CfP: Syndicalisme, pouvoirs et politiques dans les services publics territoriaux. XXe-XXIe siècles

Call for papers, deadline 31 January 2019 (in French)

Syndicalisme, pouvoirs et politiques dans les services publics territoriaux
 
XXe-XXIesiècles
 
Colloque : appel à communications
Date : 12 et 13 septembre 2019
Lieu : Paris
 
Comité d’organisation 
Emmanuel Bellanger (CHS), Sophie Beroud (Triangle), Line Boyer (IHSFDSP), Jean-Louis Briquet (CESSP), Nadine Bricout (IHSFDSP), Franck Georgi (CHS), Philippe Coanet (IHSFDSP), Pierre Legoy (IHSFDSP), Julian Mischi (CESAER), Stéphane Sirot (Université de Cergy-Pontoise), Karel Yon (Ceraps).
 
Comité scientifique 
Membres de comité d’organisation, Emilie Biland-Curinier (Arènes), Paul Boulland (CHS), Dominique Durand (IHSFDSP), Alexandra Garabige (INED), Violaine Girard (CMH), Jacques Girault (CRESC), Colette Grandclaudon (CNFPT), Rémy Lefebvre (Ceraps), Laure Machu (IDHES), Maxime Quijoux (Printemps), Romain Pasquier (Arènes), Michel Pigenet (CHS), Yasmine Siblot (Cresppa), Emeric Tellier (IHSM).
 
Comité de parrainage
Association des archivistes français (AAF), Centre national de la Fonction publique territoriale (CNFPT), Thérèse Hirszberg (Gallo-Villa), ancienne secrétaire générale de l'Union Générale des Fédérations de Fonctionnaires (UGFF) CGT (1978-1992), Philippe Laurent, Secrétaire général de l’AMF, président du Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale, Jacques Nodin, ancien secrétaire général de la Fédération INTERCO CFDT (1977-1992), Anne-Marie Perret, ancienne présidente de la Fédération européenne des services publics (FSESP-EPSU) de la CES (2005-2014) et secrétaire fédérale de la Fédération générale des fonctionnaires Force Ouvrière (1999-2013), Alain Pouchol, ancien secrétaire général de la Fédérat! ion CGT des Services publics (1979-1994), René Ricot, président d’honneur de la CFTC Fonction publique, Michel-Antoine Rognard, ancien président du CSFPT (1989-2001).
 
 
 
