CfP: Les mouvements sociaux dans les départements d'outre-mer depuis le début du XXIe siècle

Call for papers, deadline 5 September 2019 (in French)

Ce colloque vise à faire le point sur les mobilisations sociales qui touchent depuis le début du XXIe siècle les entités ultramarines régies par l'article 73 de la Constitution. En effet, les territoires qui ont connu le processus de la départementalisation (Guyane, Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Mayotte) connaissent depuis près d’une décennie des mouvements de contestation d’une ampleur inédite qui paralysent leur vie économique et sociale pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois. Les revendications évoquées lors de ces mobilisations (vie chère, inégalités, insécurité, immigration,...) ont mis en évidence l’existence d’un profond malaise vis-à-vis de la situation économique et sociale de ces territoires en dépit de la constante amélioration de leurs principaux indicateurs économiques et sociodémographiques au cours de ces dernières décennies. L’objectif de ce colloque, conçu dans une double perspective, interdisciplinaire et comparatiste, est de faire le bilan de ces mobilisations et de penser ce qu’elles révèlent de l’état du modèle départemental aujourd’hui.

 

Argumentaire

Parmi les événements marquants du début du XXIe siècle dans les départements d’outre-mer, la multiplication de mouvements sociaux de grande ampleur occupe une place de premier plan. De janvier à mars 2009 aux Antilles, de mars à avril 2017 en Guyane, de février à avril 2018 à Mayotte et de novembre à décembre 2018 à l’île de La Réunion, chaque territoire régi par l’article 73 de la Constitution a été, à tour de rôle, paralysé pendant plusieurs semaines. Des mobilisations sans précédent ont généré par-delà les océans, les mêmes images de fermetures de magasins, de blocages d’infrastructures d’échanges (routes, aéroports, ports…), d’occupation de lieux symboliques (ronds-points, place, parvis…) mais aussi de confrontations avec les forces de l’ordre.

Les revendications portant sur le pouvoir d’achat, l’accès à l’emploi, les inégalités, l’insécurité ou encore l’immigration (Blanchy et alii, 2019) ont mis en évidence l’existence d’un profond malaise vis-à-vis de la situation économique et sociale des départements d’outre-mer alors que ces derniers ont connu une constante amélioration de leurs principaux indicateurs économiques et sociodémographiques suite aux départementalisations de 1946 et de 2011. L’objectif de ce colloque est par conséquent de faire le bilan de ces mobilisations et de penser ce qu’elles révèlent de l’état du modèle départemental en Outre-mer aujourd’hui. Ce colloque, conçu dans une double perspective, interdisciplinaire et comparatiste, entend interroger cinq champs d’investigation principaux à partir de regards croisés de chercheurs issus de traditions disciplinaires différentes (science politique, anthropologie, sociologie, géographie, histoire…) :

