'Extrême'? Identités partisanes et stigmatisation des gauches

CFP: colloque, Rouen, printemps 2011

Projet de colloque du GHRis-Université de Rouen
Responsables : Michel Biard, Paul Pasteur, Pascal Dupuy
Date envisagée : printemps 2011

"Extrême"? Identités partisanes et stigmatisation des gauches en Europe (XVIIIe -XXe siècle)

Dans les grands dictionnaires qui entendent fixer les subtilités de la langue française à la fin du XVIIe siècle, "extrême" possède plusieurs sens, dont deux retiendront notre attention. Tout d'abord, le Dictionnaire de Furetière (1690) note : "Ce qui est le dernier en quelque chose, ce qui la finit, qui la termine. On ne saurait aller d'un extrême à l'autre sans passer par le milieu". Dans quelque espace que ce soit, ou à terme sur un échiquier politique, la notion d'"extrême" apparaît donc indissolublement liée à celle de "milieu", ce centre étant perçu comme fondamental de par sa position même entre les "extrêmes". Mais, ajoute Furetière, "extrême" signifie aussi violent au dernier point". L'idée de "violence" est ainsi également liée au mot dès l'origine. De son côté, dès sa première édition (1694), le Dictionnaire de l'Académie propose : "Il signifie aussi excessif, et se dit d'un homme qui ne garde aucune mesure, qui donne toujours dans l'excès". La sixième édition (1832-1835) ajoute : "Parti extrême, parti violent et hasardeux. Prendre un parti extrême. Il n'aime pas les partis extrêmes". Le mot "parti" désigne ici bien sûr un choix, une voie suivie, et non un groupe politique, toutefois il suffit alors de lui donner un autre sens ou/et d'ajouter un suffixe pour que la définition devienne ouvertement politique : "Extrémiste". Celui, celle qui est partisan des idées et des résolutions extrêmes. Il s'emploie surtout dans la langue politique. Le parti des extrémistes. Le groupe extrémiste (Dictionnaire de l'Académie, huitième édition, 1932-1935). Quant à lui, le Larousse universel introduit, en 1922, la notion d' "extrémiste" que le Robert à la fin du XXe siècle résume de la façon suivante : "Partisan d'une doctrine poussée jusqu'à ses limites, ses conséquences extrêmes". L'ensemble de ces définitions d'évidence interroge par leur flou et plus encore par la stigmatisation qu'elles impliquent.

Le présent projet de colloque entend proposer des pistes de réflexion sur ces définitions et les réalités qu'elles sous-tendent, du XVIIIe siècle à la fin du XXe siècle en Europe. Il va de soi qu'il ne s'agira en rien de proposer une histoire de tous les mouvements qui ont pu être considérés ou se considérer comme situés à l'"extrême" des mouvances et partis de gauche, à un moment ou à un autre, dans un pays ou un autre, ni de risquer une sorte de "liste" de ces mouvements.

Cinq thèmes prioritaires pourront faire l'objet d'une proposition de communication. Ces dernières sont à envoyées avant le 15 janvier 2010 à MB/PP et seront soumises à l'examen du comité scientifique du colloque :

  • Mots, concepts, usages
    Quel est le vocabulaire précis employé ? Comment varie-t-il d'un pays à l'autre, d'une langue à une autre (par exemple le mot "radical") ? Comment évolue-t-il au fil du temps (ainsi le mot "enragé") ? Les mots sont-ils là pour stigmatiser ? Se définit-on soi-même ainsi et existe-t-il même une fierté à se présenter comme tel ? La rhétorique suit-elle des modèles ? Par opposition à quel autre vocabulaire ces mots se définissent-ils ("modérés", "honnêtes gens", "centristes", "sages", "réformistes "etc.) ?
  • Les "groupes "ou "mouvances" perçus à un moment ou un autre, de façon épisodique ou pérenne, comme partie prenante des "extrêmes" à gauche de l'échiquier politique * Sont-ils considérés comme tels dès leur naissance ou est-ce le fruit d'un processus de radicalisation ? Se définissent-ils eux-mêmes comme tels ? Est-ce là le simple produit d'une stigmatisation ? Existe-t-il des phénomènes de réappropriation de l'"injure" politique ? Quels "déclassements" éventuels rendent possible un passage de la gauche à ses marges "extrêmes"?
  • Les pratiques
    Sont-ce celles-ci qui justement aboutissent au qualificatif d'"extrême" qui leur est attribué ? Quel est le rapport aux élections, au jeu parlementaire ? à la violence, le cas échéant à la clandestinité, voire à "l'acte terroriste"? Comment est envisagée une participation au pouvoir, ou la prise de celui-ci ? Ces pratiques sont-elles induites par le programme ou le résultat de la marginalisation de ces "groupes" ou "mouvances"? Sont-elles simplement une mise en œuvre d'idées et de prises de position politiques en elles-mêmes déjà "extrêmes"?
  • Les "représentations" de l'"extrême" * Quelles sont les représentations et caricatures de l'"enragé" et de l'"exagéré", voire du sans-culotte en général, pendant la Révolution française ? de l'"anarchiste", du bolchevique sanguinaire au couteau entre les dents ? On privilégiera ici l'iconographie, mais une place peut être faite à des descriptions d'autres natures, littéraires par exemple.
  • Le(s) discours de rejet et d'amalgame des "extrêmes" à gauche et à droite * Quels sont les moments privilégiés où peuvent être saisis ce(s) discours de rejet et d'amalgame, bien avant que des historiens et politologues ne glosent sur ce rapprochement, considéré désormais comme une sorte de vulgate ? Ainsi la France du Directoire connaît déjà un abrupt amalgame entre "bonnets rouges" et "bonnets blancs", "anarchistes" et "royalistes"; de même sous la République de Weimar, l'amalgame est permanent entre communistes et groupes d'"extrême-droite".

Planning :
Date printemps 2011, définition du programme printemps 2010, appel à communication septembre 2009, date butoir 15 janvier 2010 * Rédaction d'un projet écrit par Michel et Paul, puis amendements éventuels par Pascal.Soumission à Elisabeth Lalou et au GRHis.

Après acceptation, prise de contact avec l'ERIAC, et le cas échéant avec l'Université de Dijon.Formation d'un comité scientifique.

Appel à communication diffusé par les AHRF (+ site), l'AHMUF, Calenda, H-France.Examen des propositions reçues et établissement du programme (sur deux jours).Dossiers de financement et aspects pratiques.

Dr David Berry,
Senior Lecturer,
Department of Politics, History & International Relations, Loughborough University, LE113TU GB
+44(0)1509-222988
University & College Union, Loughborough University

Branch:
[url]http://www.lboro.ac.uk/orgs/laut/index.html[/url]
Association des Amis de Daniel Guérin:
[url]http://www.danielguerin.info/tiki-index.php[/url]