Employé·es et ouvrier·ères dans la formation professionnelle au XXe siècle
Pour tout renseignement : stephane.lembre@espe-lnf.fr
MERCREDI 23 MAI 2018 (09h00-17h30)
Journée organisée par Gérard Bodé (ENS de Lyon - LARHRA), Stéphane Lembré (ESPE Lille Nord de France - CREHS) et Marianne Thivend (Université Lyon 2 – LARHRA)
À partir de 09h00 Accueil à la Maison de la recherche de l’Université d’Artois
09h15-9h25 Mot d’accueil par le Professeur Charles GIRY-DELOISON, directeur du CREHS de l’université d’Artois
09h25-09h40 Mise en perspective de la journée
Session du matin
Présidence : Michel Pigenet
09h40-10h30Catherine OMNES, Université Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines - La métallurgie et l'apprentissage, entre discours et pratiques
Discutant : Michel PIGENET, Université Paris I - CHS
10h40-11h30Jan KELLERSOHN, Ruhr-Universität Bochum, Les politiques du savoir et la « crise » de l’avenir. La formation professionnelle minière en France et en Allemagne après 1945
Discutant : Gérard BODE, ENS de Lyon - LARHRA
11h30-12h20 Joachim BENET, Université de Poitiers - GRESCO, De l'enseignement post-scolaire agricole aux centres itinérants : les instituteurs dans l'enseignement agricole jusqu'aux années 1960
Discutant : Édouard LYNCH, Université Lyon II – LER.
12h30 – 14h Pause déjeuner
Session de l'après-midi
Présidence : Catherine Omnès
14h - 14h50 Antoine VERNET, Universités Lyon II et Paris-Sorbonne - Triangle, Connaître les apprenti.es à travers les procès-verbaux des examens du CAP (années 1920-1940) : première approche sur les apports et les limites d'une source
Discutant : Jean-François Condette, ESPE LNF - CREHS
14h50-15h40Arnaud PASSALACQUA, Université Paris Diderot - ICT, Ajusteurs et mécaniciens, tous les garçons s'appellent Michel : sur les traces des apprentis de la RATP
Discutant : Jean-François GREVET, ESPE LNF - CREHS
16h-16h50Laure MACHU, Université Paris Nanterre - IDHE.S, Les enquêtes de la JOC, quel regard sur les apprentis ?
Discutante : Marianne THIVEND, Université Lyon II - LARHRA
16h50-17h30 Discussion générale et conclusions très provisoires
L’histoire des enseignements techniques et professionnels, définis comme les institutions destinées à la transmission de savoirs et de savoir-faire à visée professionnelle, a progressé depuis un quart de siècle grâce à des inventaires et des monographies d’institutions à l’importance et à la pérennité très variables, et en soulignant l’ancienneté comme la diversité des initiatives et des promoteurs[1]. Malgré les enquêtes qui restent à mener au niveau local, on dispose désormais d’une bonne connaissance de la chronologie générale de ces enseignements dont le développement n’a jamais été parfaitement linéaire. Parmi les promoteurs de ceux-ci, le rôle des patrons et des organisations patronales a été souligné, tandis que plusieurs secteurs professionnels ont fait l’objet d’enquêtes précises[2].
Beaucoup reste à faire cependant pour comprendre les transformations de la formation au travail – incluant, à côté des institutions d’enseignement technique et professionnel, divers dispositifs d’apprentissage initiaux et continus –, à la rencontre de logiques techniques, économiques, culturelles ou politiques. Les professeurs et formateurs sont encore relativement mal connus, de même que les savoirs et savoir-faire mobilisés ou transmis.
Plus encore, les publics de la formation restent dans l’ombre. Or, dans ce dernier cas, la situation actuelle dans laquelle les élèves et apprentis de la filière professionnelle sont en situation de relégation dans le système éducatif pèse lourdement sur les représentations dominantes. Ce rapprochement devenu presque naturel entre la fréquentation de l’enseignement professionnel et l’échec scolaire, outre qu’il repose sur une schématisation qui masque la diversité des parcours, fait courir le risque de ne pas pouvoir comprendre les transformations de ces formations sur le temps long. En plaquant les analyses du présent sur les réalités du passé, on tend à opposer sans nuance les difficultés actuelles et les réussites anciennes, à l’image de la réussite professionnelle des anciens élèves des écoles d’arts et métiers au XIXe siècle ou de « l’âge d’or » qu’aurait représenté l’enseignement technique dans les années 1950, avant sa pleine intégration dans le système éducatif.
Ce projet de journée a pour objectif principal d’aborder les rapports entre mondes du travail et formation professionnelle, en cherchant à déplacer le regard vers les ouvriers et les employés, « élèves » de la formation professionnelle sous différents statuts (notamment avec ou sans contrat d’apprentissage[3]) et dans des conditions effectives qui restent très largement à explorer.
