CfP: Comics and graphic novels at work

Call for papers, deadline 31 May 2021 (in English and French)

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Dossier coordonné par Jean-Paul Géhin, Françoise F. Laot et Pierre Nocérino

Appel à contribution pour la revue Images du travail, travail des images

Bien culturel particulièrement apprécié, la bande dessinée conduit à interroger le travail de multiples façons.

Elle permet tout d’abord de mettre le travail en image : nombre de publications décrivent aujourd’hui diverses réalités sociales, parmi lesquelles de multiples pratiques professionnelles (Géhin, 2018-2019). Ce phénomène est accentué par l’émergence de la bande dessinée documentaire, appelée aussi « bande dessinée reportage » ou encore « bande dessinée du réel », soit un genre visant à rendre compte du réel pour témoigner (Lesage, 2017). La bande dessinée documentaire connaît la notoriété avec l’obtention par Art Spiegelman du prix Pulitzer en 1992 ou plus tard le succès des albums de Joe Sacco. Au point que certaines structures éditoriales se dédient à ce type de production : outre les collections créées au sein de multiples maisons d’édition, on peut citer les journaux La revue dessinée, The nib et Topo.

« Ethnographie embarquée dans le milieu de la bande dessinée » (extrait de la thèse de P. Nocérino).

Mais si la bande dessinée interroge le travail, c’est aussi et surtout en tant qu’activité sociale à part entière. En effet, la production de ces récits dessinés nécessite tout un ensemble d’acteurs et d’actrices impliqué·es à différents niveaux de création et/ou d’exécution dans le process d’édition. Si les auteurs et autrices comme les éditeurs et éditrices peuvent mettre en avant le plaisir qu’ils et elles ont dans leur activité, ils et elles soulignent parallèlement les nombreuses difficultés du milieu : précarité économique, pression pour tenir les délais, sexisme omniprésent et invisibilisation du travail des femmes, manque de reconnaissance de la part du public ou de l’État, etc. Ces plaisirs et souffrances au travail des professionnel·les ont conduit à des mobilisations et à la création de collectifs[1]. Ils sont parfois aussi des sources d’inspiration, qu’ils soient traités frontalement (Désœuvré de Lewis Trondheim, Une vie dans les marges de Yoshihiro Tatsumi, Cases Blanches d’Olivier Martin et Sylvain Runberg…) ou indirectement (Les Ignorants d’Étienne Davodeau, Le roi des bourdons de David de Thuin, la série l’Atelier Mastodonte publiée dans le Journal de Spirou…).

Une fois encore, l’évolution du médium renforce ce phénomène. En effet, s’est développée une bande dessinée autobiographique permettant à l’auteur ou à l’autrice de mettre sa vie au cœur du récit, activant ainsi l’imagination sociologique que Charles Wright Mills (1961) appelait de ses vœux, et rendant l’individu capable de situer sa biographie dans la grande histoire. Née dans les années 1960 au Japon et aux États-Unis, la bande dessinée autobiographique s’est fortement développée dès la fin du XXe siècle, que ce soit dans les fanzines ou l’édition traditionnelle en passant par les blogs BD. Ce courant a donné lieu à de nombreuses productions remarquables, notamment en Europe, comme celles de Marguerite Abouet, Antonio Altarriba, Manu Larcenet, Catherine Meurisse, Marjane Satrapi ou Riad Sattouf, parmi bien d’autres.

Ces deux tendances lourdes observées dans le secteur de la bande dessinée – souci documentaire et inspiration autobiographique – se réunissent au sein d’un genre plus large : le roman graphique. Si cette expression n’est pas sans poser problème du fait d’une définition vague et allusive[2], elle permet d’insister sur la forte réflexivité développée lors de la production de ces œuvres. En effet, qu’elles soient engagées ou non, ces publications s’accompagnent souvent d’une réflexion sur la démarche et les possibilités du médium, renvoyant au développement de la littérature dite de « non-fiction » (Groensteen, 2016). Une telle démarche s’alimente à trois sources importantes : les techniques d’investigation des sciences sociales, le récit de soi, la démarche journalistique.

Se pose dès lors la question suivante : En quoi le travail mis en images est-il affecté et orienté par l’organisation et les modalités du travail de l’ombre ?

