Images et sons de mai 68 (1968-2008)

CFP: a conference in Paris, April 2008

Colloque international

Images et sons de mai 68 (1968-2008)

Organisé par le Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines (Université de Versailles Saint-Quentin), l’Institut national de l’audiovisuel (INA), le Laboratoire Communication et politique (CNRS)

Paris, Institut national de l’audiovisuel
15, 16, 17 avril 2008

Appel à contribution
Date limite : 1er juin 2007

Depuis quarante ans, « Mai 68 » occupe, dans les imaginaires collectifs, une place singulière. Sa perception même a connu des infléchissements considérables. A l’heure où les débats sur les conséquences de mai 68 envahit l’espace public, il est important de poser la question : « que reste-t-il de 68 aujourd’hui ? ». La simple évocation du mouvement de mai fait surgir dans l’esprit de chacun, acteur ou spectateur des événements, partisan ou adversaire des « idées de 68 », ou celui, trop jeune aujourd’hui pour l’avoir vécu, un éventail d’images, parfois nourrie de sons, qui semble, à coup sûr, caractériser un moment vivant de l’histoire contemporaine. Il suffit de prononcer « Mai 68 », et le décor paraît planté. Que des affrontements violents opposent, au Quartier latin, forces de l’ordre et étudiants, qu’une manifestation dans les rues de Paris rassemble des centaines de milliers de participants, qu’une grève avec occupation d’usine prenne de l’ampleur et se prolonge, et naturellement les images de mai 68 rejaillissent dans les têtes comme sur les écrans. Toutefois, ce décor est-il le même pour toutes les générations, tous les milieux ? La similitude est cependant explicitement recherchée par les protagonistes des nouveaux conflits, comme l’indique, par exemple, l’adaptation d’affiches de 68 à une situation sans grand rapport avec l’événement ou la référence symbolique aux slogans peints à l’époque sur les murs. Plus significatif encore, les images de mai 68 semblent appartenir au patrimoine commun des Français, à tel point, du reste, que s’en dégage parfois un parfum consensuel. Comment comprendre autrement la campagne publicitaire lancée en 2005 par les magasins Leclerc détournant à son profit les mots d’ordre et les placards qui avaient fleuri à l’époque sur les murs des villes ?

Des images et des sons, Mai 68 en a suscité en quantité dans un temps pourtant très court, et sous des formes étonnamment variées. Aux productions des forces contestataires (étudiantes, syndicales, politiques, artistiques...), se sont jointes celles des adversaires du mouvement, mais aussi celles des médias qui alimentent le lecteur, l’auditeur, ou le téléspectateur en information. Des affiches de l’Atelier populaire aux retransmissions radiophoniques en direct, des films militants aux reportages télévisés, des pages illustrées des journaux engagés aux écrans des actualités cinématographiques, de l’impression à l’enregistrement, etc., les images et les sons ont proclamé, dénoncé, attesté le mouvement en marche. Et puis, la page de la « révolte » refermée, mai 68 a stimulé les imaginations, devenant objet ou prétexte d’oeuvres visuelles ou audiovisuelles, suscitant des films documentaires ou de fiction, des rétrospectives télévisées, des émissions de radio, des ouvrages-souvenirs nourris de photographies, des témoignages illustrés, des albums de bandes-dessinées, et bien d’autres productions encore. Au total, toutes ces images et tous ces sons finissent par se mêler dans une étrange confusion, contribuant à donner de l’événement des interprétations contradictoires de l’événement, et ce depuis quarante ans. Il revient alors à l’historien de tenter de maîtriser cette masse documentaire considérable, d’en comprendre la signification et les usages, d’en saisir le rôle dans le regard collectivement porté sur l’événement depuis quatre décennies. L’objet du présent colloque n’est donc pas seulement de mieux appréhender, au travers des images et des sons, une période clé de l’histoire contemporaine, ni exclusivement de cerner ce que l’on pourrait appeler la « culture visuelle et sonore » de mai 68. Il est aussi de mettre en évidence les mécanismes et les cheminements par lesquels s’est construite la mémoire de mai 68, en soulignant le rôle capital tenu par les images et les sons dans l’édification des représentations collectives.

Le matériau d’observation sera donc constitué par les multiples documents visuels, audiovisuels ou sonores, sans exception, produits en mai 68 ou sur mai 68 :documents visuels : affiches, dessins, graffitis, tracts illustrés, photographies, bandes-dessinées, publicités...
documents audiovisuels : télévision, cinéma (information, documentaires, fictions, films publicitaires), internet...
documents sonores : radio, disque, chanson, enregistrements divers...