  • Le premier champ s’intéressera au sens des revendications portées par les différents collectifs et cherchera à établir une typologie de ces mouvements sociaux. Doivent-ils être compris comme les révélateurs d’une impression globale que le développement dans ces territoires s’inscrit dans la continuité d’une ancienne relation coloniale ou sont-ils de simples reproductions de mouvements mettant en cause la permanence des injustices économiques et sociales contemporaines (« Occupy Wall Street », Mouvement 15-M espagnol, Mouvement 5 S italien, Les Gilets jaunes…) ?
  • Le second champ d’investigation portera sur l’adhésion des populations à ces mouvements sociaux. Il s’agira notamment de questionner les conditions d’émergence du sentiment de partager collectivement les mêmes réalités et d’envisager la façon dont l’adhésion se diffuse et se généralise en particulier dans les sociétés les plus segmentées (Mam Lam Fouck, Moomou, 2017). Quel(s) rôle(s) jouent notamment les médias traditionnels et les réseaux sociaux dans ce processus ? Quelles sont les conséquences d’une situation où « l’information est non institutionnalisée, non formalisée [et amplifie] une forme de pouvoir horizontalisé auquel tant de citoyens aspirent » (Boulaigue, 2018) ?
  • Le troisième champ examinera la place des acteurs dans ces mobilisations. Quelle a été l’influence des syndicats qui, historiquement, ont été associés aux mouvements sociaux du XXème siècle dans les départements d’outre-mer ? Quelle a été l’attitude des corps sociaux habituellement les plus radicaux (dockers, secteur des transports, agents EDF…) ? Comment se sont positionnés les politiques (Daniel, 2009) et les socioprofessionnels ? Ont-ils été vraiment marginalisés et discrédités lors de ces mouvements sociaux ?
  • Le quatrième champ s’attachera à faire ressortir l’impact de ces mouvements sociaux sur le sentiment identitaire. En effet, de nombreux registres identitaires ont été formulés et/ou mobilisés lors de ces mouvements sociaux (nationalisme, pluriculturalité, métissage, créolité, afrocentrisme,…). Que nous apprennent-ils du positionnement contemporain des ultramarins à l’égard du discours assimilationniste qui a été largement dominant au cours du XXème siècle ? Comment les productions artistiques notamment musicales se font-elles l’écho de nouvelles postures identitaires ? Quels sont les hauts-lieux de mobilisation (Monza, 2009) et comment sont-ils aujourd’hui mobilisés dans les discours portant sur l’identité ?
  • Le dernier champ d’investigation interrogera la nature des relations entre la métropole et ses « confettis » hérités de l’époque coloniale. En interrompant longuement le fonctionnement des services publics et en perturbant durablement la vie économique dans chacun des DOM, ces mouvements invitent à repenser le modèle départemental. L’article 73 de la Constitution apparaît en effet de plus en plus comme un cadre étroit et restrictif qui ne permettrait pas de libérer le potentiel ultramarin et les énergies locales. Ce lien institutionnel et statutaire si particulier avec la « mère-patrie » est régulièrement convoqué, à des degrés divers, comme un obstacle au développement des collectivités ultramarines. Peut-on dès lors considérer que les interrogations autour de l’article 73 résultant des grands mouvements sociaux du début du XXIème siècle constituent les signes annonciateurs de la fin de la départementalisation ou, à l’opposé, de la simple redéfinition de ses nouveaux contours ?

Modalités de soumission des propositions de communication

Les propositions de communications sont attendues pour le 5 septembre 2019. Elles comprendront une présentation succincte du(es) participant(s) ainsi qu’un résumé de 300 mots accompagné de 5 mots-clés. Les propositions sont à envoyer aux adresses suivantes : mousodom@gmail.com et thierrynicolas@wanadoo.fr

Lieu du colloque

Université de Guyane, Campus de Troubiran, Cayenne.

Date du colloque

5-6 décembre 2019

Organisation

  • Thierry NICOLAS, Maître de conférences en géographie, Laboratoire MINEA (EA 7485), Université de Guyane (contact : thierrynicolas@wanadoo.fr)

Comité scientifique

  • Wilfrid BERTILE, Docteur d’Etat ès Lettres et Sciences humaines, Agrégé de géographie, Ancien secrétaire général de la Commission de l’Océan Indien, La Réunion
  • Jacques DUMONT, Professeur d’histoire contemporaine, Directeur du laboratoire AIHP-Geode Caraïbe, Université des Antilles, Guadeloupe
  • Maude ELFORT, Maître de conférences HDR en droit public, Université de Guyane
  • Isabelle HIDAIR, Maître de conférences HDR en anthropologie, Université de Guyane
  • Jean-Michel JAUZE, Professeur de géographie, Doyen de la faculté de Lettres et Sciences Humaines, Université de la Réunion
  • Jean MOOMOU, Maître de conférences en histoire, Université des Antilles, Guadeloupe
  • Frédéric REGENT, Maître de conférences HDR en histoire moderne, Président du CPMHE, Université Paris-I Panthéon-Sorbonne.
  • Fred RENO, Professeur de science politique, Directeur du CAGI (LC2S), Université des Antilles, Guadeloupe

Références bibliographiques

Baulaigue M., 2018, « Tensions à l’île de la Réunion : la puissance populaire des gilets jaunes », Sociétés, n° 141, p. 133- 139.

Blanchy S., Riccio D., Roinsard N., Sakoyan J., 2019, « Mayotte : de quoi la violence est-elle le nom ? », Plein droit, n° 120, p. 12-15

Daniel J., 2009, « La crise sociale aux Antilles françaises », EchoGéo , Sur le Vif, URL : http://journals.openedition.org/echogeo/11117

Mam Lam Fouck S.,  Moomou J., 2017, « Les racines de la « mobilisation » de mars/avril 2017 en Guyane », Amerika, URL : http://journals.openedition.org/amerika/7872

Monza R., 2009, « Géopolitique de la crise guadeloupéenne : crise sociale et/ou postcoloniale ? », Hérodote, n° 135, p.170-197.

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