CfP: Caricature et migrations

Call for papers, deadline 31 January 2019 (in French)

Tout le monde se souvient de la photo du petit Aylan, le petit enfant kurde retrouvé mort sur une plage turque en septembre 2015 ; cette photospectaculaire,qui a fait le tour du monde, est révélatrice des interrogations que soulèvent les grands mouvements migratoires actuels. La question des migrations est aujourd’hui au centre des débats, notamment dans bon nombre de pays occidentaux qui doivent faire face à des afflux importants. Pas une seule journée ne se passe, sans qu’en Europe ou aux Etats-Unis par exemple, l’accueil de migrants ne soit débattu, contesté ou, malheureusement moins souvent, défendu.

L’acuité de la crise actuelle qui touche un très grand nombre de pays ne doit pas faire oublier que l’histoire a connu de tout temps de grandes vagues migratoires. Les migrations ont facilité dans des temps anciens la survie des espèces, la diffusion de l’agriculture et des savoirs, le peuplement d’espaces vides… Sans remonter aussi, rappelons pour l’Europe les migrations importantes qui ont commencé au quatrième siècle de notre ère et que les Français qualifient de grandes invasions. Rappelons également, encore plus près de nous, les mouvements de population induits par la découverte du continent américain, par les guerres de religion (cf. les Huguenots), les  guerres coloniales. L’Europe est du reste au 19ièmesiècle une région dont on part pour peupler les colonies, mais aussi pour trouver ailleurs un meilleur monde. Entre 1820 et 1930, 55 millions d’Européens quittent l’Europe pour l’Amérique du Nord et du Sud.

Durant les phases cruciales de l’industrialisation, des pays européens comme la France, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne firent en revanche appel à une nombreuse main d’œuvre étrangère, phénomène qui s’est amplifié après la Seconde Guerre mondiale lors des années de grande croissance économique.   N’oublions pas non plus aussi les mouvements migratoires engendrés par la décolonisation des continents africain et asiatique, par les dictatures politiques, nombreuses au vingtième siècle ou, pour prendre un exemple plus précis, par la création de l’Etat d’Israël au Moyen-Orient qui a entraîné des flux migratoires croisés et complexes.

Les raisons des migrations, on le voit, sont multiples : économiques, sociales, politiques ou, depuis quelques années surtout,environnementales. Et il est parfois difficile de déterminer une ligne de partage entre ces différentes raisons et les multiples formes de migration qu’elles engendrent.  

Les questions qui se posent demeurent toujours sensiblement les mêmes : quelles sont les raisons qui incitent des personnes à quitter leur pays ? Comment réagissent ensuite les populations qui voient arriver les migrants ? Comment ces migrants s’adaptent-ils et se comportent-ils dans leur nouveau pays ? Comment ces derniers considèrent-ils leur migration ?

Pour rendre compte de ces interrogations et de l’évolution des mentalités, l’étude de la caricature, dont les créateurs réagissent souvent à chaud et enregistrent tels des sismographes les principales réactions de leurs concitoyens, s’avère nécessaire.

La question peut être envisagée tout d’abord d’un point de vue historique, en retraçant les différentes formes de migration jusqu’à la fin du vingtième siècle, et en comparant alors la retranscription graphique des événements. Les représentations dominantes lors des grands mouvements de colonisation au XIXe siècle ne peuvent en effet être comparées aux flux migratoires liés au développement économique, aux phénomènes de déportation ou d’exil politique. Il est essentiel de comprendre comment furent perçues ces diverses situations, de les étudier afin de mieux cerner les enjeux actuels. Il est sans doute indispensable également d’essayer de mettre en regard la vision que proposent les dessinateurs des pays de départ et ceux du pays d’arrivée et de repérer les (éventuelles) différences fondamentales.

