18 June to 19 June, 2024 (Straßbourg)
Le présent colloque souhaite redéfinir l’internationalisme à travers ses réseaux et ses pratiques militantes en travaillant à partir des échelles macro et micro, afin de lui conférer une ouverture extra-européenne. Cette exigence répond au dialogue entre une histoire globale et une approche « par le bas ». Ces deux approches contribuent au renouveau de la prosopographie et à la redéfinition des enjeux herméneutiques du travail biographique, notamment lorsqu’elles se fondent sur l’expérience et la phénoménologie des pratiques militantes, et leur spatialisation géographique et sociologique. De ce fait, les dynamiques de genre, les Subaltern studies, l’Alltagsgeschichte et les solidarités constitueront le nœud de ce colloque.
Argumentaire scientifique
Paradoxal, le XIXe siècle connut un double processus aussi antagonique que consubstantiel[1]. D’un côté, les Européens dessinaient les contours de leurs nouvelles communautés nationales sous l’égide d’une domination capitaliste abreuvée de mythes nationaux[2] et de la recherche constante d’homogénéité des sociétés[3]. De l’autre, la création de ces nouveaux contours faisait naître, intellectuellement, pratiquement et spatialement, les internationalismes. Souvent écrit au singulier, ce concept servait, avant toute chose, à décrire des objectifs et des dynamiques d’organisation au sein du mouvement ouvrier. Pourtant, « l’internationalisme a pris de nombreuses formes, des mobilisations populaires aux structures institutionnalisées »[4]. Des mouvements féministes aux anticolonialistes, tous connurent leurs internationalismes, qu’ils fussent formels ou informels. Récemment, la focale s’est déplacée vers des courants politiques réputés moins enclins à l’internationalisme, tels que le conservatisme et le nationalisme. A contrario, le libéralisme et le pacifisme, séculaires pensées internationalisées, ont connu un renouvellement historiographique à travers la revue Journal of Pacifism and Nonviolence[5] et les travaux de Jean-Michel Guieu et Stanislas Jeannesson[6].
Ces nouvelles approches s’accompagnent d’une redéfinition du concept d’internationalisme et de ses protagonistes, les internationalistes. Ainsi, les historiens Michele di Donato et Mathieu Fulla décrivent les « internationalistes » comme des membres de communautés qui transcendent les frontières nationales, sans se contenter de les franchir[7]. Pour autant, le concept d’internationaliste a ceci de commun avec l’histoire transnationale, c’est qu’il fut souvent galvaudé afin de décrire des courants extra-frontaliers n'ayant pourtant aucune dynamique et pratiques militantes communes.
Ce présent colloque souhaite redéfinir l’internationalisme à travers ses réseaux et ses pratiques militantes en travaillant à partir des échelles macro et micro, afin de lui conférer une ouverture extra-européenne. Ici, nous entendons rompre avec un objet d’étude qui fut trop souvent confiné aux frontières de l’eurocentrisme, et appréhender le polycentrisme des réseaux internationalistes et leur perspective diachronique. Cette exigence répond au dialogue entre une histoire globale et une approche « par le bas ». La première se définit, selon Dominic Sachsenmaier, comme « d’autres conceptions de l’espace [qui vont] au-delà du nationalisme méthodologique et de l’eurocentrisme »[8]. Là où la seconde privilégie « les thèmes du privé, du personnel et du vécu »[9]. Elle crée une « histoire mosaïque » qui se conjugue bien avec l’histoire globale. Ces deux approches contribuent au renouveau de la prosopographie et à la redéfinition des enjeux herméneutiques du travail biographique[10], notamment lorsqu’elles se fondent sur l’expérience et la phénoménologie des pratiques militantes, et leur spatialisation géographique et sociologique. De ce fait, les dynamiques de genre, les Subaltern studies, l’Alltagsgeschichte et les solidarités constitueront le nœud de ce colloque. Elles nous permettront d’aborder les nouvelles recherches sur le mouvement ouvrier, la décolonisation et le féminisme, tout en faisant apparaître des questionnements nouveaux sur les courants conservateurs, nationalistes et libéraux. Ainsi, "Histoire par le bas", Global history et Histoire transnationale joueront de concert dans notre colloque.
Axes possibles
- Différences entre internationalisme formel et informel
- Spatialisation des réseaux internationalistes
- Sociabilités militantes
- Solidarités militantes
- Transferts culturels/Transferts matériels
- Vie quotidienne des militants et militantes sur le modèle de l’Alltagsgeschichte
Les communications ne devront pas dépasser 20 minutes.
Les langues de travail seront le français et l’anglais.
Le colloque se déroulera à l'Université de Strasbourg, les 18-19 juin 2024.
Il fera l’objet d’une publication collective à l’issue de nos riches échanges.
Modalités de soummission
Envoyez vos retours à l’adresse suivante :
colloqueinternationalistes@gmail.com
avant le 31 janvier 2024.
Il vous sera demandé :
- Un résumé de 500 mots maximum.
- Une bibliographie indicative de 6 ouvrages.
- Une courte biographie de 4 à 5 lignes.