Trois axes de réflexion seront privilégiés.

Le premier axe concerne la production des images et des sons au printemps 1968, la manière dont elle caractérise l’événement, fournit une part de son originalité et, d’emblée, contribuent à bâtir les contours de son imaginaire. Qu’ils relèvent de la création, de l’information, de la propagande, de la communication, qu’ils émanent des animateurs du mouvement, des médias, du pouvoir ou de groupes anonymes, etc., qu’on puisse leur attribuer un statut militant, professionnel, amateur, qu’ils aient touché un cercle restreint ou la masse des Français, ces images et ces sons entrent dans le champ du questionnement général. Les modalités de la production, de la diffusion, des circulations, la diversité des messages comme la concurrence des représentations (manifestants/pouvoir ; médias selon leur engagement ; acteurs du mouvement, selon leurs sensibilités, etc.) devront être éclairées. On s’intéressera aussi de près à tous ceux qui, artistes, graphistes, dessinateurs, journalistes, photographes, cameramen, cinéastes, témoins privilégiés, etc., captent et/ou produisent les sons et les images. Au bout du compte, c’est tout le bain visuel et sonore de mai-juin 68 - son importance, ses limites, ses échelles, son rayon d’influence -, qui sera restitué, analysé, interprété.

Le deuxième axe est peut-être plus essentiel encore, puisqu’il s’attache à la construction des représentations de mai 68, par l’image et le son, dans les quatre décennies qui suivent. Qu’en reste-t-il, une fois la page tournée ? Quelles nouvelles images et quels nouveaux sons surgissent-ils dans le sillage des précédents ? Comment l’exploitation des documents visuels, audiovisuels, sonores ont-ils été conservés jusqu’à faire leur entrée dans les musées ? Comment contribuent-ils, au fil du temps, à fournir une interprétation globale ou partielle de l’ « esprit de mai » ? Certains s’imposent-ils, et par quel biais, au détriment d’autres ? Les années immédiatement postérieures à 1968 affirment-elles une hégémonie du regard gaulliste, particulièrement appuyée sur l’image et le son (on pense, évidemment, à la télévision) ou les choses sont-elles plus complexes ? De nos jours, l’usage des images et du son atteste-t-il une sorte de « culture commune » de 68 ou doit-on discerner, au contraire, la pérennité de mémoires parallèles et antagonistes ? Il faudra, de ce point de vue, observer de près leur rôle dans les « anniversaires » successifs de l’événement (dix ans, vingt ans, vingt-cinq ans plus tard...), à l’occasion desquels, par exemple, sont publiés des livres illustrés ou diffusés des émissions spéciales de télévision. Il conviendra de s’interroger sur la constitution d’une sorte de corpus symbolique d’images, toujours reprises, jusqu’à s’identifier à l’événement lui-même (« icônes » de mai 68). Imprégnation des images et des sons de mai 68, appropriation collective, mais aussi culture dominante, oubli, détournement, interprétations et réinterprétations, retours et conflits de mémoire alimenteront le questionnement général.

Le troisième axe intégrera les deux précédents dans une perspective comparatiste. Ici, trois niveaux d’interrogations. D’abord, très souvent, mai 68 n’est perçu qu’au prisme parisien. Or, dans le domaine qui nous retient, la province a joué un rôle important, produisant une somme d’images et de sons considérable, quelle qu’en soit la nature. Et puis, comme on le sait, la révolte de mai s’inscrit dans un mouvement européen et même international. C’est pourquoi des comparaisons avec les Etats-Unis, la RFA, l’Italie, les Pays-Bas, la Suède, etc. s’imposent dans des termes voisins à ceux énoncés plus haut pour le cas français. Il serait également intéressant de saisir, au printemps 1968, les influences réciproques révélées par l’étude des documents visuels, audiovisuels et sonores (influence directe ou circulation), alimentant ainsi la réflexion sur la plus ou moins grande homogénéité des contestations. Enfin, le regard porté par l’étranger sur le mai français, au travers de l’usage des sources privilégiées ici, complétera l’approche d’ensemble.

Comité d’organisation :

Christian Delporte
Sébastien Layerle
Denis Maréchal
Caroline Moine
Isabelle Veyrat-Masson

Envoi de la proposition de communication :

Titre précis et texte de 1500 signes maximum (avec coordonnées précises de l’auteur), avant le 1er juin 2007 à : [mailto]christian.delporte@uvsq.fr[/mailto]