Introduction
Le personnel des collectivités territoriales, singulièrement celui des communes, s’est longtemps apparenté à une communauté professionnelle déclassée, sans statut, placée sous une double dépendance, celle des élus et celle de l’État. Son caractère public fut longtemps contesté avant que ne soit adopté le statut du personnel communal de 1919, institué à la suite d’un mouvement de grève inédit, et celui de la fonction publique communale puis territoriale au début des années 1980.
Depuis le XIXe siècle, ce groupe social agrège une multitude de fonctions et d’emplois, des femmes de service des écoles aux cantonniers de la voirie, des ouvriers des régies aux fossoyeurs des cimetières, des assistantes sociales aux infirmières, des chefs de bureau aux secrétaires de mairie devenus, à la fin des années 1990, directeurs généraux des services des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Dans les années 1930, le secrétaire général de la mairie de Suresnes, Louis Boulonnois, évoquait déjà l’existence dans les grandes mairies d’une « constellation municipale » composée de métiers, de statuts et de services publics.
Au cours des XIXeet XXe siècles, les structures et la sociologie historique des collectivités territoriales connaissent de profondes mutations dont la caractéristique première est marquée par le passage d’agents communaux, dont la carrière est inscrite dans une logique d’enracinement, à un personnel territorial, intégré dans des réseaux de mobilités professionnelles et géographiques toujours plus étendus. Des années 1860 aux années 1970, en banlieue parisienne, entre 70 % et 90 % du personnel des mairies est domicilié dans la commune où il travaille. La promotion sociale est, durant cette période, dominée par la promotion interne dite « promotion mairie ». Dès la fin des années 1980, le mouvement a commencé à s’inverser à l’imag! e des villes populaires de la banlieue parisienne où seuls les agents des catégories les moins élevées dans la hiérarchie socialeet territoriale sont encore, en grande majorité, domiciliés dans la cité où ils exercent leurs activités.
Le colloque « Syndicalisme, pouvoirs et politiques dans les services publics territoriaux » se veut l’occasion de mettre en perspective et d’analyser les transformations qui ont marqué la fonction publique territoriale au cours du dernier siècle et du début du XXIesiècle. Le questionnement du rapport à la politique des « communaux » devenus « territoriaux » constitue le fil conducteur de ces journées d’études et d’échanges.La politique est ici entendue dans une acception très large : les politiques publiques et leurs services, l’engagement collectif et syndical, la vie politique et ses alternances qui pèsent sur la gouvernance des exécutifs territoriaux et la gestion des personnels de la fonction publique territoriale.
L’appel à contributions s’inscrit dans une approche d’histoire sociale et politique mais il se veut aussi pluridisciplinaire. Il souhaite couvrir la période contemporaine, ponctuée par les premières politiques de professionnalisation des mairies, l’adoption de la charte municipale de 1884, les mobilisations sociales en faveur d’un statut constamment négocié ou, encore, l’enracinement, à partir des années 1890 et 1920, de nouvelles cultures et pratiques politiques à l’instar du radicalisme républicain, de socialisme municipal, du communisme municipal ou du conservatisme municipal.
L’objectif de ce colloque est aussi d’accorder une attention particulière aux décennies 1970-2010 marquées par de profondes transformations du champ politique et institutionnel, liées à l’avènement des nouvelles lois de décentralisation, à la montée en puissance des régions, à l’intercommunalisation des politiques publiques (création des districts urbains, communautés de communes, communautés d’agglomération, etc.) et liées à la succession d’alternances politiques qui, à partir des années 1970, se sont accompagnées de l’émergence de nouvelles et nombreuses conflictualités entre élus et syndicats des personnels des collectivités territoriales.
Le cadre d’étude privilégié est celui de la France mais des recherches comparées sur l’histoire des fonctions publiques locales et l’évolution du rapport à la politique, dans d’autres pays, pourraient enrichir les apports de ce colloque. Les lieux d’exercice de la fonction publique territoriale révèlent une diversité de collectivités et de territoires qui distingue les villages et les petites villes, où les secrétariats de mairie peuvent encore être assumés par des instituteurs et institutrices, des villes moyennes, des villes préfectures et des capitales régionales et métropolitaines. Les approches monographiques pourront éclairer cette diversité des situations et des contextes qui marquent l'histoire sociale, statutaire et politique des « territoriaux » et les évolutions anciennes ou p! lus récentes du service public local en milieu rural, périurbain ou urbain.
 
Trois axes de réflexionont été identifiés autour (I) de l’histoire sociale, politique et statutaire des personnels des collectivités territoriales, (II) des pratiques syndicales, associatives et politiques et de leurs rapports au pouvoir et au champ politique, (III) de l’évolution des politiques publiques territoriales et de leur incidence sur la transformation des liens à la population et des pratiques professionnelles.
 
I. Histoire sociale, politique et statutaire des « territoriaux »
Une des caractéristiques originelles du personnel communal tient à ses origines populaires. L’institution municipale, dans ses modes de recrutement et de promotion établis dès la Belle Époque, a d’abord privilégié les critères de la bienfaisance (le recrutement social), les affinités familiales avec la formation de dynasties territoriales ou encore les critères d’insertion communale (le recrutement local) et d’attachement et de fidélisation politique (le clientélisme). L’emploi communal fut aussi souvent assimilé, en période de crise économique notamment, à un « emploi refuge » offrant une stabilité et une reconnaissance sociale. Diffusé dès la fin du XIXe siècle, le recrutement méritocratique s’est progressivement étendu avec la général! isation des concours locaux, départementaux puis nationaux en réponse aux exigences de professionnalisation et de rationalisation des politiques publiques locales. En 1919 et 1922, la création de l’École des hautes études urbaines et de l’École nationale d’administration municipale, appelée à former plusieurs générations de fonctionnaires des villes de France, témoigne de ce mouvement de reconnaissance progressive de la fonction publique communale par les associations corporatistes, les syndicats, les élus et la tutelle préfectorale et ministérielle.
Les critères d’entrée dans une mairie, un département ou une région ont au cours des années 1970 et 1980 profondément évolué. Le personnel des collectivités territoriales compte aujourd'hui 1,9 million d’agents (ils n’étaient que 300 000 à la fin des années 1930), dont un cinquième est non-titulaire. À ces effectifs représentant 6,6 % de la population active, il convient d’ajouter ceux des agents des entreprises concessionnaires de monopoles publics. Au moment où le monde des collectivités territoriales est soumis à de fortes injonctions et contraintes financières, mettre en perspective l’évolution socio-historique de ces personnels exerçant une mission de service public constitue un enjeu historiographique et social.
La liste des interrogations n’est pas ici exhaustive mais il serait intéressant, dans ce contexte, de mettre en exergue les mutations des modes de recrutement des agents territoriaux en questionnant notamment leur fonction sociale (l’emploi communal ayant assuré depuis les années 1880 un levier d’intégration) mais aussi les discriminations dans la carrière (discriminations de sexe, raciales, générationnelles, etc.), les hiérarchies administratives et le rapport au clientélisme. 
Questionner l’importance du statut, le poids du paritarisme, de la professionnalisation des métiers de la fonction publique territoriale (FPT) et de la montée en puissance de l’expertise constitue également une approche suggestive qui pourrait éclairer les transformations du service public local ainsi que les tensions et les conflictualités qui les accompagnent, en particulier, dans une période récente, les années 1990-2000, qui a été marquée par les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales. Enfin, un éclairage particulier pourrait être porté sur les multiples formes de précarité qui se sont développées depuis les années 1980 au sein de la FPT, sur le recours aux contractuels et sur les réactions syndicales auxquels ils donnent lieu. Que reste-t-il aujourd’hui de! la vocation sociale et intégratrice qui caractérisait l’emploi communal (« emplois réservés » aux veuves de guerre et mutilés de 14-18, aux rapatriés des années 1960, aux licenciés d’entreprises pour raison politique et syndicale, etc.) et qui avait imprégné les traditions revendicatives des syndicats de communaux ?
 
