CfA: Les paysanneries et les ruralités d’aujourd’hui

Call for articles, deadline 1 September 2019

Il y a 20 ans, la revue Insaniyat publiait un numéro entièrement dédié à la question de la paysannerie algérienne (Paysans algériens ? N°7 de janvier-avril 1999, vol. III, 1). L’ambition de ce numéro spécial paru en 1999 visait à présenter quelques travaux et productions scientifiques portant à la fois sur les trajectoires historiques de la paysannerie, et plus largement celles du monde rural, ainsi que les changements affectant les campagnes algériennes au cours des années 1990. L’Algérie émergeait à peine d’une décennie faite de violences politique et économique (ajustement structurel) qui avaient fortement contribué à bouleverser les rapports sociaux et économiques. Le contexte a toutefois bien changé en ce début de ce XXIème siècle, tant au niveau mondial qu’aux échelles régionales et nationales.

De profonds bouleversements agricoles ont eu lieu de par le monde. On a vu émerger une accélération du processus de globalisation des agricultures qui s’est traduit par une crise alimentaire aiguë en 2008, une financiarisation de certaines agricultures, une fragilité des formes familiales d’agriculture et une relégation des paysanneries sous l’effet des accaparements massifs des terres par des firmes ou de grands investisseurs nationaux ou étrangers (Hervieu, Purseigle, 2013). On a assisté à l’introduction de nouvelles technologies de production remettant en question le rapport à la nature et au vivant, à l’intrusion plus massive des marchés des matières premières agricoles et de l’agro-industrie, à une surexploitation des ressources naturelles (sol et eau), et à des débats et des controverses nouvelles sur les mouvements de repaysannisation dans l'Europe d'aujourd'hui et sur le modèle agro-écologique (Ploeg, 2014 ) …

Les recherches internationales ont tenté de prendre la mesure, des formes communes prises par ces transformations agraires et de la place des agricultures et des paysanneries dans les sociétés locales sous l’amplification de la mondialisation, et des spécificités de ces mutations selon les pays, les régions et les continents.

Un survol du contexte national révèle de réels changements au cours de ces deux dernières décennies : avènement du Programme national de développement agricole (2000) et de la Politique de renouveau agricole et rural (2009), création de multiples fonds de soutiens au secteur agricole, accroissement inédit des investissements agricoles, mobilisation intensives des ressources en sol et en eau pour la mise en valeur dans les zones sud du pays, promotion de l’agriculture d’entreprise et émergence de nouveaux acteurs sociaux issus des villes ou des campagnes qui disputent terres, eau, argent et capital social aux agricultures familiales et aux petits paysans (Bessaoud, Montaigne, 2009). De nouveaux cadres juridiques (loi d’orientation agricole de 2008, loi de 2010 élargissant secteur agricole public le régime de la concession) favorisent la poussée libérale au sein du secteur agricole.

Les chercheurs ont souvent observé l’accentuation de « fractures »qui progressaient au sein des sociétés rurales, avec notamment une paysannerie déménagée sans ménagement (Bendjlid et al, 2004)..Même au sein des sociétés rurales les plus savantes dans la maitrise de l’agriculture et de l’hydraulique, et qui avaient opposé des résistances au changement social (sociétés rurale montagnarde ou oasienne), les paysanneries faisaient déjà face à des menaces de disparition suite aux bouleversements fonciers qui se déroulent sous leurs yeux (Otmane, 2010, Otmane, Bendjelid, 2011). De fortes transformations des structures et des paysages agraires ont eu lieu sous l’effet de mesures de mise en valeur des terres et d’une requalification du secteur agricole autorisée par les politiques publiques. Les choix politiques affichés au profit de la grande exploitation agricole privée et du modèle de l’entreprise, avaient accéléré ces transformations en marginalisant les petits agriculteurs familiaux dont on ignore souvent le devenir.

Le contexte des années 2000 se caractérise enfin par des progrès significatifs enregistrés dans les réalisations d’infrastructures administratives et commerciales et de l’habitat rural, de routes et des moyens de transport des populations, dans l’usage des nouveaux techniques d’information et de communication, dans la scolarisation et l’éducation des populations. Les programmes étatiques de redistribution (logement rural, accès des villages à l’eau potable, au réseau d’assainissement ou parfois au gaz naturel), d’encouragement à l’emploi (programmes emploi rural) dans les zones rurales, dévastées dans les années 1990 par le terrorisme, ne font pas obstacle à une urbanisation qui s’accélère dans les années 2000. Le taux d’urbanisation est supérieur à 72% en 2017, et la croissance démographique des campagnes algériennes est même négative pour la première fois dans l’histoire d’Algérie (- 0,3% en 2017). L’attractivité des villes et des activités non agricoles entraine une crise de la main d’œuvre qui freine le développement agricole. Ces phénomènes migratoires expriment de nouveaux rapports entre la ville et la campagne et de nouvelles problématiques dans les politiques d’aménagement du territoire.

Comment interpréter et rendre intelligibles ces changements dans les campagnes et comprendre les nouvelles ruralités qui s’installent ? Quel impact exercent les politiques publiques mises en œuvre au cours de ces dernières décennies sur les structures sociales et sur les économies locales ? Quels sont les acteurs sociaux issus de ces transformations et que représentent aujourd’hui les paysanneries dans le paysage social des campagnes ? Les réformes agricoles sont-elles le vecteur d’une « paysanisation » du secteur agricole d’État comme le suggérait certaines hypothèses (Bédrani, 1987), ou sommes-nous engagés dans un processus historique de décomposition des paysanneries ? Quelle est la nature des relations entre le monde rural et le monde urbain ?

Les ressources naturelles –rares- fortement impactées par les changements climatiques sont soumises à de nouvelles tensions qui conduisent le chercheur à questionner les capacités de résilience des écosystèmes locaux et des sociétés qui les portent.

Si les recherches scientifiques [1]ont déjà investi ces questions et apporté des éclairages riches et pertinents aux évolutions de la société rurale et paysanne algérienne au cours de ces dernières années, ce numéro a pour objectif de faire découvrir aux lecteurs, spécialistes ou non des questions agraires ou paysannes, l’état des problématiques en développement et des connaissances capitalisées sur des groupes sociaux qui sont souvent marginalisées.

Ces transformations opérées dans les agricultures ou les ruralités ne sont pas spécifiques à l’Algérie ; elles affectent, avec des temporalités et des particularités, d’autres pays de la région. Il apparait ainsi utile d’élargir les analyses aux pays du Maghreb, voire au monde arabe, à l’Europe ou au continent sud-américain. Des contributions portant sur les questions brièvement énoncées sont vivement souhaitées sur ces champs de recherche. Elles contribueront certainement à mieux comprendre les logiques de fonctionnement de nos sociétés et de nourrir une réflexion plus générale sur les nécessaires équilibres entre les composantes rurales et urbaines de nos pays et ajuster les projets de développement économique et/ou territorial aux exigences nationales.

Modalités de soumission :

Les articles seront rédigés conformément à la note aux auteurs de la revue Insaniyat https://insaniyat.crasc.dz/index.php/fr/notes-aux-auteurs

Les articles proposés (en français ou en arabe) sont à envoyer à l’adresse suivante : insaniyat.crasc@gmail.com et via ce lien : https://www.asjp.cerist.dz/en/PresentationRevue/14

Date limite de l’envoi : 1er septembre 2019.

https://insaniyat.crasc.dz/index.php/fr/insaniyat/appels-%C3%A0-contrib…

Posted