Dans cette perspective, plusieurs axes, non limitatifs, sont proposés à la réflexion :
- Une première piste possible consiste à rechercher les traces de la manière dont employé.e.s et ouvrier.ère.s ont envisagé la formation professionnelle, à la manière dont Xavier Vigna a récemment étudié un corpus d’écrits consacrés à la classe ouvrière[4].
- La question de l’alternance – pour employer un terme assurément anachronique avant les années 1980 – entre temps de formation et temps de travail est essentielle et constitue un deuxième axe. Encouragée par la loi Astier qui oblige les garçons et filles de 15 à 18 ans employés dans le commerce et l’industrie à suivre des cours professionnels sur leur temps de travail, l’association entre ces deux dimensions n’est en rien une nouveauté des lendemains de la Première Guerre mondiale. Elle renvoie à la fois au processus d’autonomisation de la formation à l’égard du travail, et aux tâtonnements anciens pour identifier les temps, les lieux et les modalités pertinents pour la formation au travail. À cet égard, les recherches historiques les plus récentes sur le temps de travail incitent à approfondir la réflexion en abordant la question de la formation[5].
- Un troisième axe, en lien avec le projet « Pour une histoire renouvelée des élèves[6] » concerne la connaissance des employé.e.s et ouvrier.ère.s en formation. Elle suppose d’identifier les archives – peu consultées dans cette perspective jusqu’à présent – les plus à même de fournir des informations sur le profil ou les motivations de celles et de ceux qui suivent des formations, que ce soit par choix ou par obligation. Comment ces « élèves » qui sont aussi de jeunes salarié.e.s en activité peuvent-ils s’investir dans des formations ? La question de la reconnaissance ou, plus largement, des conséquences en termes salariaux ou d’accélération de carrière, n’a guère été étudiée, probablement en raison de sa difficulté si l’on veut dépasser les parcours héroïques, quoiqu’avérés, d’anciens apprentis devenus chefs d’entreprise.
Cette journée s’inscrit dans la préparation d’un colloque international organisé en 2019 à l’occasion du centenaire de la loi Astier, et qui visera à éclairer les modalités de discussion et d’adoption de cette loi dont on fait souvent la véritable « charte » de l’enseignement technique en France, d’une part, et ses conséquences à court, moyen et long termes, d’autre part, en mettant le cas français en perspective grâce à des comparaisons internationales.
[1] Gérard Bodé et Philippe Savoie (dir.), L'Offre locale d'enseignement. Les formations techniques et intermédiaires XIXe-XXe siècles, Histoire de l'éducation, n°66, 1995 ; Stéphane Lembré, « L'histoire de l'enseignement technique et professionnel. Le poids de l'offre locale », dans Jean-François Condette et Marguerite Figeac-Monthus (dir.), Sur les traces du passé de l'éducation... Patrimoines et territoires de la recherche en éducation dans l'espace français, Pessac, Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, 2014, p. 273-281.
[2] Par exemple sur le bâtiment : Pierre Benoist, La formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics, 1950-1990, Paris, L’Harmattan, 2000 ; ou l’automobile : Nicolas Hatzfeld, « L’école d’apprentissage Peugeot. Une formation d’excellence », Formation-Emploi, n°27-28, 1989, p. 115-128 ; Emmanuel Quenson, L’école d’apprentissage Renault, 1919-1989, Paris, CNRS éd., 2001 ; Pierre Lamard, « Le paysage de la formation ouvrière chez Peugeot et Alsthom (1914-1970) », Cahiers de RECITS, n°10, 2014, p. 125-149 ; Nicolas Hatzfeld et Emmanuel Quenson, « Du métier au technique. Les évolutions d’une formation ouvrière dans les écoles d’entreprise de l’automobile (1919-1989) », Artefact, 3, 2015, p. 53-66.
[3] Voir notamment Claude Didry, « L’apprentissage à l’épreuve du droit du travail. De la socialisation familiale à la formation professionnelle (1851-1936) », Artefact, n°3, 2015, p. 39-52.
[4] Xavier Vigna, L'espoir et l'effroi. Luttes d'écriture et luttes de classes en France au XXe siècle, Paris, La Découverte, 2016.
[5] Corinne Maitte et Didier Terrier (dir.), Les temps du travail. Normes, pratiques, évolutions (XIVe-XIXe siècles), Rennes, PUR, 2014 ; et le programme de recherche TIME-US coordonné par Manuela Martini (Univ. Lyon 2 – LARHRA).
[6] Projet développé par l’axe « Histoire de l’éducation » du CREHS – Université d’Artois, sous l’impulsion de Jean-François Condette (COMUE Lille Nord de France - ESPE), à travers plusieurs journées d’étude tenues et à venir depuis octobre 2016.