CfP: L'amitié en révolution

Call for papers, deadline 30 April 2020 (in French)

Le présent colloque cherchera à interroger les différentes facettes et les différentes implications de l'amitié durant la Révolution française, dans une optique pluridisciplinaire (histoire, histoire de l'art, littérature, philosophie...) : quelles sont les conceptions et les fonctions de l'amitié proposées par la Révolution ? Quels sont les lieux et les cadres de l'amitié en Révolution ? Quelle est la place de l'amitié dans les engagements et les fidélités politiques ? Quel est le devenir des amitiés face à la raison et aux passions politiques révolutionnaires ? Quelles sont les représentations de l'amitié en révolution ?

ANNOUNCEMENT

Clermont-Ferrand, 8-9 septembre 2020

Argumentaire

Les dictionnaires du XVIIIe siècle proposent de l’amitié une définition très générale qui, à s’en tenir à cette mesure, pourrait laisser accroire que ce sentiment ne fut guère altéré par l’épisode révolutionnaire. Ainsi, parmi d’autres, le Dictionnaire de l’Académie française en livre-t-il une version inchangée dans ses éditions de 1762 et 1798 : l’amitié est pour lui, de part et d’autre de 1789, l’« affection que l’on a pour quelqu’un, et qui d’ordinaire est mutuelle ». Dans le cadre de son projet de refondation de la société, la Révolution française pouvait-elle pourtant ne pas investir l’amitié de sens et de fonctions nouvelles, dès lors que l’on admet, avec les sociologues, que chaque culture invente son propre éventail de liens amicaux et s’emploie à les distinguer ; dès lors que l’on se souvient, aussi, de la minutie avec laquelle les projets républicains prétendirent repenser les relations interpersonnelles au sein de la nation souveraine (fraternité et égalité des hommes, relations entre les époux, relations parents-enfants, vieillards-jeunes gens…) ?

Saint-Just accorde par exemple à l’amitié une place essentielle dans ses Fragments des institutions républicaines. Il la situe, avec l’éducation des enfants, parmi les « Institutions civiles et morales » qui permettront à la Cité de demain de fonctionner et de se perpétuer : « Celui qui dit qu’il ne croit pas à l’amitié, ou qui n’a point d’amis, est banni », écrit-il. Placée parmi les piliers sur lesquels reposent la République et où celle-ci puisera une part de son énergie vitale, la conception de l’amitié qu’il développe épouse son idéal d’une société nouvelle, vertueuse et entièrement transparente à elle-même. Il lui confère en effet un caractère fondamentalement public (donc politique) qui se surajoute, sinon se substitue, à la dimension subjective des relations interpersonnelles que l’on prête d’ordinaire aux relations amicales. L’amitié n’est plus seulement l’affaire de la sphère privée. Elle devient sous sa plume objet de publicité et de surveillance : « tout homme âgé de vingt et un ans [sera] tenu de déclarer dans le temple quels sont ses amis ». Et cette déclaration, ajoute-t-il, sera « renouvelée, tous les ans, pendant le mois de ventôse » tandis que « si un homme quitte un ami, il [sera] tenu d’en expliquer les motifs devant le peuple dans les temples, sur l’appel d’un citoyen ou du plus vieux ; s’il le refuse, il [sera] banni ».

Par-delà les imaginaires nouveaux de l’amitié nourris par la République, qui tous, heureusement, ne se résolvent pas dans cette vision exclusive, la Révolution fut également, comme tous les moments dramatiques et exceptionnels de l’Histoire, et parce qu’elle fut d’abord un événement sensible et vécu, un moment de mise à l’épreuve des amitiés anciennes tout autant qu’un temps de constitution de nouvelles amitiés, plus ou moins durables et/ou sincères. Que deviennent les liens et l’idéal maçonniques, qui reposent ô combien sur l’entrelacs des relations individuelles ? Comment se nouent, se dénouent ou au contraire résistent sur le long terme les solidarités politiques, associant selon les temps raison, obligations, peurs et sentiments ? Comment jouent les amitiés professionnelles, les parentèles au gré des événements ? Quelle est la part de l’amitié dans les projets et les communautés utopiques ? Quelles sont les voies de la philanthropie – est-elle le stade suprême de l’abnégation amicale ? Quelles sont les représentations peintes, théâtralisées, chantées des relations amicales ?

Dans le sillage ouvert par l’histoire des émotions et des sensibilités, et à la suite d’études pionnières sur le sentiment d’amitié aux XVIIIe et XIXe siècles (Anne Vincent-Buffault, Marisa Linton, entre autres), le présent colloque, qui s’adresse autant aux historiens, qu’aux historiens de l’art, aux littéraires et aux philosophes, se propose d’explorer plusieurs axes :

  • Les conceptions, les fonctions et les représentations de l’amitié proposées par la Révolution.
  • Les lieux et les cadres de l’amitié en Révolution (les loges, les salons, l’atelier, la taverne, la garnison, la clandestinité, la communauté, la famille et la parentèle, etc.)
  • La place de l’amitié dans les engagements et les fidélités politiques (songeons par exemple à celle qui lie nombre de Girondins, autour du salon Roland ou sur les chemins de l’exil ; à celle qui permet aux Montagnards, au-delà du suicide collectif des Martyrs de Prairial, de résister à l’opprobre et de préserver, parfois longuement, d’abondantes correspondances ; etc.).
  • Le devenir des amitiés face à la raison et aux passions politiques révolutionnaires ; les amitiés révolutionnaires (ou contre-révolutionnaires) à l’épreuve de l’après-Révolution.

Le colloque sera organisé à Clermont-Ferrand les 8 et 9 septembre 2020, sous l’égide du Centre d’Histoire « Espaces & Culture s » (CHEC, Université Clermont-Auvergne), de la Société des études robespierristes (SER), et avec le soutien de l’Institut Universitaire de France (IUF).

Modalités de soumission

Les propositions de communication (titre, résumé de 10 lignes, titres et coordonnées de l’auteur) sont à envoyer

avant le 30 avril 2020

à Côme Simien : come.simien@gmail.com

Comité scientifique

  • Dominique Godineau (Université de Rennes II)
  • Françoise Le Borgne (Université Clermont-Auvergne)
  • Anne de Mathan (Université de Caen)
  • Michel Biard (Normandie-Université)
  • Hervé Leuwers (Université de Lille)
  • Marisa Linton (Kingston University)

Comité d’organisation 

Université Clermont-Auvergne

  • Côme Simien
  • Philippe Bourdin
  • Cyril Triolaire
  • Karine Rance
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