Le travail des Sciences sociales et les réseaux sociaux numériques

Workshop, 13 December 2019, Paris, France (in French)

 

Cette journée s’insère dans le cycle thématique les « SHS au travail » de la revue Tracés, après deux premières journées ayant donné lieu à des hors-série :  “Données” (en cours de parution) et “Faire revue” (2018). Elle vise à étudier l’impact des réseaux sociaux sur la production, la diffusion et la structuration des sciences sociales, ainsi que sur le rôle du chercheur dans la cité. On se concentrera de manière indifférenciée sur les principaux réseaux sociaux numériques (notés ci-après “RSN”), qu’ils soient généralistes (Twitter, Facebook, Instagram, etc.) ou spécialisés, destinés aux enseignants-chercheurs (Academia, Researchgate, HAL-SHS, Hypothèses.org, Journals.openedition.org, etc.) et à tous les réseaux sociaux numériques pris dans leur diversité. Sans se limiter à la question de la production et de la circulation des big data, l’un des enjeux de la journée consistera à identifier comment les pratiques sur les réseaux sociaux numériques interrogent, infléchissent et contraignent les pratiques des SHS, dans leurs dimensions scientifiques, pédagogiques et de vulgarisation scientifique, mais aussi politique et sociologique.

La journée sera composée de quatre tables rondes, et se tiendra à l’EHESS, amphi Furet (Paris) / repas salle 4 – de 9h à 17h30.

Programme

(argumentaire en infra)

          Accueil 9h

9h15-10h45 : Réseaux académiques numériques : médiation, visibilité et “réseautage”

Présidente : Annabelle Allouch – Tracés

Baptiste Coulmont, PU de Sociologie, Université Paris VIII (CRESSPA, CSU/CNRS)

Isabelle Rocca, Responsable de la médiation scientifique, Association française de Science Politique.

Marion Lemoine Schonne, CR de Droit public, IODE (Université de Rennes/CNRS).

          10H45-11h15 Pause

11h15-12h45 (Contre-)Vérités scientifiques face aux RSN

Président : Samuel Hayat – Tracés

Les Détricoteuses, avec Mathilde Larrère,  MCF en Histoire contemporaine, UPEM (ACP/CNRS).

Bilel Benbouzid, MCF en Sociologie, UPEM (LISIS/CNRS), Tommaso Venturini, CR en Sociologie (CIS/CNRS – in absentia)

Emmanuel Didier, DR CNRS (CMH – ENS/EHESS).

          13h-14h Déjeuner (buffet)

14h00-15h30 Méthodes et pratiques de la recherche, des données à la publication

Présidente : Camille Paloque-Bergès – Tracés

Arnaud Saint-Martin, CR de Sociologie (CESSP/CNRS).

Revue RESET – avec Gabriel Alcaras, doctorant en Sociologie, EHESS (CHS/CNRS).

Revue Réseaux : Patrice Flichy, PR en Sociologie, UPEM (LATTS/CNRS).

Annaïg Mahé, MCF en Information et Communication, URFIST (Ecole National des Chartes, DICEN/Cnam) et Camille Claverie, MCF en Information et Communication, Université de Nanterre (DICEN/Cnam).

          15h30-16h : pause

16h00-17h30 Usages publics numériques de la recherche

Présidente : Amina Damerdji – Tracés

Kaoutar Harchi, post-doctorante en Sociologie (Labex CAP/Hésam, CERLIS/CNRS)

Nicolas Offenstadt, MCF en Histoire, Université Paris 1 (LAMOP/CNRS)

 Florian Besson (Sorbonne-Université) membre d’Actuel Moyen-Âge (collectif d’historiens sur Twitter)

 

Argumentaire

1/ Métiers de la recherche et réseautage numérique

Cette table ouvrira la journée en interrogeant comment les réseaux sociaux numériques s’insèrent dans le milieu professionnel de l’enseignement supérieur, et éventuellement, le reconfigurent et/ou témoignent de ses évolutions.

Les RSN font-il champ socio-professionnel ? Qu’est-ce qu’une communauté scientifique sur un RSN ? Comment fait-on réseau entre chercheurs sur les réseaux sociaux, et dans quelle mesure les RSN recoupent-ils des manières de “faire des sciences sociales” – dans la perspective d’interroger les sciences sociales au travail ? Si prendre la parole sur Internet relèverait d’un positionnement et de pratiques spécifiques dans l’espace public et professionnel de la recherche et de l’enseignement supérieur, comment cela influence-t-il la dimension sociale du travail de production académique ? Comment l’affiliation ou la non-affiliation institutionnelle joue-t-elle dans l’autorité de ces prises de parole, et que veut dire « réseauter » sur Internet pour un chercheur ? Les RSN peuvent-ils être d’ailleurs au fondement de cette autorité ou, au contraire, la remettre en cause ? Après les frontières épistémiques traitées dans une table ronde précédente, quelles frontières sociologiques sont-elles dérangées, redéfinies ou renforcées ? On interrogera en particulier comment se font entendre – ou ignorer – les marges du milieu professionnel de l’ESR, et plus généralement la construction et la mise en scène du rapport au métier d’enseignant-chercheur, ses controverses récurrentes, etc.

