CfP: Critique du cinéma : cinéma et marxisme

Call for papers, deadline 12 January 2022 (in French)

Le colloque international « Critique du cinéma : cinéma et marxisme », dirigé par Valérie Vignaux et Sébastien Layerle clôt les recherches menées au sein de l’axe « cinéma » du programme RIN – Des critiques (2019-2022), soutenu par la Région Normandie.

Ce programme RIN dont l’intitulé est « Des critiques : frontières et dialogues des discours critiques et des champs disciplinaires » a, au cours de ces trois années, interrogé la critique selon quatre directions essentielles : comment elle engage des critères d’évaluation esthétique, comment elle s’érige en genre littéraire, s’élabore en critique sociale et permet un discours historique sur les œuvres. Dirigé par Julie Anselmini et Valérie Vignaux, il a été conçu afin de mener conjointement une réflexion transversale, associant enseignants- chercheurs en philosophie, littérature, sociologie et études cinématographiques, et réflexions disciplinaires, afin d’interroger les vertus heuristiques du concept de « critique ». Il a été mené en partenariat avec François Bordes de l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine et avec Marianne Bouchardon, Philippe Chanial, Maud Pouradier et Vassili Rivron, enseignants chercheurs des universités de Caen et Rouen, rejoints par Simon Lanot, post- doctorant et Bernard Petigas, ingénieur d’étude.

Le colloque international intitulé « Critique du cinéma : cinéma et marxisme – pensées, formes, engagements » n’est pas une manifestation militante, c’est un espace théorique afin d’envisager à l’aune des importantes recherches menées ces dernières années, les relations entretenues par le cinéma avec le marxisme, en tant qu’il est une compréhension critique du spectacle des images animées. Si, en 2013, on pouvait encore s’étonner avec Isabelle Gouarné : « du peu de recherches menées en histoire des sciences humaines sur la pensée marxiste, alors même que son ancrage fut durable en France et qu’on a pu affirmer, mais rarement démontrer, son hégémonie après la Seconde Guerre mondiale », la situation en études cinématographiques est aujourd’hui bien différente. Aux articles et ouvrages pionniers ont succédé des thèses de référence tandis que nombre de films qui hier encore étaient inconnus sont dorénavant numérisés et valorisés par les institutions conservatrices. Recherches qu’on souhaiterait au cours de ce colloque confronter ou associer afin de penser le cinéma à partir de catégories dont les enjeux épistémologiques sont encore peu examinés, à savoir le collectif plutôt que l’auteur ; le non commercial plutôt que le commercial ; l’amateur plutôt que le professionnel ; le mineur plutôt que le majeur ; le réel ou le didactique plutôt que le fictif ; l’international dans ses relations au national, etc.

Le cinéma en tant que dispositif spectaculaire a, tout au long de son histoire, été réfléchi et critiqué par des théoriciens et des cinéastes marxistes, attachés à désigner et dénoncer, mais aussi à inventer d’autres modalités d’écriture, de réalisation ou de diffusion des œuvres filmiques. Une pensée du cinéma qui réfute le star-system, qui ne réduit pas l’expérience cinématographique au commerce des films en salles, et qui surtout entend placer le cinéma, en tant qu’il est une technique d’enregistrement, dans ses responsabilités avec l’histoire au temps présent. La production d’œuvres filmiques engagées ou l’essor de groupements militants employant le cinéma ont en effet, été le plus souvent concomitants des grands moments de l’histoire sociale et politique du XXe siècle, qu’il s’agisse du Front populaire, de la Guerre d’Espagne, de la Guerre froide, de Mai 68 ou de la Guerre du Vietnam... Dès lors, envisager les relations entretenues par le cinéma avec le marxisme conduit nécessairement à s’intéresser aux formes de l’engagement, qu’il soit social et/ou partisan à la suite de l’adhésion au communisme, à travers la production, la réalisation ou la diffusion d’œuvres filmiques, en s’intéressant aux procédures, aux gestes et aux dispositifs dans leurs spécificités critiques. Comme le rappelle Edgar Morin, qui fut théoricien du cinéma comme fait social, cinéaste et exclu du Parti communiste en 1950, on ne saurait dans une compréhension marxiste des faits, dissocier théorie et pratique. Dans Autocritique, paru en 1959, il le décrit en ces termes : « Je voudrais que le lecteur non indifférent aux mots de communisme, marxisme, révolution, science de l’homme, puisse trouver, dans l’essai qu’il va lire, une incitation à cette dialectique qui tente de transformer la vie en expérience, l’expérience en science, la science en action, l’action en vie et ainsi de suite, à l’infini... ».