Les caricaturistes occidentaux se sont largement emparés depuis quelques années des questions liées à l’arrivée massive de migrants, ils s’intéressent aux facteurs environnementaux (réchauffement climatique) qui génèrent certaines migrations, aux tragédies humaines en Méditerranée, à la dureté du traitement infligé aux migrants dans les camps de réfugiés, aux politiques d’accueil, aux murs ou frontières érigés pour se protéger …

Les questionnements et les réponses apportées à tous ces sujets diffèrent bien entendu et il est intéressant d’analyser quels sont les thèmes les plus fréquemment abordés par les caricaturistes en fonction de leur orientation politique et de l’aire culturelle dans laquelle ils vivent. Voici quelques-unes des questions essentielles qui méritent d’être abordées :

  • Les caricaturistes font-ils une différence entre réfugié politique et simple migrant économique (à supposer que cette différence soit facile à réaliser, voire même pertinente) ?
  • Insistent-ils sur les conditions de vie dans le pays d’origine qui ont amené ces populations à quitter leur terre natale ?
  • Établissent-ils une distinction entre migrations masculines et féminines ?
  • Évoquent-ils dans les cas des migrations récentes vers l’Europe le prix à payer par les migrants, qui doivent souvent faire face à toutes sortes de trafics et d’agressions, à des passeurs peu scrupuleux ?
  • Comment rendent-ils compte du parcours du combattant de celui qui cherche à obtenir des papiers, des difficultés d’adaptation des populations arrivantes, de leur dur apprentissage d’une nouvelle langue, de leur comportement qui peut éventuellement se heurter aux us et coutumes de la société d’accueil ?
  • Montent-ils en épingle les délits commis par des migrants, leur adaptation parfois difficile ?
  • Essaient-ils de désamorcer les discours populistes fort répandus tendant à exacerber la peur de l’étranger, à rendre les migrants, dont le pourcentage dans la population demeure dérisoire, responsables de tous les maux qui touchent les sociétés occidentales ? Ou au contraire, se font-ils favorablement l’écho de ces discours ?
  • Cherchent-ils à montrer que les cultures peuvent coexister sans réel problème ?
  • Insistent-ils sur les apports positifs, économiques, politiques et culturels des grandes vagues migratoires ?
  • Rappellent-ils fréquemment les articles de la déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule que « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays » ?
  • Existe-t-il un discours spécifique des dessinateurs en exil ? Peut-on parler d’une esthétique de l’exil ?

Dans le cadre de ces analyses, l’étude systématique des principales images récurrentes, des principaux procédés rhétoriques peut s’avérer sans aucun doute très fructueuse.

Nous souhaitons obtenir des propositions d’articles qui prennent en compte soit l’aspect historique de la thématique, soit l’une ou l’autre des interrogations d’aujourd’hui, de préférence sous un angle comparatif (pays de départ/pays d’arrivée, politique favorable/défavorable aux migrants, opinions politiques) afin d’obtenir un panorama non pas exhaustif, mais relativement complet, du discours sur cet enjeu majeur de notre époque.

Modalités de soumission

Les propositions de 3000 signes maximum, suivies d’une courte notice biographique, sont à envoyer

avant le 31 janvier 2020

à Ludivine Thouverez (ludivine.thouverez@univ-poitiers.fr) et Jean-Claude Gardes (gardes@univ-brest.fr); la liste des propositions retenues sera communiquée fin février, la remise des articles est fixée au 31 mai 2020.

Comité de rédaction

  • Alain Deligne (Université de Münster)
  • Jean-Claude Gardes (Université de Bretagne Occidentale)
  • Dominic Hardy (Université de Québec à Montréal)
  • Ursula E. Koch (Université de Munich)
  • Isabel Lustosa (Fundaçao Casa di Rui Barbosa, Rio de Janeiro)
  • Martine Mauvieux (BnF)

Comité de lecture de la revue

  • Marie-Pierre Déléphine (Paris)
  • Walther Fekl (Frankfurt/Oder)
  • Michaela Lo Feudo (Naples)
  • Margarethe Potocki (Clermont-Ferrand)
  • Angelika Schober (Limoges)
  • Solange Vernois (Poitiers)
  • Elizabeth Mullen (Brest)
  • Richard Scully (University of New England)
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