CfP: Travailler à domicile : des chambrelans au télétravail

Call for papers, deadline 20 January 2019 (in French and Italian)

 

Journées d’études 27-28 juin, Rome

 

Association Française d’Histoire des Mondes du Travail- SocietàItaliana di Storia del LAVoro

 

L’AFHMT et la SISLav désirent lancer un programme de rencontres communes qui se dérouleront en 2019 et 2020 avec l’objectif d’ouvrir un dialogue historiographique et de stimuler la collaboration entre les adhérents des deux associations. La première rencontre se déroulera les 27 et 29 juin 2019 à Rome et aura comme thème le travail à domicile dans le temps long, du Moyen Âge à aujourd’hui, avec pour titre « Travail à domicile : des chambrelans au télétravail ». La seconde rencontre aura lieu à Paris en 2020. 

Dernièrement, les rapides transformations de l’économie et de la société, liées en particulier aux nouveaux moyens informatiques de communication (internet et télécommunications) ont contribué à reconfigurer les lieux, les espaces et les rapports de travail. Ce processus a concerné non seulement les ateliers externes des entreprises « en réseau », mais aussi les entreprises plus « centralisées », publiques ou privées, grâce au « télétravail » ou au travail « agile »[1]. Ce phénomène s’accompagne d’une plus grande flexibilité dans l’organisation, dans la modalité et dans les temps du travail. Cela peut permettre de concilier les exigences du travail avec celles de la famille et du soin, mais, d’autre part, cela peut aussi porter en certains cas à une intensification des rythmes et des temps de travail sans une claire définition entre l’espace « privé »/ « maison » et espace de travail, et donc entre la vie et le travail.

Si l’utilisation des instruments télématiques est bien sûr une nouveauté du XXesiècle, certains des problèmes liés à l’organisation du travail, au contrôle sur celui-ci, aux figures concernées et aux retombées en terme de rémunération et d’occupation ont sans aucun doute une longue durée historique et rappellent les formes de travail à domicile qui ont caractérisé les économies européennes et extra-européennes au moins depuis le Moyen Âge. 

Il est à ce propos utile de préciser que par travail « à domicile », nous entendons ici un travail confié aux travailleuses et travailleurs, sur commission ou directement, par des tiers et qui se déroule en large part[1] dans un lieu où le travailleur lui-même vit. En ce sens, le travail à domicile se différencie du travail « domestique » qui est au contraire effectué dans la maison de celui/celle qui donne le travail ou du travail non rémunéré dans le cadre de la maisonnée que nous ne prendront pas en compte ici. À l’intérieur de cette définition, on trouve ainsi les chambrelans[2]d’ancien régime, les travailleuses et ces travailleurs du sweating systemdu XIXesiècle jusqu’aux acteurs du télétravail contemporain (mais pas seulement).

Développer une analyse historique sur ce phénomène signifie observer les systèmes économiques et sociaux dans lesquels le travail à domicile s’est diffusé, en évaluant les conséquences en termes d’actions individuelles et collectives des travailleuses et des travailleurs. 

Trois axes d’étude ont été définis :

 

I Le travail à domicile, pourquoi ? 

La question peut sembler étrange si l’on se représente un monde du travail ancien dominé par la figure de l’artisan travaillant chez lui, dans ce qui est à la fois une boutique et bien souvent un domicile, entouré de rares aides. Mais elle fait pourtant sens dès le Moyen Âge quand, par exemple, les grandes boutiques des Arts de la laine sont démembrées et délocalisées en grande partie au domicile des travailleurs. Un premier groupe de questions concerne donc les motivations qui ont poussé –à moyen et court terme- les entrepreneurs (privés et “publics”) à recourir au travail à domicile. Une première explication pourrait venir des relations sociales et des fluctuations du marché, qui peuvent être un des éléments expliquant des tendances de longue durée à délocaliser la production pour rendre plus flexibles les unités productives face à la variabilité de la demande. En ce sens, le travail à domicile peut répondre aux exigences d’économie basée sur le caractère saisonnier de certaines activités et sur la pluriactivité. Mais en même temps, la délocalisation à domicile peut porter à diminuer la cohésion interne du monde du travail et favoriser une diminution des niveaux de conflictualité (Franceschi, 1993[3]).Le modèle de la protoindustrie peut ainsi être lu en ce sens (Dewerpe, 1985[4]). En sens opposé, au contraire, les ouvrages à domicile peuvent disparaître et réapparaître selon les fluctuations du marché et des recompositions de l’emploi. Les temps de regain sont aussi importants à comprendre que ceux de déclin. Parallèlement, la technique – et en premier lieu les moyens de production- peut influer sur la possibilité ou non de développer le travail à domicile : l'utilisation des ordinateurs aujourd'hui fait écho aux machines à coudre du XIXesiècle, et les réseaux internet à la disponibilité de l'électricité. Le maintien, voire parfois la diffusion, des métiers à tisser à domicile au XIXesiècle a certainement eu besoin d’un processus de perfectionnement de ceux-ci, assez peu connu. Les produits eux-mêmes peuvent enfin contribuer à pousser à l’organisation à domicile : c’est ordinairement les produit de qualité moindre que l’on associe à ce type de travail, portant ainsi un processus de progressive déqualification du travail. Mais on peut aussi trouver de nombreux exemples en sens inverse quand les métiers à tisser manuels compliqués restent à la maison alors que les métiers mécanisés, ne produisant qu’un type de tissus, sont eux concentrés en usine.  

