CfP: Migrations interdiscursives : penser la circulation des idées

Call for papers, deadline 1 February 2020 (in French)

Cette journée d’étude interdisciplinaire aura lieu le lundi 27 avril 2020 à l'université du Québec à Montréal.

Argumentaire

Certaines idées, en raison de leur plasticité, se sont prêtées à des déplacements conceptuels qui permettent d’éclairer la dynamique des discours (entendus ici comme systèmes de concepts grâce auxquels on prétend exprimer et exercer un savoir à propos d'un objet réel), la façon dont ceux-ci interagissent les uns avec les autres, voire les uns contre les autres, afin de définir leur objet propre. L’idée qui passe d’un domaine discursif à un autre transporte en effet avec elle un ensemble d’associations, de connotations, d’images, de valeurs, qui vient féconder le champ d’expérience et de pensée qui se l’approprie. La notion de trace du domaine d’origine est à cet égard essentielle. Elle fait intervenir l’idée qu’il y aurait des « interférences » entre les discours alors que l’idée ou la notion qui a migré porte en elle ses significations antérieures qui sont toujours susceptibles de refaire surface à l’occasion de la nouvelle mise en discours. Il importe alors d’appréhender comment une notion ou un ensemble de notions se déterritorialise de son contexte d’origine pour se reterritorialiser dans un autre.

Au cours de cette journée d'étude, nous aimerions ainsi vous inviter à vous pencher sur ce phénomène largement répandu dans la pensée ancienne et moderne (cf. Bercot and Erman, Transferts de concepts : d’un savoir à l’autre, 2006), et que l’on pourrait nommer migration interdiscursive. Il s'agira donc de réfléchir à la perméabilité des frontières qui séparent les différents domaines du savoir en pensant les champ de provenance et les champ d’appartenance d’une idée, en se demandant quand finit le transfert, quand s’achève le voyage. Par ailleurs, il faut comprendre ce qui permet et motive le transfert, puis analyser en retour comment cela affecte le discours d'accueil et comment cette migration est susceptible de transformer l’objet même de ce discours. Il s’agit en somme de penser la circulation des idées.

Par exemple, la notion d’autopsie remonte au moins à Dioscoride (De materia medica, 50-70), chez qui elle désigne l’observation directe, mais dont la forme autoptes se trouve déjà chez Hérodote (Histoires, livre 8, chap. 79 et passim, Ve siècle a.v. J.-C.) pour parler du témoin oculaire. Comment comprendre qu’elle désigne ensuite non seulement l’initié qui voit le dieu en face au terme de son initiation, mais aussi le sujet même de l’Apocalypse chez des historiens des religions ultérieurs ? Peut-être faut-il voir dans la valeur testimoniale de l’idée d’autopsie la voie de traverse entre le domaine historique et le domaine religieux. Ainsi, d’une part, dans trois domaines majeurs de la tradition ancienne (l’historiographie, la religion et la médecine), on peut constater au moyen de cette idée particulière l’articulation de leurs régimes épistémologiques et, d’autre part, la façon dont elle a pu s’imposer comme procédé de véridiction. Car dans ces trois domaines d’enquête, l’autopsie est au fondement de la découverte de la vérité et de sa validation. Il s’agit chaque fois bien sûr d’une observation liée au regard personnel, mais distanciée et produisant une vérité à valeur générale : la certitude historique fondée sur le témoignage de première main; la vérité spirituelle de l’initié, considérée par les autres comme indiscutable quoique ésotérique; le savoir du médecin qui travaille à éliminer toute médiation.

Dès lors, nous aimerions que cette journée d'étude soit un espace ouvert. Elle pourrait accueillir des réflexions théoriques sur le phénomène de la migration des idées ou des études de cas, à l’instar de celle que nous avons proposée à titre d’exemple. Nous aimerions qu’elle constitue le lieu d’une collaboration interdisciplinaire, réunissant aussi bien des spécialistes de l’histoire, de l’histoire de l’art, de la médecine et de la philosophie que des lettres.

Conditions de soumission

L’événement se tiendra à la salle DR-200 de l’Université du Québec à Montréal, le lundi 27 avril 2020.

Les communications, de 20 à 25 minutes, devront être inédites et en français ou en anglais. Les propositions de communication (titre et résumé de 250 mots, avec une courte biobibliographie mentionnant l’université d’attache, le sujet des recherches et les publications, s’il y a lieu) devront être envoyées

avant le 1er février 2020 (23h59)

à l’adresse suivante : migrationsinterdiscursives@gmail.com. Merci d’indiquer en objet : Nom, prénom, titre de la proposition.

Comité scientifique et d'organisation

  • Marie-Pierre Krück (Chercheure de collège et professeure, Collège de Maisonneuve)
  • Savannah Kocevar (Université de Lorraine/Université du Québec à Montréal)
  • Émilie Bauduin (Université du Québec à Montréal)
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