Samedi 17 mars 2018, 10 h – 18 h 30
Journée d’étude animée par Claude-Olivier Doron, maître de conférences en philosophie, Université Paris-Diderot, et Frédéric Régent, maître de conférences HDR en histoire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, président du CNMHE, dans le cadre de l’Université populaire du CM98.
Salle Félix Eboué
Ministère de l’Outre-mer
57, boulevard des Invalides
Paris 7e
L’objectif de cette journée d’étude est d’analyser l’articulation entre l’esclavage et la catégorie de race. Du XVI au XVIIIe siècle, l’esclavage se développe dans les colonies de quelques puissances européennes (Portugal, Espagne, Grande-Bretagne, France, Provinces-Unies, Danemark).
Cet esclavage a deux particularités, alors que l’esclavage est interdit ou quasiment absent du territoire de la métropole coloniale, il est très présent et légal dans les colonies extraeuropéennes. De plus, ce sont des non européens, majoritairement des Africains mais aussi des Amérindiens, des Indiens, des Indonésiens) qui sont réduits en esclavage. On peut repérer plusieurs ensembles de questions qui méritent d’être soulevées lorsqu’on interroge les liens entre pratique de l’esclavage et catégorie de race.
1. Variétés des grammaires de la race et pratiques esclavagistes jusqu’au XVIIIe siècle Existe-t-il des discours explicites mobilisant la notion de race qui légitiment la pratique esclavagiste et selon quelles chronologies ? Si l’on veille à ne pas confondre immédiatement la catégorie de race avec tout un jeu de catégories connexes qui ont cours dans les univers coloniaux (couleurs, qualités, nations, castas...), peut-on repérer des liens particuliers entre la notion de race et le développement de l’esclavage ? Notamment, avec l’esclavage africain : la notion de race est-elle mobilisée pour fonder un asservissement de manière héréditaire ? Dans ce cas, quels concepts de race se trouvent mobilisés? Plusieurs grammaires de la race sont en effet possibles, qu’il convient de ne pas confondre (conception religieuse, nobiliaire, naturaliste…). Comment s’articulent-elles et comment se transforment elles en lien avec la pratique institutionnelle de l’esclavage ? Quels rapports faut-il établir entre le mode d’exploitation juridiquement fondé qu’est alors l’esclavage et le raisonnement racial ?
2. Transformations et extensions du raisonnement racial lors de la fragilisation puis de l’abolition du statut juridique d’esclave
On sait que les sociétés coloniales utilisent beaucoup des catégories de couleur pour classer les individus. Quels rapports établir entre ces catégories de couleur et la notion de race ? Qu’est-ce que la race vient ajouter à la notion de couleur et dans quels contextes passe-t-on de la couleur à la race ? L’une des hypothèses que nous voudrions mettre à l’épreuve consisterait à penser que la notion de race et le raisonnement racial vont être mobilisés avant tout pour décrire un ensemble de situations où le statut juridique (esclave/libre) ne coïncide pas (ou plus) avec la couleur, c’est-à-dire pour toute la population, croissante, des libres de couleur et des métis. On peut dès lors se demander quels effets la montée des idées abolitionnistes, la fragilisation des statuts juridiques (lors des abolitions partielles, comme celle du trafic dans différentes colonies), puis les abolitions totales du statut juridique d’esclave ont eu sur la mobilisation des discours raciaux? N’est-il pas finalement assez logique que ce soit précisément au moment où se floutent ou s’effacent les frontières juridiquement sanctionnées du statut d’esclave, au profit d’autres modes d’exploitation ou de rapports sociaux, que la catégorie de race va se trouver plus intensément mobilisée et sous des formes beaucoup plus nettement naturalisées
La particularité de la notion de race ne tient-elle pas en ce qu’elle permet de fonder, indépendamment du statut juridique, des différenciations héréditaires liées soit à la tache héritée du statut servile des ancêtres, soit à des différences de capacités héréditaires liées à une organisation physique et des facultés morales particulières ? Il s’agira donc d’analyser les différentes manières de penser la race et de voir comment elles sont mobilisées, dans leur rapport avec la question de l’esclavage colonial européen du XVI au XIXe siècle.
La journée d’étude réunira des spécialistes de la question de l’esclavage et de la race.
Cette journée d’étude s’inscrit dans le cadre de la semaine de mobilisation contre le racisme.
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10H-12H30
Claude-Olivier Doron, Université Paris-Diderot, Interroger la contingence et la complexité des liens entre "race" et esclavage: quelques remarques introductives
Antonio Almeida-Mendes, Université de Nantes, Race, couleur et esclavage : discours et constructions sur la longue durée au Portugal et dans les comptoirs luso-africains de Guinée
Cécile Vidal, EHESS, Les rapports entre esclavage et race envisagés depuis La Nouvelle- Orléans caribéenne sous le Régime français (1718-1769)
14H30-17H
Frédéric Régent, Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, De la couleur statut à la race : l’exemple des Antilles françaises.
Silyane Larcher, CNRS, La citoyenneté divisée ? Egalité et fabrique de la race après l’abolition définitive de l’esclavage aux «vieilles colonies» (1848-1890)
Alain Froment, Museum d’histoire naturelle, Esclavage, race et la Société d'Anthropologie de Paris
Conclusions de la journée Claude-Olivier Doron et Frédéric Régent
17H30
Projection du documentaire Mary Prince (52 min).