, les diffuseur·euses ou les historien·nes de l’art. Ici, ce n’est pas tant la rareté des images lesbiennes qui nous intéresse, mais plutôt leurs occurrences et de les resituer dans une histoire de l’art globale. La question est de dépasser le voile de l’invisibilité et de s’intéresser aux apparitions avérées ou sous-jacentes de création lesbienne, en mobilisant des outils tels que ceux formulés par Adrienne Rich et Judith Benneth dans les années 1980 et 2000.

Le collectif est ici envisagé dans ses multiples possibilités et à travers les époques. Des incarnations mythologiques du groupe de femmes dans l’Antiquité – Bacchantes, Amazones – aux groupes de conscience des années 1960, en passant par les communautés religieuses du Moyen Âge – nonnes, béguines – le collectif peut être saisi dans ses diverses formes réelles ou imaginaires. La notion est ainsi comprise dans un temps long, sans restriction à une période spécifique, en ouvrant aussi la voie à une analyse critique de l’appropriation moderne de ses formes antiques et médiévales.

La conscience politique associée à la mise en collectif et sa réflexivité constituent une autre question centrale de ce thème, qui se déploie notamment au Moyen Âge à travers les corporations ou encore les communautés religieuses. Au XXe siècle, le collectif devient un organe essentiel des mouvements féministes et lesbiens qui s’inspirent des luttes antiracistes et de classe. Il s’y déploie alors une multitude de pratiques : œuvres à plusieurs mains, échanges théoriques entre créateur·ices, volonté d’anonymiser au profit de la reconnaissance collective, horizontalité fréquente des structures, workshops militants.

Le collectif peut également être appréhendé dans sa dimension réticulaire, en étudiant la façon dont les artistes interagissent entre elleux, se saisissent de lieux et d’institutions communautaires, s’appuient sur un réseau pour déployer leurs pratiques et leur carrière. Ici la pratique artistique se comprend comme une infrastructure complexe et intégrée dans une constellation plus vaste de relations.

Il s’agit aussi d’interroger les enjeux et difficultés du collectif : est-il possible et profitable de respecter un fonctionnement horizontal au sein d’un groupe et d’éviter la démarcation de certain·es individu·es ? La mise en collectif ne risque-t-elle pas d’occulter certaines identités alors susceptibles d’être discriminées ?

Enfin, ce colloque s’intéresse aux images de groupes afin d’étudier les manières dont le collectif a été représenté à travers l’histoire de l’art. La façon dont les corps s’articulent dans l’image revêt souvent une signification particulière qu’il est possible d’interroger au prisme des études lesbiennes. Il s’agit ici d’analyser les moyens visuels mobilisés pour figurer le collectif et d’appréhender les variables iconographiques pouvant signaler une communauté d’intention ou émotionnelle.

Si ce colloque fait appel aux méthodologies de l’histoire de l’art et des études lesbiennes, notre champ de recherche se construit également en lien avec les approches et études queer. Si la distinction des études lesbiennes en tant que champ disciplinaire à part entière est précieuse pour notre groupe de recherche, nous avons conscience que les approches queer peuvent élargir le spectre des modes d’existence et de relation, et se révèlent particulièrement stimulantes pour les périodes pré-modernes. Dans des mondes où les expériences de genre et de sexe ne sont pas construites autour d’un modèle binaire, le queer peut permettre de penser autrement la réalité des expériences affectives et érotiques. Les approches queer du collectif lesbien ou féministe sont donc encouragées afin d’enrichir nos perspectives

Nous précisons que, si le groupe Cultures et Images Lesbiennes a pour objectif d’étudier les questions lesbiennes au sein des cultures visuelles, les mots « femmes » et « lesbiennes » sont ici compris dans leur dimension la plus large et la plus inclusive, regroupant une grande diversité d’identités appartenant au spectre lesbien.

