Le colloque se tiendra à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, à Aix-en-Provence, les 14 et 15 novembre 2019
Depuis les débuts de l’époque moderne, on trouve beaucoup de non-livres dans les bibliothèques, et en particulier des ensembles de papiers que l’on peut considérer comme des archives, parce qu’ils ont été rassemblés dans le cadre des activités ordinaires, savantes ou professionnelles, d’un individu ou d’une institution. L’étude de ces « papiers entre les livres » permet d’éclairer d’une manière nouvelle ce qui lie archives et bibliothèques, en mettant à distance le récit du « grand partage » des fonctions et des fonds documentaires entre les deux types d’institutions, hérité du XIXe siècle.
Le premier aspect de la réflexion concerne la manière dont ces ensembles ont été constitués, organisés et conservés du vivant de leur producteur. De l’humanisme tardif au collectionnisme du XIXe siècle, les pratiques intellectuelles et matérielles de la collecte, de la copie, du rangement, du classement et de l’inventaire se sont lentement transformées ; l’invention du fichier au tournant du XIXe siècle, puis de la photocopieuse, ont introduit des ruptures plus nettes dans l’allure des archives savantes. Le regard devra porter sur les formes de « mise en archive » opérées par les savants ou les administrateurs pour soustraire ces papiers au quotidien des activités, permettre leur mobilisation en cas de besoin ou leur conservation pérenne. On devra aussi s’intéresser aux relations entre ces ensembles de papier et la bibliothèque des livres, à partir des manipulations dont ils font l’objet, ou de la disposition matérielle des lieux et du mobilier. Le livre est lui-même un objet-frontière entre l’archive et la bibliothèque : on pense aux phénomènes d’incorporation de l’archive au manuscrit médiéval, à la confection des registres, ou aux livres parfois abondamment annotés ou interfoliés.
Le second aspect renvoie à la manière dont ces ensembles ont été traités à la mort de leur producteur. Dans les testaments, la transmission des papiers est souvent pensée indépendamment de celle des livres. Dès l’époque moderne, la question de leur devenir a été l’occasion de réfléchir aux fonctions respectives des dépôts d’archives et des bibliothèques « centrales » des États. On considèrera la manière dont les bibliothèques ont accueilli ces ensembles, les ont traités et éventuellement dissociés en fonction de critères extérieurs à la logique du recueil (séparation des pièces imprimées et manuscrites, des pièces authentiques et des copies), dont elles les ont catalogués et communiqués aux lecteurs. Il s’agit de se demander comment les bibliothèques pensent (ou ne pensent pas) ces archives comme telles, à l’intérieur d’un cadre politique ou réglementaire qui fixe progressivement les prérogatives des uns et des autres. La terminologie employée pour les désigner n’est pas indifférente : appelés « recueils » à l’époque moderne, « collections » au xixe siècle, ces ensembles sont aujourd’hui souvent désignés comme des « fonds particuliers » ou des « archives ». Il faudra aussi mesurer l’incidence qu’a pu avoir la mise en place de deux professions distinctes, de bibliothécaire et d’archiviste, sur l’appréciation de ces fonds documentaires.
Enfin, le troisième aspect intéresse les usages auxquels se prêtent ces fonds : usages historiens, mais aussi probatoires ou administratifs. Il pose la question du statut intellectuel et juridique des documents conservés hors des dépôts d’actes institués par la puissance publique, alors qu’ils en ont parfois été extraits.
Le colloque envisage donc l’histoire des relations entre archives et bibliothèques du point de vue du rôle para- ou quasi-archivistique joué par les bibliothèques sur le long terme, de la fin du Moyen Âge à nos jours. Il invite à ouvrir la réflexion vers d’autres types d’institutions qui gardent des archives au milieu d’artéfacts jugés dignes d’être conservés, cabinets et trésors, bureaux, musées ou maisons d’écrivains. Il vise à mettre à l’épreuve le schéma français en le confrontant à d’autres réalités européennes. Il s’interroge enfin sur la manière dont les mutations récentes, le développement des infrastructures numériques et des exigences d’interopérabilité des langages de description des documents écrits, ont permis de repenser le statut de ces papiers et de dépasser certains clivages.
Modalités de soumission
Date limite de soumission des propositions : 1er juin 2019
Les propositions (1 page), accompagnées d’un court CV, doivent être adressées à
- Emmanuelle Chapron (emmanuelle.chapron@univ-amu.fr)
- Fabienne Henryot (fabienne.henryot@enssib.fr)
Les frais de transport et de séjour des participants seront pris en charge.
Une publication des actes est prévue sous la forme d’un volume collectif.
Télécharger l’AAC ici : AAC Archives en bibliothèques
Organisation
- Emmanuelle Chapron (Aix Marseille Université)
- Véronique Ginouvès (MMSH)
- Fabienne Henryot (ENSSIB)
Comité scientifique
- Jean-François Bert (Université de Lausanne)
- Pierre Chastang (UVSQ)
- Maria Pia Donato (CNRS-IHMC)
- Olivier Poncet (École nationale des chartes)
- Yann Potin (Archives nationales-Université Paris-Nord-CERAL)
Le projet s'inscrit dans le cadre du programme Pépinière d’excellence « Archives en bibliothèques », Aix-Marseille Université, l'UMR 7303 Telemme (AMU-CNRS) l'École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques et le Centre Gabriel Naudé