II. Rapport au pouvoir et pratiques syndicales et politiques
Trente-cinq ans après la promulgation du statut de la fonction publique territoriale, le rapport des « territoriaux » aux élus, leurs employeurs, a-t-il profondément changé ? La mise en contexte des années 1970-2010 semble ici essentielle pour saisir l’impact, sur les pratiques syndicales et politiques des agents territoriaux, de la décentralisation et des nouvelles formes de gouvernance des exécutifs territoriaux nées des réformes intercommunales et régionales amorcées depuis la fin des années 1950 (regroupements de municipalités, coopérations intercommunales, régionalisation des politiques publiques, avènement des métropoles, etc.).
Quels sont les registres de revendications et d’actions et les thèmes de mobilisation des syndicats selon les périodes et les territoires observés ? Existe-t-il une gestion de « gauche » ou de « droite » des ressources humaines des collectivités territoriales ? Des pratiques autogestionnaires et des expériences participatives, associant les organisations de personnel, ont-elles vu le jour et sous quelle forme ? Dans le cadre des négociations collectives, comment se sont articulées les mobilisations locales et nationales ? Ont-elles été source de dissensions, de renoncements, de compromis, entre les syndicats, leurs fédérations et confédérations et les personnels de la fonction publique territoriale ? Quelles différences, dans leur rapport à la politique, distinguent les agents et les syndicalistes ! des communes de leurs collègues des départements, des régions et des grandes intercommunalités qui reconfigurent à partir des années 1980 le paysage institutionnel et politique des collectivités territoriales ?
Mettre en relief la complexité du rapport entre gestion communale et politique ainsi quela diversité des configurations d’acteurs et d’institutions politiques et syndicales permettrait certainement de souligner les effets de contexte, différents selon les collectivités, en questionnant le positionnement de leurs agents qui ont souvent conservé un lien fort avec leur territoire et ses habitants. Les mairies ont été décrites depuis le XIXe siècle comme le « refuge » du clientélisme et des incompétences. En 1928, Aimé Malvardi, chef du bureau de la mairie de Toulon, plaidait encore dans sa thèse de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Paris, pour que soit « retiré aux maires le droit de nomination des secrétaires de mairie » et par extension celui des empl! oyés de mairie. L’article 88 de la charte municipale de 1884, accordant au maire le pouvoir de recruter son personnel, ne fut jamais remis en cause mais l’histoire du lien entre agents des collectivités et « patron » d’exécutif territoriaux donne toujours lieu à des représentations dépréciatives qui invitent à questionner les formes de politisation de l’administration territoriale ou, au contraire, de « dépolitisation » sous l’effet de recherche permanente de consensus, de compromis qui transcenderait les clivages partisans et syndicaux.
Au regard de ces questionnements, il serait intéressant de réfléchir aux problèmes récurrents et structurels que rencontre l’action syndicale dans la FPT, qu’il s’agisse d’explorer les rapports qu’entretiennent les militants syndicaux avec des élus de « gauche » qui peuvent être également des « camarades » de parti ou qu’il s’agisse de réfléchir à l’évolution des structures syndicales afin d’intégrer les cadres de catégorie A, de plus en plus nombreux et exerçant une position hiérarchique sur d’autres agents adhérents au même syndicat (création de sections spécifiques comme celles liées à l’UGICT CGT).
Réfléchir aux spécificités de l’action syndicale dans la FPT, en la comparant à d’autres fonctions publiques et au secteur privé, peut également aider à cerner le poids et l’influence des fédérations professionnelles qui organisent ces agents au sein des confédérations syndicales : la fédération des services publics étant aujourd’hui la première, sur le plan des effectifs, au sein de la CGT et la fédération Interco (services publics, ministères, etc.), la troisième en nombre d’adhérents, au sein de la CFDT. 
Enfin, l’importance des emplois précaires dans la fonction publique territoriale – précarité qui prend des formes différentes selon les métiers – interroge la capacité des syndicats à accompagner des mobilisations sociales qui vont interpeller, à partir de problèmes spécifiques, la collectivité employeuse : qu’il s’agisse par exemple des ATSEM ou des personnels de cantine. Quelle place occupent ces personnels précaires dans les structures syndicales et à quel point pèsent-ils sur l’élaboration des revendications ? Ces questions invitent à articuler les enjeux de démocratie syndicale, les processus de mobilisation et de politisation.
 
