CfP: France, Allemagne, Afrique : représentations, transferts, relations

Call for papers, deadline 15 November 2019 (in French)

Appréhendé à l’époque coloniale comme le « laboratoire de la modernité » européenne (De l’Estoile 2004, Lachenal 2010), le continent africain est aujourd’hui partie intégrante de l’histoire et de l’avenir de l’Europe mais aussi du monde. Dans son essai Afrotopia récemment traduit en allemand, l’économiste et écrivain sénégalais Felwine Sarr dénonce le mythe occidental du développement projeté sur les sociétés africaines et appelle à décoloniser les esprits de par et d’autre de la Méditerranée pour permettre aux Afriques de redevenir le « poumon spirituel du monde. » (Sarr 2019)

Ce plaidoyer pour un changement de paradigme s’inscrit dans une relation Europe-Afrique à refonder. Indépendamment de leurs histoires nationales propres, l’Allemagne et la France partagent avec d’autres puissances coloniales comme la Grande-Bretagne les mêmes discours idéologiques, les mêmes pratiques socio- et biopolitiques. Leurs perspectives (post)coloniales sur l’Afrique se réfèrent constamment l’une à l’autre, elles s’enchâssent parfois. Partant de ces réflexions, Le 15e colloque du CFAH entend interroger cette histoire croisée entre la France, l’Allemagne et le continent africain pour les XIXe et XXe siècles.

L’enjeu est de proposer une histoire à parts égales en tenant compte non seulement de l’histoire allemande et française de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb mais aussi de l’histoire africaine de l’Allemagne et de la France à l’époque contemporaine. Depuis l’époque des Lumières, l’histoire de l’Afrique a été racontée par le truchement de catégories et de termes issus du répertoire de la « Bibliothèque coloniale » (Mudimbe 1989). Cette histoire a ainsi contribué à la construction d’un « écran colonial », derrière lequel les préjugés idéologiques empêchèrent de saisir les évolutions des sociétés colonisées (Mbembe 2003). En même temps, cette histoire a également fait l’objet d’une réflexion très poussée, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, sur la modernité, et plus précisément sur les colonies comme « laboratoire de la modernité » pour l’Europe dans l’architecture ou la construction urbaine par exemple, dans les grands projets techniques, l’eugénisme ou la médecine coloniale et bien d’autres domaines de l’histoire de la connaissance (Sibeud 2002). Indissociable de la notion de progrès, cette idée se manifestait autant dans l’idéologie et la pratique des « missions civilisatrices » que dans la politique des organisations internationales, que ce soit la politique mandataire de la Société des Nations ou les politiques de développement et de population après 1945 (Pedersen 2015 ; Dörnemann 2019 i.E.). Enfin à l’époque de la Guerre froide, le continent africain en voie d’émancipation a dû s’insérer dans le nouvel ordre bipolaire et apprendre à utiliser la nouvelle grammaire politique et idéologique pour mettre en œuvre des politiques de modernisations socio-économique avec le soutien d’acteurs politiques et économiques des deux Blocs (N’Dimina-Mougala 2009, Döring 1999)

La perspective franco-allemande et africaine doit également permettre d’éclairer les enjeux actuels de la politique historique (les lois mémorielles, le débat sur la restitution d’œuvres d’art) et mettre en avant les différentes évolutions historiographiques. En République fédérale d’Allemagne, les débats actuels autour des usages politiques du passé ou de la réorganisation de musées ethnologiques ont fait résolument entrer le passé africain dans la sphère publique (Morat 2019) après une longue période d’amnésie. En France, des voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer une « nouvelle éthique relationnelle » (Savoy, Sarr 2018). Les études internationales consacrées à la traite négrière, aux voyages scientifiques, aux migrations de travail vers l’Europe ou au « moment colonial » des Sciences sociales ont déjà permis de déconstruire le regard occidental (wa Thiong’o 1986 ; Surnu 2018 ; Kwaschik 2018) et de le remplacer par une approche plus sensible aux interactions opérées entre les puissances coloniales et les populations dans différents espaces impériaux (Tiquet 2018 ; Glasman 2015).

Les propositions de communication pourront notamment porter sur les thématiques suivantes :

  • Savoirs et représentations de l’Afrique et des Africain.e.s en Allemagne/France/Europe (discours, types d’institutionnalisation et internationalisation)
  • Savoirs et représentations de l’Europe et des Européen.ne.s en Afrique (discours, types d’institutionnalisation et internationalisation)
  • Ordres coloniaux (concurrence/coopération et circulation de modèles, guerre/violence ; racisme/ségrégation ; « missions civilisatrices » entre assimilation et association, enjeux liés aux questions du genre, )
  • Ordres postcoloniaux (représentations et mémoire ; anciennes et nouvelles formes de coopérations et contraintes ; aide au développement, concurrence des deux Blocs)
  • Migrations et diasporas africaines en Allemagne/France/Europe et présence européenne en Afrique

Le colloque a pour but de développer une perspective large et interdisciplinaire, éclairant autant les conditions structurelles que les pratiques et représentations. Les propositions de communication pourront relever du domaine de l’histoire politique, juridique, économique ou culturelle. Les communications sur l’histoire des transferts ou des interdépendances ainsi que les analyses comparatives seront particulièrement appréciées.

Informations pratiques

Le colloque se tiendra du 12 au 14 novembre 2020 au Centre Marc Bloch à Berlin. Les frais de voyage et d’hébergement des participants seront pris en charge par le CFAH dans la limite des fonds disponibles. Les communications seront publiées dans la collection du CFAH (Franz Steiner Verlag).

Modalités de participation

Prière d’envoyer par courriel votre proposition de contribution (500 mots max.) muni d’un titre, et un bref CV (1 page) en allemand, français ou anglais

avant le 15 novembre 2019

à l’adresse suivante : Anne Kwaschik (sekretariat.kwaschik@uni-konstanz.de)

Comité scientifique restreint

  • Yacouba Banhoro (Université Joseph Ki-Zerbo Ouagadougou),
  • Hamidou Dia (Université Cheikh Anta Diop de Dakar),
  • Emmanuel Droit (Sciences Po Strasbourg),
  • Joël Glasman (Universität Bayreuth),
  • Anne Kwaschik (Université de Constance),
  • Nadine Machikou (University de Yaoundé II),
  • Jakob Vogel (Centre Marc Bloch, Berlin),
  • Gilbert Dotsé Yigbe (Université de Lomé)
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