Assemblée générale de l’AFHMT, 30 novembre 2019
Amphi Dupuis, rue Malher, Paris
La contrainte au travail, le travail de la contrainte : perspectives historiques
L’historiographie du travail, depuis au moins une vingtaine d’années, a connu un renouvellement majeur, tant sur le plan du périmètre (géographique, chronologique et thématique) des recherches engagées que de l’élaboration conceptuelle. Sous l’influence des courants de l’histoire globale du travail, des cultural studies et des subaltern studies, l’accent a été mis sur la porosité des frontières entre statuts, conditions de travail et relations contractuelles, invitant de la sorte à une opération de déconstruction de catégories forgées dans (et pour) les sociétés occidentales. Les études sur le travail forcé, par exemple, ont été l’occasion pour réinterroger les fondements du régime salarial. Les notions de travail libre et travail non libre ont été inscrites dans leurs contextes spécifiques de production ainsi que dans une perspective de longue durée. Les solutions adoptées en matière de contrainte au travail témoignent, en effet, d’une irréductibilité locale dans un espace pourtant global, marqué par la circulation des savoirs, normes juridiques et pratiques socioéconomiques auxquels les acteurs ont recours. Certains auteurs ont proposé d’inscrire le critère de la contrainte au sein même de la naissance du capitalisme, en postulant l’idée d’une continuité entre formes d’asservissement et formes de subordination dans les relations de travail. Loin de s’opposer frontalement, ces différents régimes de « travail bridé » (de l’esclavage à l’engagisme, du travail forcé au travail contractuel) alimentent le processus d’« institution » du travail dont l’issue n’est ni univoque ni escomptée.
En rassemblant des spécialistes d’époques différentes (du Moyen Âge au XXe siècle) et de plusieurs aires culturelles (de l’empire ottoman aux empires coloniaux en passant par l’Europe et l’Union soviétique), cette journée d’étude invite à un effort de comparaison à travers le temps et l’espace. Il s’agira plus particulièrement d’interroger le recours à la contrainte dans les formes historiques de mise au travail afin d’en saisir les ressorts, les dynamiques, les tensions. Plusieurs questions s’imposent : Quelles sont les formes de mobilisation et d’immobilisation de la main-d’œuvre contrainte ? Quels types de résistance, d’accommodement ou de consentement sont-ils mobilisés par les travailleurs concernés ? Comment se combinent statut juridico-légal (esclavage, servage, travail forcé…) et usages sociaux du statut ? Comment ces travailleurs ont-ils accès au droit et au système légal ? Comment s’articulent répression, protection et droits ? Comment le contrôle de la mobilité et, plus largement, de la liberté individuelle contribue-t-il à la marchandisation du travail ? Et donc dans quelle mesure le travail contraint participe à la construction du régime capitaliste ?
9h20 : Accueil
9h45-12h45 :
Alessandro Stanziani (Ehess), auteur de Labor in the Fringes of Empire, Palgrave, 2018
Juliette Cadiot (Ehess), auteure, avec Marc Élie, d’Histoire du goulag, La Découverte, 2017
Jean-Pierre Le Crom (Cnrs), auteur, avec Marc Boninchi, de La chicotte et le pécule. Les travailleurs face au droit colonial français (XIXe-XXe siècles) (à paraître, PUR)
débat animé par Feruccio Ricciardi
13h30-14h30 : Assemblée générale de l’AFHMT
14h45-17h45 :
Giulia Bonazza (Ehess), auteure de Abolitionism and the persistence of slavery in Italian States, 1750-1850, Palgrave, MacMillan, 2019
Hayri G. Özkoray (Aix-Marseille université), auteur d’une thèse sur « L’esclavage dans l’Empire ottoman (XVIe-XVIIe s.) »
Sandrine Victor (Inu Albi), auteure de Les fils de Canaan. L’esclavage au Moyen Âge, Vendémiaire, 2019
débat animé par Philippe Minard