La crise sanitaire provoquée par la Covid-19 a révélé et accentué d’importantes inégalités sociales liées à la classe, au genre et à la race, et ce notamment dans de nombreux pays occidentaux. Ces inégalités mettent à l’épreuve les modèles politiques démocratiques et libéraux et permettent aussi de reposer la question de la solidarité à de nouveaux frais. L’insoutenable aggravation des inégalités en période de crise place en effet les intellectuel·le·s face à un défi que nous nous proposons de relever avec ce dossier : penser la solidarité au-delà de l’urgence.
Argumentaire
La crise sanitaire provoquée par la Covid-19 a révélé et accentué d’importantes inégalités sociales liées à la classe, au genre et à la race, et ce notamment dans de nombreux pays occidentaux. Ces inégalités mettent à l’épreuve les modèles politiques démocratiques et libéraux et permettent aussi de reposer la question de la solidarité à de nouveaux frais. L’insoutenable aggravation des inégalités en période de crise place en effet les intellectuel·le·s face à un défi que nous nous proposons de relever avec ce dossier Eurostudia : penser la solidarité au-delà de l’urgence.
Dans ce contexte particulier, la solidarité fait partie intégrante des discours et des pratiques politiques. Au sein de la communauté académique, celle-ci reste toutefois controversée, d’aucun·e·s considérant qu’elle tient plus de la figure rhétorique (Wilde 2007, 171) que du principe doté de fondements théoriques solides (Alexander 2014; Reynolds 2014; Scholz 2008). Cela est notamment lié à la définition même de la solidarité, qui échappe largement aux tentatives de clarification conceptuelle (Blais 2007, 10). Celle-ci est ainsi souvent confondue avec l’État-providence, sans que ces deux concepts soient interrogés séparément (Kymlicka 2015, 8). Pourtant, le pouvoir heuristique de la solidarité est plus étendu et permet de questionner dans un même geste les frontières de la communauté politique et la façon dont les humains organisent leur interdépendance au-delà du cadre de l’État-nation.
Ces dernières décennies ont notamment montré la capacité d’empouvoirement de la solidarité lorsqu’elle est mobilisée dans les luttes de groupes minoritaires. On peut penser aux travaux sur la solidarité agonistique (Mouffe, 1995, 1999, 2000, Kolers, 2012), à la solidarité transraciale et transnationale évoquée par Franz Fanon comme pratique anticoloniale (Fanon 1969, 2001) ou au concept de négritude d’Aimé Césaire (1956). Il est également possible d’évoquer la façon dont certain·e·s féministes ont activé la solidarité dans le but de créer des forces politiques elles aussi transnationales pour lutter contre une oppression commune (Gallegos 2017; Kang 2008; Talpade 2003).
Avec ce dossier spécial, nous souhaitons créer les conditions d’un dialogue transatlantique en sciences sociales dans une perspective interdisciplinaire croisant interrogations relatives à la notion en elle-même et réflexions autour de la manière dont celle-ci s’incarne dans des configurations sociales particulières. La solidarité y sera comprise de manière large, bien que les angles théoriques et politiques soient privilégiés. Parmi les formes de solidarité qui retiendront notre attention, deux en particulier seront mises en lumière : le revenu universel et la solidarité multiculturelle.
Nous souhaitons enfin proposer ces autres pistes de réflexion aux futur·e·s contributeur·trice·s :
- Le « quoi » de la solidarité : Est-il possible de s’entendre sur une définition de la solidarité permettant d’éclairer les enjeux contemporains liés à la justice, la démocratie et l’égalité ? Que nous dit une analyse du concept de solidarité depuis la perspective du genre ou de la race en plus ou à la place de celle de la classe ?
- Le « pourquoi » ou le « pourquoi pas » de la solidarité : Quels sont les principaux registres de justification de la solidarité ? Quels sont les arguments employés par les forces sociales ou politiques, institutionnelles ou non, qui prétendent porter la solidarité ou au contraire qui s’y opposent ? Dans quel cadre (national ou non national) se situent-elles ?
- Le « pour quoi » de la solidarité : Quels sont les principes normatifs que la solidarité peut et doit mettre en œuvre ? La solidarité doit-elle se cantonner aux mécanismes de redistribution des ressources matérielles en vue d’une réduction des inégalités économiques ? Que nous dit la solidarité de notre rapport à la diversité ? Peut-on penser une solidarité inclusive et multiculturelle (Banting et al. 2019; Kymlicka 1995, 2015; Kymlicka et Banting 2006) ?
- Le « comment » de la solidarité : Comment réaliser la solidarité ? Par exemple, comment les pressions structurelles que subissent les différents systèmes de protection sociale impactent-t-elles notre façon de mettre en œuvre la solidarité (Kersbergen et Vis 2013, 123‐36) ? Depuis cette perspective, on peut également penser aux pratiques et aux discours produits dans les champs militants et artistiques qui participent à l’effort de théorisation. Ces questions portent donc sur l’espace à l’intérieur duquel se déploie la solidarité et invitent à ouvrir le débat scientifique sur des pratiques telles que les réunions en non-mixité ou les combinaisons d’outils distributifs avec des pratiques de reconnaissance.
Conditions de soumission
Pour soumettre une proposition, faites-nous parvenir les éléments suivants au format word ou pdf :
-
Un résumé anonymisé de votre contribution de 500 mots maximum. Celui-ci devra comporter un titre et pourra être accompagné d’une bibliographie indicative dans la limite d’une page;
-
Dans un fichier séparé, indiquez vos noms, prénoms, adresse mail ainsi qu’une courte présentation bio-bibliographique.
Date limite d’envoi : 15 octobre 2021
Les documents sont à envoyer en un seul mail à l’adresse suivante : eurostudia.udem@gmail.com
Responsables scientifiques du numéro
- Tristan Boursier
- Mathilde Ducros
Présentation de la revue
Eurostudia (https://www.erudit.org/fr/) est la revue du Centre canadien d'études allemandes et européennes de l'Université de Montréal (CCÉAE). Sa mission est de soutenir une conversation transatlantique et un échange en sciences humaines et sociales entre l'Allemagne/l'Europe et le Québec/le Canada/l'Amérique du Nord. Subventionnée par l’Office allemand d’échanges universitaires (DAAD), la revue est publiée annuellement depuis 2005. Toutes les contributions sont évaluées par les pairs. En tant qu'outil de diffusion du CCÉAE sur la plateforme en libre accès érudit, Eurostudia mobilise des contenus scientifiques et créatifs en trois langues : français, allemand et anglais.