2/ (Contre-)Vérités scientifiques face aux RSN

Dans un contexte où l’idée de fake news est au-devant de la scène des RSN, quels rapports les chercheurs.es entretiennent-ils à la diffusion et à la transmission vérités scientifiques, aux débats qu’elles suscitent et aux interactions qu’elles génèrent avec les pairs et les publics ? Quelles sont les stratégies de lutte des chercheurs contre l’infox, les fausses nouvelles et faits alternatifs liés aux sciences ou aux savoirs plus généralement ? Quels sont les modes de réception de ces informations, de référence à la vérité scientifique et d’interventions des chercheur.es quand ils.elles s’engagent sur ce terrain ? Dans quelle mesure les RSN jouent-ils un rôle dans l’assignation du chercheur à une position épistémologique dans le champ du savoir – et au travers de quelles sphères et parti-pris ?

3/ Méthodes et pratiques de la recherche, des données à la publication

Cette table proposera une série de synthèses, réflexions et exemples de l’impact des RSN sur les objets, méthodes, normes et pratiques d’écriture et de publication en sciences sociales.

Si la récolte et le traitement quantitatifs et automatisés de données ne sont pas nouveaux en sciences sociales, les méthodes de ces dernières seraient renouvelées à l’aune de l’ampleur, de la massivité et de la complexité des territoires numériques et de leurs réseaux. Avec une posture radicalement interdisciplinaire, des approches telles que celles de la Web Science ou des humanités numériques s’emparent des données des réseaux sociaux. Mais quels objets de recherche (re)construisent-elles ? Quelles alternatives les RSN offrent-ils aux jeux de données plus classiques (comme les sondages, pour évaluer l’opinion publique par exemple) ? Comment lire et interpréter la matière des réseaux sociaux ? Quel impact les pratiques de réseau des chercheurs peuvent-elles avoir sur leurs recherches ?

La question de l’impact méthodologique enjoint aussi à interroger la double thématique de l’écriture et de la publication – livrables, résultats, corpus, jeux de données… Quels environnements et quels outils les RSN offrent-ils aux chercheurs pour rendre publics leurs objets et méthodes, et sous quelle forme ? Quelles sont les nouvelles écritures de la recherche sur les RSN et quelle légitimité réclament/construisent/obtiennent-elles ? En quoi les nouvelles pratiques de « dépôts » et de « référencement » bibliographiques (dans les archives ouvertes par exemple) remettent-elles en jeu les idéaux relatifs aux communautés et réseaux scientifiques, et comment les reconfigurent-elles ?

4/ Les usages publics de la recherche sur les RSN

On clôtuerera cette journée sur des cas et types de figures publiques de chercheur.es prenant position et/ou se présentant en tant que tels sur les réseaux sociaux. On interrogera aussi bien leur rôle dans la diffusion d’information et connaissances scientifiques que les modalités de leur participation à des débats et controverses. Qu’est-ce qu’un.e chercheur.e public.que sur Internet ? Quelles sont les pratiques de transmission qu’il.elle met en oeuvre (type d’écriture, techniques oratoires, etc.) pour assurer ce rôle et comment s’articulent-elles avec son travail académique plus classique ? En quoi son parcours, ses caractéristiques sociales ou son rapport à son (ses) discipline(s), vont-elles influencer ses modes de prises de position ? Existe-t-il des disciplines ou domaines qui, de par leur histoire et leur épistémologie, leurs rapports aux groupes sociaux et professionnels sont plus prompts à assurer un rôle de diffusion des connaissances scientifiques à destination du grand public ? Dans quelle mesure ces expériences d’usages publics de la recherche sont-elles propres à Internet (caractère immédiat de la publication, absence de médiation, etc.) par rapport aux autres médias (TV, radios, etc.) ?

Les usages publics de la recherche sur les RSN posent également la question des audiences et cibles, notamment sur des réseaux qui donnent une place importante à l’anonymat des utilisateurs. A qui s’adresse un « chercheur public » ? Comment la communication des sciences rencontre-t-elle la diffusion de ses informations et la mise en débat de ses connaissances ? 

Plus largement, que faire de la question de la visibilité liée au travail de vulgarisation, notamment lorsqu’elle n’est pas compatible avec les nouveaux modes de gestion des données de l’enquête (RGPD, etc.) et quelles conséquences sur les dimensions éthiques du travail de chercheur ? 

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