En occasion du bicentenaire de la proclamation de l’indépendance du Brésil advenue le 7 septembre 1822, nous proposons d’organiser une journée d’études qui portera sur la production intellectuelle des auteurs réunis sous l’étiquette de « Théorie de la dépendance ». Par cette initiative, nous voulons interroger la situation du Brésil contemporain, deux cents ans après son émancipation politique, à partir des travaux d’auteurs qui soulignaient l’impossibilité de comprendre l’histoire contemporaine de l’Amérique latine sans prendre en compte l’ordre international structuré par le processus d’expansion coloniale propre à l’époque moderne et contemporaine. L’objet scientifique autour duquel nous souhaitons réunir des chercheurs et chercheuses de différents pays est donc la production intellectuelle des auteurs dits dependentistas dont la trajectoire personnelle est liée à l’histoire brésilienne du second XXe siècle (par exemple : Fernando Henrique Cardoso, Andre Gunder Frank, Theotônio dos Santos, Vania Bambirra, Rui Mauro Marini, Celso Furtado, Florestan Fernandes).
L’une des principales idées que nous ont légués ces auteurs, et qui se trouve à la base de l’ensemble de leur production, est qu’il est impossible de comprendre le processus de développement dans les pays latino-américains sans faire référence au contexte historique particulier (passé et présent) structuré par les relations entre centre et périphérie du système capitaliste global. En s’appropriant de manière critique des idées développées par les économistes de « l’école structuraliste » (KAY, 1989), le auteurs dependentistas considéraient que le sous-développement était plus qu’un simple retard par rapport aux pays développées qu’il aurait été possible de combler par un ensemble d’initiatives politiques et économiques de la part des gouvernements des pays latino-américains. Pour eux, il était d’abord le trait spécifique propre aux pays qui occupaient une place périphérique dans le système capitaliste mondial issu de l’expansion des pays européens à l’époque coloniale. Pour reprendre les mots de Fernando Henrique Cardoso et Enzo Faletto dans leur ouvrage sur la dépendance publié pour la première fois en 1969 au Mexique, « la situation de sous-développement est apparue avec le capitalisme commercial puis l’extension du capitalisme industriel dans les économies non industrialisées […]. Ainsi, il y a, parmi les économies développées et sous-développés une différence non seulement d’étape ou d’état du système productif, mais aussi des différences de fonctions et de positions à l’intérieur même de la structure économique internationale de production et de distribution. » (CARDOSO & FALETTO, 1978, p.40)
Les réflexions développées par les auteurs rattaché à la « Théorie de la dépendance », mouvement intellectuel hétérogène sous lequel on peut réunir des auteurs différents selon les interprétations postérieures (C.f BRESSER-PEREIRA, 2010; CHILCOTE, 1974; KAY, 1989 ; LOVE, 1998), ont connu un succès considérable en Amérique latine comme dans d’autres pays du monde au point d’être considérées l’une des principales contributions intellectuelles d’auteurs latino-américains. Elles ont circulé au cours des années 1970 et ont été discutées par des nombreux auteurs autour du monde (RUVITUSO, 2020; VALDÉS & ORELLANA, 2009). Elles ont eu un impact important sur la manière de penser le développement dans les pays périphériques en tissant des liens entre passé colonial, sous-développement et organisation du système capitaliste internationale ; et donc entre les différents pays du Tiers monde (GUERRA, 2001; LEMPERIERE, 2004). Elles ont nourri d’autres courants de pensée critiques par rapport à l’organisation internationale d’origine coloniale et aux relations de domination d’ordre politique, social, économique et culturel. Elles ont enfin mis l’accent sur les relations de dominations internes aux sociétés sous-développés et les articulations complexes entres élites économiques et politiques latino-américaines et système capitaliste global. Ce sont quelques-unes de ces différentes questions que nous voudrions aborder lors de notre journée d’études.
Modalités de contribution
Envoyer une proposition (max 500 mots) et une courte présentation biographique à l’adresse mail : theoriedependance2022@gmail.com
avant le 15 /09/2022.
Comité d’organisation
- Florès Giorgini (CREDA-UMR7227 - Sorbonne Nouvelle (IHEAL), Universidade de São Paulo),
- Paulo Iumatti (CREPAL - Sorbonne Nouvelle),
- Ian William Merkel (Freie Universität Berlin).
Bibliographie indicative
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Magnus Blomström et Björn Hettne, Development theory in transition. The dependency debate and beyond: Third world responses, 2e éd., Londres, Zed Books, 1984.
Luiz Carlos Bresser-Pereira, « As três interpretações da dependência », Perspectivas, 38, 2010, p. 17‑48.
Fernando Henrique Cardoso, « Notas sobre o estado atual dos estudos sobre dependência », Cadernos CEBRAP, 11, 1973, p. 30‑73.
-------------------, As idéias e seu lugar: ensaios sobre as teorias do desenvolvimento, Petrópolis, Brésil, Editora Vozes, 1993.
Fernando Henrique Cardoso et Enzo Faletto, Dépendance et développement en Amérique latine, trad. fr. Annie Morvan, 1ère., Paris, Presses universitaires de France, 1978.
Ronald H. Chilcote, « Dependency: A critical synthesis of the literature », Latin American Perspectives, 1-1, 1974, p. 4‑29.
Theotonio Dos Santos, « The Structure of Dependence », The American Economic Review, 60-2, 1970, p. 231‑236.
André Gunder Frank, Capitalisme et sous-développement en Amérique latine, trad. fr. Christos Passadéos, Paris, Maspero, 1968.
Afrânio Garcia Jr, « Circulation internationale et formation d’une “ecole de pensee” latino-americaine (1945-2000) », Social Science Information, 44-2‑3, 2005, p. 521‑555.
François-Xavier Guerra, « L’Euroamérique : constitution et perceptions d’un espace culturel commun », Paris, Organisation des Nations Unies, 2001, vol. 1.
Cristóbal Kay, Latin American theories of development and underdevelopment, London, New York, Routledge, 1989.
Annick Lempérière, « La “cuestión colonial” », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, Debates, 2004, p. 1‑17.
Joseph L. Love, A Construção do Terceiro Mundo, Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1998.
João Quartim de Moraes, « O estatuto teórico da noção de dependência », Crítica Marxista, 31, 2010, p. 23‑36.
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