CfP: Configurations des héritages féministes. Revue « Recherches féministes », vol. 35 n°1

Call for papers, deadline 15 February 2021 (in French)

Le dossier consacré aux configurations des héritages féministes cherchera à mettre en évidence les héritages symboliques et matériels que reçoivent les féministes, et également les héritages qu’elles désirent léguer aux générations suivantes. Par héritage, nous entendons ce que l’on retient ou ce qui est transmis par celles qui nous précèdent, et ce, que les liens avec elles soient choisis, imposés, familiaux ou identitaires. La notion d’héritage est relationnelle, car nous considérons, à l’instar de Françoise Collin, que « la transmission n’est pas un mouvement à sens unique. [C’est] toujours une opération bilatérale, un travail de relation prélevé sur le vivant [...] Prise dans le jeu des générations, elle a rapport au désir des anciennes, comme des nouvelles ». Seront envisagés les héritages revendiqués comme féministes (mémoire militante, publications féministes ou legs théoriques), mais également les héritages de femmes (ou de personnes minorisées selon le genre) réexaminés dans des perspectives féministes (recherche de « traces » matérielles des femmes du passé, transmission familiale ou (re)valorisation de certaines figures). Nous posons l’hypothèse suivante : alors que le féminisme est traversé par plusieurs mouvements et que sa progression se trouve sans cesse interrompue par des ressacs (backlash), réfléchir aux héritages symboliques et matériels permettra de mieux saisir la portée des féminismes contemporains et de dessiner leurs orientations.

L’héritage est un thème central des études féministes : de Patricia Smart (réfléchissant aux liens entre des figures littéraires québécoises dans De Marie de l’Incarnation à Nelly Arcan) à Sara Ahmed (qui, dans Living a Feminist Life, enjoint aux femmes de rompre avec un héritage subi), à Jacqui Alexander et Chandra Talpade Mohanty (qui souhaitent décentrer philosophiquement et épistémologiquement l’héritage colonial dans Feminist Genealogies, Colonial Legacies, Democratic Futures), en passant par Kesso-Line Saulnier (croisant pratique artisanale et féministe dans la réalisation de broderies et de patchwork), Camille Masclet (analysant l’héritage féministe reçu par les enfants des militantes françaises de la « deuxième vague ») et le collectif Clio (qui, au cours des années 80, a mis en lumière le passé des femmes au Québec), la question de l’héritage des femmes et des féministes demeure incontournable. Ce numéro à venir permettra ainsi d’examiner ce qui se maintient, se perd ou se transforme dans les héritages, question fédératrice d’une réflexion que nous souhaitons transversale et multidisciplinaire. Il fait suite, près de 30 années plus tard, au dossier « Temps et mémoire des femmes » publié par la revue Recherches féministes, en déplaçant les enjeux de typologisation de l’histoire des femmes et du féminisme auquel était consacré le numéro, et entend privilégier une approche herméneutique qui interroge moins les catégorisations du féminisme que les discours et les pratiques qui les constituent. On pourrait étudier, par exemple, les discours sur le féminisme de seconde vague dans les journaux de grande diffusion. En ce sens, réfléchir aux héritages féministes permet, plus largement, de remettre en question les savoirs sur lesquels les féminismes s’érigent, que ce soit en y adhérant ou en les infirmant.

Nous désirons favoriser l’inclusion d’une diversité de perspectives et de démarches méthodologiques – y compris les propositions qui seraient pensées à partir de savoirs traditionnels, de méthodologies autochtones et de perspectives décoloniales – et nous sommes ouvertes à des propositions d’articles de recherche issus de toutes les disciplines.

Les axes suivants seront considérés :

1) des héritages féministes déterminants

Ce premier axe permettra d’explorer par quels discours et quelles pratiques se sont constitués les héritages féministes. Nous nous intéresserons ici à la dimension tant matérielle (publications, tracts, zines, œuvres d’art visuel) qu’immatérielle (récits oraux, événements marquants, œuvres performées, militantisme en ligne) de ces héritages. Des recherches sur les publications féministes et leur réception dans le temps, sur la transmission entre générations de féministes, sur la continuité de certains symboles ou encore sur la réappropriation d’œuvres et de pratiques traditionnellement féminines (arts textiles ou artisanat, par exemple) dans une perspective féministe pourraient s’inscrire dans cet axe ;

2) des héritages féministes (re)pensés

Ce deuxième axe analysera le caractère construit des héritages féministes à travers la valeur et les significations qu’on leur attribue dans le présent. Quels sens donne-t-on aux actions des femmes du passé et quels récits en sont forgés pour constituer une communauté au fil du temps ? Et plus récemment, avec le surgissement d’enjeux mémoriels dans l’actualité, quelles figures choisit-on de prendre en héritage à l’aune des critiques féministes, antiracistes, décoloniales et queers ? Cet axe pourrait par exemple réunir des analyses et des démarches historiennes (recherche d’une « mémoire des femmes » dans une démarche féministe), matrimoniales (legs de femmes redécouverts en observant de nouvelles préoccupations féministes) et épistémologiques (contribution des théories féministes dans le rapport aux savoirs et aux disciplines, ou à l’étude des héritages) ;

3) des legs conflictuels

Ce troisième axe mettra l’accent sur les tensions qui jalonnent la constitution des héritages féministes, tant sur le plan des silences que des legs critiqués ou refusés. Qu’advient-il lorsqu’il y a rupture de la transmission, des mémoires tues ou occultées, des héritages marginalisés par les courants dominants – qu’ils soient, à titre d’exemple, coloniaux, hétérosexistes, transphobes ou capacitistes ? Quelles sont les histoires souterraines qui peuvent alors surgir, qu’elles proviennent d’un héritage familial, migratoire, militant ou intellectuel ? Les legs conflictuels pourront également être envisagés entre femmes et féministes (rejet d’un héritage féministe) ou entre les féministes elles-mêmes, par exemple entre féministes radicales, matérialistes, décoloniales, queers ou marxistes, autour d’enjeux et de débats qui peuvent diviser les mouvements dans le temps.

Il sera donc possible d’envisager dans cet axe les discours en circulation et les questions d’héritages d’une manière synchronique ou diachronique.

Conditions de soumission

Les propositions (300 mots) doivent parvenir à la revue

avant le 15 février 2021.

Les manuscrits (6 500 mots) doivent être soumis au plus tard le 15 juin 2021 et respecter le protocole de publication.

Ils doivent être transmis au secrétariat de la revue ainsi qu’à Marie-Andrée Bergeron (marieandree.bergeron@ucalgary.ca).

Coordination scientifique

  • Marie-Andrée Bergeron, post-doctorante en études littéraires, université du Québec, Montréal
  • Camille Robert, doctorante en histoire à l'université du Québec, Montréal
  • Chloé Savoie-Bernard, doctorante en littérature à l'université du Québec, Montréal
Posted