Axe 1. Représentations du collectif : enjeux, formes, (ré)interprétations

Cet axe propose de s’intéresser aux expressions visuelles du groupe et notamment du groupe de femmes comme un premier niveau d’appréhension du collectif. Il s’agit d’un motif récurrent à travers l’histoire des représentations, qui peut remonter à celui, immuable et quasiment ininterrompu pendant des siècles, des Trois Grâces. Que souhaite-t-on mettre en avant à travers ces groupes ? Quels rôles tiennent-ils dans les compositions à travers les contextes culturels ? Si ce motif a aussi été l’objet d’un regard ou d’un désir masculin, nous invitons ici à en proposer des relectures lesbiennes. L’objectif est de décaler le regard porté sur ces œuvres, non plus dans une perspective de male gaze, mais bien d’une réappropriation de ces images par d’autres spectateur·rices. Les représentations plus contemporaines de groupes réalisées par des artistes lesbiennes, comme les photographies de manifestations ou de communautés lesbiennes, constituent également des clés de lecture de ce premier axe.

Axe 2. Création en collectif : méthodes et expérimentations

Dans cet axe, il s’agit de se questionner sur les différentes méthodes mises en place par les artistes, amateur·es ou professionnel·les, afin de créer à plusieurs ou à partir du groupe. Ces mises en commun peuvent trouver des raisons diverses – en fonction des époques, des aires géographiques ou des contextes socio-politiques – que nous proposons d’explorer. Cet axe a pour objectif de penser les pratiques artistiques afin de retracer et réhabiliter les dialogues sous-jacents à l’existence d’une œuvre. Replacer un objet dans son contexte de production et au sein d’une constellation d’artistes permet de le comprendre dans sa dimension collective. Nous aimerions également interroger la place des muses et des modèles dans l’acte de création, considéré davantage comme un échange, ainsi que celle des personnes de l’ombre – ami·es, équipes techniques, conseiller·es artistiques et autres – qui participent activement à l’existence d’une œuvre. Ces différents aspects permettront de se demander comment la co-création peut bousculer les logiques d’auctorialité.

Axe 3. Cultures en partage : lieux et pratiques du commun

Cet axe propose de s’intéresser à la manière dont les réseaux communautaires et artistiques ont participé à la création de cultures et d’identités lesbiennes. L’acte de faire groupe ou faire en groupe peut-il être un outil pour mettre en lumière et en images les problématiques et identités lesbiennes ? Le collectif se crée et se structure selon différentes modalités : mise en œuvre de systèmes de monstration (espaces d’exposition), canaux de diffusion, de médiation et de dialogue (salons d’artistes, groupes officiels ou officieux), ou encore structures de création artistique (workshops ou ateliers partagés). Il s’agit ici de s’intéresser aux stratégies, aux essais et échecs vécus et éprouvés par les artistes pour créer en commun et créer du commun. Dans quelle mesure la création collective peut-elle être envisagée comme un tremplin pour les artistes ? Peut-elle devenir, a contrario, un risque d’effacement de l’individualité ?

Modalités de soumission

Nous proposons à chaque participant·e une intervention de 20 minutes sur un travail de recherche en cours ou achevé, accompagnée d’une présentation visuelle. Un temps d’échange est prévu à la suite de chaque intervention.

Envoyez un résumé de votre présentation à cil.recherche@gmail.com (environ 2000 signes),

avant le 1er février 2026.

Organisation

  • Mathilde Arnau, doctorante contractuelle en histoire médiévale à Aix-Marseille Université (TELEMMe) en codirection avec l’EHESS (CRH)
  • Camille Senoble, doctorant·e contractuel·le en histoire de l’art à Sorbonne Université (Centre André Chastel)
  • Louise Toth, doctorant·e contractuel·le en études de genre à l’Université Bordeaux Montaigne (PLURIELLES)

Comité scientifique

  • Natacha Aprile (Centre André Chastel – Sorbonne Université) docteure en histoire de l’art moderne
  • Damien Delille (LARHRA – Université Lumière Lyon 2) maître de conférences en histoire de l’art contemporain, conseiller scientifique INHA
  • Charlotte Foucher (CRAL – CNRS) professeure HDR en histoire de l’art et directrice de recherches
  • Véra Léon (EMA – CY Cergy Paris Université & Alexander von Humboldt Stiftung – RPTU Landau) maîtresse de conférences en arts et sciences de l’éducation
  • Nancy Thebaut (Ste Catherine College – Oxford University) professeure associée en histoire de l’art médiéval
  • Frédérique Villemur (ENSAM – Université Paul Valéry Montpellier) professeure HDR en histoire de l’art moderne et contemporain
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