Des politiques sociales considérées par leurs promoteurs et promotrices comme susceptibles de contrecarrer les inégalités de genre ont été développées et expérimentées dans les dernières années en Europe, à l’instar des mesures de soutien pour les victimes de violences sexuelles et conjugales, du développement des structures d’accueil extrafamilial ou encore de la formation et de l’insertion en emploi des jeunes filles et des femmes chômeuses et migrantes, notamment. Pourtant, ces politiques, souvent très segmentées, continuent de se heurter à des traitements différenciés, voire discriminants, et ce dans les différents secteurs du travail social. Les précédentes éditions de Genre et Travail social l’ont d’ailleurs bien illustré. Plus largement, les inégalités structurelles en défaveur des femmes concernant les rémunérations et l’accès à l’emploi, mais aussi la prévalence des violences dont elles sont victimes ou leur assignation aux activités de care rendent complexe la mise en œuvre de politiques sociales visant l’égalité.
Pour cette troisième édition du Colloque international féministe Genre et Travail social, il apparaissait important d’aller au-delà de ces constats généraux en interrogeant les processus concrets qui, dans l’exercice professionnel du travail social, conduisent à des traitements différenciés (re)producteurs de discriminations de genre. Les contributions s’intéresseront aux formes de l’intervention sociale, elles pourront porter sur les aspects d’essentialisation inhérents à certains dispositifs des politiques sociales, sur les mécanismes quotidiens ou routiniers de reproduction de représentations genrées ou sur les discriminations induites par certaines pratiques dans le cadre de la mise en œuvre des politiques sociales. Les présentations pourront questionner diverses politiques sociales dans des contextes sociaux, historiques et géographiques eux-aussi divers.
Les communications s’inscriront dans un des deux axes :
Le premier axe s’intéresse à la construction inachevée des politiques sociales qui, visant théoriquement l’égalité, portent parfois en elles des formes d’essentialisation ou de reproduction des inégalités entre les hommes et les femmes. En effet, l’égalité des droits est parfois affirmée en tant que principe dans les différentes politiques sociales, y compris la nécessité de corriger des inégalités, mais cela ne suffit pas toujours à éviter les discriminations.
Il s’agit ici de comprendre comment des politiques sociales censées combattre les inégalités de genre sont vécues par les victimes de ces inégalités, mais aussi de mettre en lumière, les effets de ces politiques sur les minorités sexuelles et de genre (on pense ici notamment aux personnes intersexuées, trans et non-binaires). En outre, la définition réductrice des inégalités de genre, souvent prise comme point de référence dans la construction des politiques sociales, ne laisse-t-elle pas de côté une partie des bénéficiaires et certaines situations d’inégalité et de discrimination ?
Le deuxième axe de ce colloque questionne la manière dont les professionnel·le·s du travail social mettent en œuvre les politiques sociales, et comment ce processus peut générer des inégalités ou se heurter aux organisations pensées sans les praticien·ne·s et les destinataires du travail social lui-même dans le cadre hiérarchique ou institutionnel considéré. Explorer l’activité ou l’exercice du travail social engage plusieurs pistes de recherche et d’expérimentation. On interrogera notamment l’interprétation des cadres réglementaires par les acteurs et actrices du travail social et le renforcement, par le travail social, des inégalités de genre, qui peuvent d’ailleurs se coupler à d’autres rapports de pouvoir (âge, classe, processus de racisation). En effet, rares sont les références pratiques de mise en œuvre de l’égalité. Chaque professionnel·le·est ainsi renvoyé·e à sa propre interprétation des principes.
Une première piste consiste à analyser les pratiques actuelles que révèle l’analyse d’écrits professionnels, de réunions, d’interventions, afin de repérer le décalage entre, d’un côté, un objectif d’égalité promu par la loi et leur traduction en dispositifs de politiques sociales et, de l’autre côté, la réalité des interventions.
Une seconde piste consiste à appréhender l’activité des travailleuses et travailleurs sociaux à partir de la réflexivité inhérente au travail relationnel, qui se construit à l’articulation de différentes logiques et niveaux d’actions.