Trois axes de réflexions ont donc été privilégiés : le premier est théorique, il s’attache à l’étude des théoriciens à partir des textes, ouvrages, critiques ou revues ; le second est filmique, il porte sur les œuvres cinématographiques elles-mêmes : filmographies de cinéastes, ou corpus d’œuvres empruntées à des collectifs, ou développés en relation avec des moments sociétaux ou politiques; le troisième est anthropologique, il s’intéresse aux transformations sociales et politiques induites par les dispositifs de production, de réalisation ou de monstration.

1) Pensées marxistes du cinéma : théoriciens, critiques, revues

Les communications pourront porter sur des théoriciens dont l’assentiment au marxisme est connu, tels Barthélémy Amengual, Guido Aristarco, Béla Balázs, Raymond Borde, Guy Hennebelle, Siegfried Kracauer, Edgar Morin, Léon Moussinac, Jacques Rancière, Georges Sadoul, Paulo Emilio Sales Gomes, théoriciens envisagés à l’aune des revues où ils officient ou au regard de leurs ouvrages. On s’intéressera aux revues elles-mêmes, en tant qu’elles se constituent comme des instances politiques en lien ou non avec des contextes historiques données (la Guerre froide, Mai 68, etc.), tels La Nouvelle Critique ; Cinéthique ; Les Cahiers du cinéma, Les Temps modernes, etc. Quels sont les discours sur le cinéma véhiculés par les penseurs marxistes ? Quels sont les concepts privilégiés et leur opérativité : cinéma social, réalisme, distanciation, émancipation des spectateurs, etc. Quelles sont les méthodes employées : prévalence de l’histoire ; critiques des idéologies ; étude des stéréotypes, etc. Existe-t-il une critique engagée ? Peut-on définir à partir des textes ce que serait une compréhension marxiste du cinéma ?

2) Cinéastes et films

Si les liens entretenus par des cinéastes français dits « classiques » avec le Parti communiste sont connus, tels Louis Daquin, Jean-Paul Le Chanois ou Jean Grémillon, leurs œuvres n’ont que peu été envisagées à l’aune de leurs convictions ou engagements. D’importants travaux ont été consacrés aux engagements de Jean-Luc Godard, Chris Marker ou René Vautier, ou encore à des films fameux comme Loin du Vietnam (collectif, dirigé par Chris Marker, 1967), ils pourraient être associés à d’autres recherches plus récentes ou en cours, concernant des documentaristes, à l’instar de Roman Karmen, Joris Ivens ou Robert Kramer. On pourrait s’intéresser aux formes déployées par ces œuvres entre documentaire et fiction, entre didactisme et témoignage. On pourrait également revenir sur les films des années 1980 et regroupés par la critique sous l’intitulé « fictions de gauche », on songe en particulier aux œuvres de Costa-Gavras, en s’intéressant à leurs contextes de réalisations ou de réceptions.

3) Collectifs et œuvres collectives

Les recherches sur les collectifs ont là aussi, largement été développés, comme en témoignent les ouvrages ou articles récents sur Le Cinéma du Peuple, Ciné-Liberté, les Groupes Medvedkine, Dziga Vertov, CinéLuttes, Slon-Iskra, recherches qui ont éclairé les actions filmiques de ces collectifs, en dehors des circuits commerciaux, afin d’éviter les censures ou pour favoriser d’autres modes de rencontres avec les publics. Dans ce cadre, on aimerait associer à des contributions portant sur ces groupements, d’autres sur des collectifs moins connus, comme le Groupe Jean Vigo formé par des instituteurs, ou issus de minorités genrées, régionales ou sociales, groupements qui peuvent être aussi étrangers, avec Film and Photo Leagues, NYKino, and Frontier Films aux États-Unis, ou en Italie. On pourra interroger les raisons qui conduisirent à préférer le commun à l’individuel, quels paradigmes théoriques ou créatifs sont induits par le collectif ? Et, comment la notion d’« auteur » qui a longtemps prévalu dans les études cinématographiques a empêché de penser et d’intégrer les collectifs aux histoires du cinéma ?

Le colloque aura lieu les 4, 5 et 6 avril 2022 à l’Université de Caen et à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine.

Modalités de soumission

Les propositions de communication (3000 signes environ), ainsi qu’une courte bio-bibliographie sont à adresser par mail aux organisateurs avant le 12 janvier 2022.

Contacts :

Comité d’organisation

Valérie Vignaux et Sébastien Layerle.

Université de Caen (LASLAR) / Université Sorbonne nouvelle (IRCAV) Institut Mémoires de l’édition contemporaine.

Comité scientifique

  • Jean-Pierre Bertin-Maghit (Université Sorbonne nouvelle),
  • Nicole Brenez (Université Sorbonne nouvelle),
  • Sébastien Layerle (Université Sorbonne nouvelle),
  • Sylvie Lindeperg (Université Paris 1),
  • Michel Marie (Université Sorbonne nouvelle),
  • Valérie Vignaux (Université de Caen).
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