 

II Travailler et vivre à la maison ?

Le deuxième axe de recherche vise plutôt à étudier interférences particulières qui s’établissent entre le travail et les autres aspects de la vie lorsque le domicile accueille l’ensemble de ces aspects. La question ne peut pas être considérée seulement à l’échelle des personnes et de leur trajectoire, mais elle doit s’appuyer sur les structures collectives, familiales d’une façon ou d’une autre, par lesquelles s’organisent les différentes activités de la vie. La distinction entre travail et non-travail s’avère particulièrement fragile et relative.En fait, les travailleurs à domicile sont parfois caractérisés par un âge spécifique (enfants, anciens), par une étape dans le cycle de vie individuel ou familial, par le genre (on trouve en grande majorité, des femmes, mais pas seulement car des hommes chef de famille peuvent également être impliqués dans ce type d’activité), ou par la provenance (dans le cas des migrants, dès lors qu’ils disposent d’un domicile, comme ce fut le cas pour les tailleurs du début du XXesiècle aux Etats-Unis) ou par le type de travail (dépendant ou semi-indépendant)

Il est important d’enquêter sur la façon dont le travail domestique influence les rapports familiaux et de travail « à l’intérieur » du domicile. En ce sens, les relations entre travail à domicile et travail domestique sont évidemment en cause (comme dans le cas de la femme du tisserand qui aide son mari, sans être elle-même rémunérée[5]et on pourrait dire la même chose des enfants ou des autres membres de la famille). En ce sens, les considérations sur l’organisation de l’espace de la maison, sur la séparation, possible ou non, entre sa dimension familiale et de travail et sur la capacité de l’organisation des lieux à influer sur la perception par chacun de son propre travail.

 

III Contrôle et supervision du travail à domicile. Une agency seulement individuelle ?

Le travail à domicile se lie également à des problèmes relatifs à la recherche du travail, aux niveaux de rémunération et au degré d’autonomie, de supervision et de contrôle des travailleuses et des travailleurs. 

On voudrait donc interroger en premier lieu le rôle des intermédiaires pour le recrutement des travailleuses et travailleurs à domicile : quel rôle ont eu, par exemple, les curés dans les villes ou dans les villages d’ancien régime, les agents engagés directement par les marchands-entrepreneurs et les fabricants ? Parallèlement, des études ont montré qu’il était possible d’augmenter le contrôle sur les temps et sur la qualité du travail en mettant en place tout un système de contrôle qualité, de marque, voire de contremaîtres délocalisés dans les villages etc. Toutes ces mesures allaient de pair avec des systèmes d’amendes pour les retards de consigne, pour les soustractions de matières premières etc. 

Liés à ces problèmes de contrôle, on trouve également celui des capacités d’agir, individuelles ou collectives, des travailleuses et travailleurs. La délocalisation, on l’a dit, peut être un moyen pour limiter le degré de conflictualité, mais y réussit-elle vraiment ? Ou bien, au contraire, les travailleurs à domicile étaient-ils capables d’influencer le niveau des salaires, les temps de consigne, la qualité, etc. par le biais d’actions individuelles et/ou collectives[6]? Sont-ils uniquement caractérisés par la flexibilité et l’absence de tutelle de leur travail ou bien ont-ils la possibilité de réclamer des droits, y compris en terme de continuité du rapport de travail ? Les conflits actuels autour des sites de connexion sont évidemment très intéressants à ce propos. 

 

Modalité de participation et envoi des contributions

Les premières journées d’étude se tiendront à Rome en 27 et 28 juin 2019. À partir de cas d’études concrets, les intervenants devront donc suggérer de nouvelles pistes ou renforcer et approfondir les perspectives proposées ci-dessus.

Ces journées entendent stimuler une forme de rencontre centrée sur la discussion critique entre tous les participants. Pour ce faire, les relations écrites des communicants (env. 40 000 signes) seront demandées à l’avance pour qu’elles puissent circuler entre les participants inscrits (gratuitement) aux journées qui seront, nous l’espérons, plus nombreux que les communicants. Dans la mesure où ces textes circuleront entre tous les participants, lors des rencontres, les communicants se contenteront de mettre l’accent en quelques minutes sur les points saillants et les hypothèses principales de leur apport pour que la discussion soit ensuite la plus large possible.

Les propositions, d’une page maximum accompagnée d’un bref CV, sont à envoyer à avant le 20 janvier 2019 à storialavoro@gmail.com.Les réponses d’acception seront données le 31 janvier 2019. Les contributions destinées à circuler (entre 20 et 40 000 signes) devront être envoyées avant le 30 mai 2019.

 

NB: en ce qui concerne les chercheuses et chercheurs affiliés à des universités ou des instituts de recherche italiens, la SISLAV réserve l’appel, dans un premier temps, aux adhérents. 

 

Comité d’organisation : Anna Badino, Andrea Caracausi, Nicolas Hatzfeld, Corine Maitte, Nicoletta Rolla, Matthieu Scherman, Marica Tolomelli, Xavier Vigna

 

Check Italian version of this call for papers in the attached PDF and in the following link: http://www.storialavoro.it/notizie/notizia/?tx_news_pi1%5Bnews%5D=1042&…

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