Comité scientifique
- Nicolas Delalande (Sciences Po Paris)
- Delphine Diaz (Université de Reims Champagne-Ardenne)
- Alexandre Dupont (Université de Strasbourg)
- Darya Dyakonova (International Institute in Geneva)
- Stéphanie Prezioso (Université de Lausanne)
- Clément Thibaud (Ecole des hautes études en sciences sociales)
Comité d’organisation
- Lola Romieux (UR 3400 ARCHE, Université de Strasbourg)
- Clément Fontannaz (UMR 7069 LinCS, Université de Strasbourg)
- Andrea Benedetti (UMR 7069 LinCS, Université de Strasbourg)
Bibliographie indicative
- Anceau Éric, Boudon Jacques-Olivier et Olivier Dard (dir.), Histoire des Internationales : Europe, XIXe-XXe siècles, Paris, Nouveau monde, 2017.
- Bensimon Fabrice, Deluermoz Quentin et Moisand Jeanne (dir.), “Arise Ye Wretched of the Earth”: The First International in a Global Perspective, Leyde, Brill, 2018.
- Blain Keisha N. et Gill Tiffany M., To Turn the Whole World Over: Black Women and Internationalism, Urbana, University of Illinois Press, 2019.
- Delalande Nicolas, La lutte et l'entraide : l'âge des solidarités ouvrières, Paris, Seuil, 2019.
- Di Donato Michele et Mathieu Fulla (dir.), Leftist Internationalisms, Londres, Bloomsbury, 2023.
- Ducange Jean-Numa, Keucheyan Razmig et Roza Stéphanie (dir.), Histoire globale des socialismes, XIXe-XXIe siècle, Paris, PUF, 2021.
- Dupont Alexandre, Une internationale blanche. Histoire d’une mobilisation royaliste entre France et Espagne dans les années 1870, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020.
- Johannes Großmann, Die Internationale der Konservativen: Transnationale Elitenzirkel und private Außenpolitik in Westeuropa seit 1945, Berlin, De Gruyter, 2014.
- Guieu Jean-Michel et Jeannesson Stanislas (dir.), « La Société des Nations, une expérience de l’internationalisme », Monde(s). Histoire, espaces, relations, n° 19, 2021.
- Isabella Maurizio, Risorgimento in Exile: Italian Emigrés and the Liberal International in the post-napoleonic Era, Oxford, Oxford University Press, 2009.
- Manjapras Kris, M.N. Roy: Marxism and Colonial Cosmopolitanism, Londres, Routledge, 2010.
- Mokhtefi Elaine, Alger, capitale de la révolution : de Fanon aux Black Panthers, Paris, La Fabrique, 2019.
- Palheta Ugo, La nouvelle internationale fasciste, Paris, Textuel, 2022.
- Papini Roberto, L’Internationale démocrate-chrétienne. La coopération internationale entre les démocrates-chrétiens de 1925 à 1986, Paris, Cerf, 1988.
- Rupp Leila J., « Constructing Internationalism: The Case of Transnational Women’s Organizations, 1888-1945 », The American Historical Review, vol. 99, n° 5, 1994, pp. 1571-1600.
- Studer Brigitte, Travellers of the World Revolution: A Global History of the Communist International, Londre/New-York, Verso, 2023 [2020].
- Studer Brigitte, The transnational world of the Cominternians, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2015.
- Tzu-Chun Judy, Radicals on the Road: Internationalism, Orientalism, and Feminism during the Vietnam Era, Ithaca, Cornell University Press, 2013.
- Van Der Linden Marcel, Transnational Labour History: Explorations, Aldershot, Ashgate, 2003.
- Von Holthoon Frits et Van Der Linden Marcel (dir.), Internationalism and the Labour Movement, 1830 –1940, Leyde, Brill, 1988.
Notes
[1] Rupp Leila J., « Constructing Internationalism: The Case of Transnational Women’s Organizations, 1888-1945 », The American Historical Review, vol. 99, n° 5, 1994, p. 1571.
URL : https://www.jstor.org/stable/2168389
[2] Citron Suzanne, Le mythe national, Ivry-sur-Seine, Les éditions de l’Atelier, 2008.
[3] Slezkine Yuri, Le siècle des juifs, Paris, La Découverte et Seuil, 2008 [2004], p. 109.
[4] Di Donato Michele et Mathieu Fulla (dir.), Leftist Internationalisms, Londres, Bloomsbury, 2023, intro., para. 2.
URL: https://www.perlego.com/book/3790687/leftist-internationalisms-a-transnational-political-history-pdf
[5] Sous la direction d’Alexandre Christoyannopoulos, University of Loughborough.
[6] Guieu Jean-Michel et Jeannesson Stanislas (dir.), « La Société des Nations, une expérience de l’internationalisme », Monde(s). Histoire, espaces, relations, n° 19, 2021.
[7] Tzu-Chun Judy, Radicals on the Road, Ithaca, Cornell University Press, 2013, intro., para.5.
[8] « Alternative conceptions of space beyond methodological nationalism and Eurocentrism. »; Sachsenmaier Dominic, « Global History », Version: 1.0, in: Docupedia-Zeitgeschichte, 11.02.2010
http://docupedia.de/zg/sachsenmaier_global_history_v1_en_2010
[9] Ginzburg Carlo et Poni Carlo, « La micro-histoire », Le Débat, vol. 10, n° 17, 1981, p.133.
[10] Manjapra Kris, M.N. Roy: Marxism and Colonial Cosmopolitanism, Londres, Routledge, 2010.