Cela dit, il est sans doute réducteur de ne voir les traitements inégalitaires que sous l’angle de l’impensé : l’inégalité se construit parfois, ou souvent, en dépit de ses producteurs et productrices, comme lorsque les contraintes budgétaires qui pèsent sur le travail social (file active grandissante, personnels trop peu disponibles et trop peu qualifiés, etc.) conduisent, faute de moyens et de connaissances, à une application partielle des politiques d’égalité, et donc à des discriminations de genre.
Format des propositions
La visée du colloque est d’offrir un espace de dialogue pour croiser les points de vue situés de chercheur·e·s, d’intervenant·e·s sociaux, de formatrices et formateurs du travail social. En effet, la thématique que nous proposons – l’approche intégrée du genre dans les politiques sociales à travers l’intervention en train de se faire – nécessite un décalage par rapport aux formes classiques des colloques scientifiques. À cet égard, nous encourageons la collaboration entre chercheur·e·s et travailleurs et travailleuses sociales pour la présentation d’analyses et d’expériences de terrain, en ouvrant à divers formats de communication (filmés, graphiques, etc.) des résultats de la recherche et de l’action ou encore de recherches-actions.
La constitution de binômes chercheur·e /praticien·ne est privilégiée, de même que la présentation à plusieurs voix d’expérimentations, de résultats de recherche empiriques et d’observations terrains. Le but visé est de faire dialoguer des actrices et acteurs de l’intervention et de l’action sociale et des chercheur·e·s et/ou formateur·e·s qui, malgré leurs différents positionnements, sont mutuellement concerné·e·s par la thématique proposée.
Le colloque ayant pour ambition d’accueillir un public large et diversifié, il est important de veiller à adopter un style langagier précis et rigoureux en évitant tout jargon.
Calendrier
Les propositions de communication sont attendues pour le 31 octobre 2020,
et comprendront :
- un résumé d’une page environ qui précise l’axe dans lequel la proposition s’inscrit,
- une courte biographie des auteur.e.s.
Veuillez faire parvenir votre proposition à l’adresse : colloqueTSgenre3@gmail.com
Les personnes retenues seront informées à la fin novembre 2020.
- Comitéd’organisation
- Véronique Bayer, IRFASE, IRIS EHESS Paris
- Isabelle Courcy, Sociologie, UQAM, Montréal
- Clémence Helfter, CNAF, Direction des statistiques, des études et de la recherche
- Hélène Martin, Marianne Modak, Haute école de travail social Lausanne (HETSL)
- Maria Nengeh Mensah, École de travails ocial, UQAM, Montréal
- Zoé Rollin, Université Paris Descartes, CERLIS
- Arthur Vuattoux(IRIS, Université Sorbonne Paris Nord)
Comité scientifique
- Claire Ansermet (Fondation le sOliviers),
- Véronique Bayer (IRFASE, IRIS EHESS),
- Béatrice Bertho (HETSL),
- Cathy Bousquet (LISE-CNRS/CNAM),
- Marc Bessin (IRIS EHESS),
- Melissa Blais (IREF UQAM),
- Isabelle Courcy(UQAM),
- Charlène Charles(UPEC),
- Claire Cosse(UPEC),
- Fatou Diop Sall (Université Gaston Berger, Saint Louis du Sénégal),
- Blandine Destremau (IRIS EHESS),
- Clémence Helfter (CNAF),
- Véréna Keller (HETSL),
- Ana Luana Deram (IRFASE)
- Maria Nengeh Mensah (UQAM)
- Hélène Martin (HETSL),
- Marianne Modak (HETSL),
- Pascale Molinier (Sorbonne ParisNord),
- Clothilde Palazzo (HEVS),
- Sophie Rodari (HESGE),
- Zoé Rollin (Descartes CERLIS),
- Arthur Vuattoux (IRIS, Sorbonne ParisNord),
Lieu et date du colloque
15 et 16 mars 2021 à Paris
Le 15 mars 2021 à l’Université de Par, 45 rue des saints Pères, 75006 Paris
Le 16 mars 2021 à l’Institut de Recherche et de formation de l’action sociale de l’Essonne (IRFASE), 5 les Terrasses de l’Agora 91100 Evry Courcouronnes