III. Vie et politiques publiques locales, pratiques professionnelles et rapport à la population
Depuis l’avènement de la IIIe République, les collectivités locales ont assuré des missions de cohésion et de pacification des territoires. Elles assurent l’exécution d’une grande partie des services publics développés sous le régime de l’État providence, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dont les fondements sont aujourd’hui remis en cause. La décentralisation et les réformes territoriales successives ont modifié en profondeur l’organisation, les compétences, les financements, les périmètres d’action des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Quelles en sont les conséquences sur la reconnaissance et la gestion des personnels marquée par l’importation et la diffusion du « management territorial » ? L’intercom! munalité dite intégrée (communautés de communes, communautés d’agglomération, métropoles, etc.) a-t-elle produit un autre rapport à la politique et aux politiques ? Au même moment, les inégalités territoriales n’ont cessé de se creuser entre « villes riches » et « villes pauvres » ; quelles en sont les manifestations et les répercussions sur les services publics et les pratiques professionnelles ? Comment le politique mais aussi le syndicalisme s’adaptent aux besoins des populations ?
L’enjeu démocratique et son ancrage territorial sont intimement liés à l’histoire de la démocratie locale, ses sociabilités municipales et ses institutions de proximité. Or ces dernières décennies ont été marquées, lors des scrutins locaux, par la montée en puissance de la démobilisation électorale, la progression du vote en faveur du Front national et son enracinement dans certains territoires de la France urbaine et rurale. Ce colloque pourrait être l’occasion d’analyser les répercussions de ce contexte politique sur la fonction publique territoriale, le positionnement politique de ses agents et le désengagement syndical. En période de crise et de fragilisation des populations et des milieux populaires en particulier, les villes se sont érigées, au début du XXe siècle, dans certains ! territoires, en laboratoire d’innovation et de création de nouveaux services publics (les dispensaires, l’hygiène sociale, les habitations à bon marché rebaptisées HLM, la protection maternelle et infantile, les politiques culturelles etc.). Ces politiques étaient incarnées et portées par des personnels territoriaux qui partageaient souvent la même condition sociale que les habitants de leur ville et que l’on assimilait dans les pratiques et les discours syndicaux à une « culture de service public ». Dans un contexte, de désindustrialisation, de concurrences accentuées entre collectivités, d’enracinement de la pauvreté, de crise des finances locales et de limitation des investissements publics, ces laboratoires municipaux ont-ils pu perdurer, sous quelles formes, avec quel degré d’autonomie et avec quel niveau d’ad! hésion des agents des collectivités territoriale! s et de leurs organisations ?
« Habiter, c’est être de quelque part » insistait Henri Lefebvre. Ce colloque permettra, nous l’espérons, d’éclairer en croisant recherches et retours d’expériences, analyses et témoignages, les liens des sociétés contemporaines à leurs territoires, à leurs institutions politiques, à leurs organisations collectives et à leurs services publics.
 
 
 
Calendrier de l’appel à communication
Date limite des propositions : 31 janvier 2019
 
Propositions de communication
Les propositions de communication devront comporter un titre et une présentation de la contribution (2 500 signes). Elles seront accompagnées d’un court CV. 
 
Ces propositions seront envoyées aux adresses mails suivantes : 
contact@colloqueterritoriaux2019.com
ebellanger@yahoo.fr
sophie.beroud@univ-lyon2.fr

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