CfP: Interroger la construction des politiques migratoires africaines

Call for papers, deadline 15 November 2020 (in French)

16-17 septembre 2021, IMERA, Marseille

 

La multiplication, ces dernières années, des terrains et des recherches sur les contrôles migratoires en Afrique méditerranéenne et sahélienne (Gaibazzi, Bellagamba, Dünnwald 2017) peut être associée à l’intérêt scientifique grandissant pour la question de « l’externalisation » (Guiraudon 2002, Boswell 2003, Gammeltoft-Hansen 2006, Balzacq 2009) dans l’analyse des constructions des politiques migratoires sur le continent associées à l’action européenne dans ce domaine. Si ce concept clé pour la société civile européenne (Migreurop 2006) s’avère particulièrement pertinent pour penser les processus de transformation des droits, des normes et des pratiques en lien avec la migration, il trouve aussi ses limites face à certaines réalités empiriques et théoriques. Outre l’approche euro-centrée qu’il implique, il formule le postulat théorique que les Etats tiers, notamment africains, seraient des entités homogènes et des réceptacles passifs, subissant une imposition et des transferts normatifs de la part d’autres entités comme l’Union Européenne, ses États membres et certaines organisations internationales. Ce concept occulte, de ce fait, l’existence de dynamiques politiques et sociales propres aux États africains, se saisissant, selon leurs propres agendas, des opportunités diverses qu’offre l’ensemble de ces coopérations et acteurs « externes » dans les domaines migratoire (Cassarino 2018, El Qadim 2018, Perrin 2020) mais aussi sécuritaire (Frowd 2018) ou démocratique. Ainsi, les pressions et les influences internationales (Geiger et Pécoud 2010) sur la construction des politiques migratoires africaines s’enchâssent à des stratégies d’acteurs étatiques et non-étatiques, aux échelles régionale, nationale et locale, qui s’inscrivent dans de nouveaux paradigmes en vue de se (re)légitimer, d’en faire une ressource, ou de se repositionner. Les dynamiques internationales s’insèrent ainsi dans des contextes à variables multiples – qu’elles soient d’ordre social, identitaire (Bensaâd 2009), politique - et dans des pratiques mobilitaires et administratives qui les nourrissent et les orientent.

Ce colloque invite à un changement de regard, donnant aux acteurs africains une place prépondérante dans l’observation, par le monde scientifique, des constructions des politiques migratoires. En croisant diverses disciplines et échelles d’analyse, il cherche à questionner la manière dont les dynamiques « extérieures » en matière de migration rencontrent les « terrains » sociaux et politiques africains (Rottenburg, Behrends, Park 2014), mais aussi à repenser la frontière entre ce qui peut être considéré comme externe au continent et ce qui relève de l’«endogène » dans la construction de politiques migratoires.

Ce colloque entend interroger deux échelles de rencontre de ces dynamiques :

La première journée du colloque sera consacrée à l’analyse d’une première échelle, étatique, où seront interrogées les capacités des États africains à négocier, malgré l’asymétrie des rapports de force, les accords et les options en matière migratoire (Infantino 2019), et où pourra apparaître la construction de stratégies diplomatiques et politiques à partir des injonctions internationales et des contextes régionaux. C’est à cette échelle que pourra aussi être discuté l’effet de cette rencontre de dynamiques sur les États dont les prérogatives régaliennes et la souveraineté territoriale peuvent se voir paradoxalement renforcées, parfois à l’insu et au détriment de leur population, tandis que se renouvelle leur légitimité dans la région ou à l’international. En l’occurrence, Amitav Acharya (2004) a bien démontré comment certains États peuvent être en mesure de réajuster localement les normes et pratiques importées de l’extérieur, d’une part, et altérer, à leur avantage, la teneur de leurs relations extérieures, d’autre part.

La seconde journée sera, elle, consacrée à l’analyse de l’échelle infra- ou trans-étatique. Nous questionnerons des espaces localisés où peuvent s’analyser des processus d’adhésion, ou encore des modes de (ré)appropriation, de (re)légitimation et d’inertie que produisent les injonctions internationales en matière de gestion des migrations. Il s’agira notamment de voir dans quelle mesure les institutions (judiciaires, politiques, policières) et les sociétés civiles s’en trouvent modifiées, d’analyser leur impact sur les pratiques de mobilités des migrant.e.s et plus largement, comment cette échelle d’interaction reconfigure les rapports sociaux et politiques internes et transnationaux.

De manière transversale, nous proposons d’analyser de quelle manière ces rencontres de dynamiques sont productrices de « marchés » de la migration (Andersson 2004, Gammeltoft-Hansen 2006), structurés autour de ressources financières ou symboliques mobilisées par les organisations internationales, non-gouvernementales et les entreprises privées autour de l’assistance et la coopération dans la gestion des migrations.

Enfin, ce colloque sera aussi l’occasion d’interroger les réalités et les ambitions d’une « approche africaine » des migrations (« Agenda africain pour les migrations »), d’explorer l’« africanité » souvent mise en exergue du rapport aux mobilités, et de penser les processus d’« africanisation » dans la construction de politiques migratoires et de pratiques dans l’appréhension des migrations.

Nous invitons les contributions susceptibles de s’inscrire dans ces axes de recherche, quelle que soit la discipline (droit, science politique, anthropologie, sociologie, géographie, histoire). Nous encourageons les chercheurs.se.s africain.e.s à soumettre leurs propositions.

Les participant.e.s discuteront de la possibilité d’une publication collective.

Modalités d'envoi des propositions

Pour soumettre une proposition de communication, veuillez envoyer un résumé (en français ou en anglais – max 500 mots), ainsi qu’une courte biographie (200 mots) indiquant votre rattachement

au plus tard le 15 novembre 2020

colloque.mig.africaines2021@gmail.com.

Précisez aussi vos lieux de départ et d’arrivée prévus. Les propositions seront examinées par le comité scientifique, qui communiquera sa décision au plus tard 15 janvier 2021.

Le colloque se déroulera en français et en anglais et nécessitera des compétences passives dans les deux langues.

Comité d'organisation

  • Sophie Bava (LPED, IRD-AMU - SoMuM),
  • Camille Cassarini (LPED, IRD-AMU),
  • Jean-Pierre Cassarino (Collège d’Europe, Varsovie),
  • Chloé Chatelin (SoMuM),
  • Alizée Dauchy (IEE, USL Bruxelles),
  • Delphine Perrin (LPED, IRD-AMU).
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