Pour répondre, ce numéro thématique d’ITTI interrogera l’articulation entre deux dimensions complémentaires :

  • La première concerne les acteurs et les actrices du secteur, leurs caractéristiques sociales, leurs parcours professionnels, la division du travail, les rapports sociaux de production, les modalités d’apprentissage et d’insertion, les difficultés rencontrées pour faire sa place, l’existence de plafonds de verre selon l’origine sociale, culturelle ou socio-sexuelle…
  • La seconde renvoie au contenu même des productions : quelle place y tient le travail ? Quels aspects du travail contemporain et de son évolution y sont retenus, montrés et de quelle manière ? En quoi peut-on y lire la marque de celui des acteurs et des actrices du secteur ?

L’articulation entre ces deux pôles servira de fil rouge à la construction du numéro, mais devrait pouvoir également être traitée en soi, de manière centrale ou périphérique, au sein de chaque contribution.

Le numéro vise à poursuivre la réflexion en proposant aux contributeurs et contributrices de faire des propositions d’articles sous forme de bande dessinée, notamment dans la rubrique « Images en chantier » de la revue, qui a pour vocation de publier des travaux mobilisant de manière innovante les images. L’écriture en bande dessinée des sciences sociales est effectivement un révélateur des épreuves et routines du travail des recherches, que ce soit lors du recueil, de l’analyse ou de la restitution des données (Nocérino, 2016 ; Kuttner, Sousanis et Weaver-Hightower, 2017). Outre des propositions dessinées, les chercheurs et chercheuses peuvent aussi proposer des articles revenant sur les modalités d’organisation du travail qui permettent ou, au contraire, limitent la mise en image de leur propre travail.

Les propositions de contributions peuvent être issues des différentes sciences sociales. Elles reposent sur l’analyse et/ou la production d’un corpus d’images (y compris, bien sûr, de bandes dessinées). Ces images doivent être reproduites dans l’article. Rappelons que Images du travail, Travail des images est une revue scientifique entièrement numérique, gratuite et ouverte. L’auteur doit à ce titre s’assurer de la disposition des droits d’utilisation et de diffusion. Les articles sont d’un format de 30 000 à 50 000 signes maximum. Dans un premier temps, sont attendues des propositions d’articles soit un texte d’intention de 2000 à 3000 signes en tenant compte du calendrier suivant :

  • 31 mai 2021 : date limite de réception des propositions par courriel aux adresses suivantes  (ces propositions peuvent être rédigée en français comme en anglais).
  • 15 décembre 2021 : envoi des articles en vue de leur soumission au comité de rédaction de la revue (les publications devront impérativement être rédigée en français).

Contacts pour toutes informations complémentaires et pour l’envoi des documents : 

Bibliographie 

Baetens J. (2012), « Le roman graphique », dans É. Maigret et M. Stefanelli (eds.), La bande dessinée: une médiaculture, Paris, A. Colin, p. 200‑216.

Géhin J.-P. (2018-2019), « La bande dessinée montre le travail de l’intérieur. 1. Un regard à la fois documenté et intimiste. 2.  Le point de vue des dominés 3. Un point de vue renouvelé sur le travail et les professions. », Images du travail [En ligne] (url : https://itti.hypotheses.org/818  ; https://itti.Hypotheses.org/1169 ; https://itti.hypotheses.org/1218 )

Groensteen T. (2016), « Extension du domaine de la non-fiction », neuvième art 2.0 [En ligne] (url : http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?article1091).

Kuttner, P. J., Sousanis N. et Weaver-Hightower M. B. (2017), « How to Draw Comics the Scholarly Way: Creating Comics-Based Research in the Academy » dans P. Leavy (ed.), Handbook of Arts-Based Research, New York, The Guilford Press, p. 398‑422.

Lesage S. (2017), « La bande dessinée, une nouvelle écriture de l’info », La revue des médias [En ligne] (url : https://larevuedesmedias.ina.fr/la-bande-dessinee-une-nouvelle-ecriture-de-linfo).

Mills C. W. (2006 [1961]), L’imagination sociologique, Paris, La Découverte.

Nocérino P. (2016), « Ce que la bande dessinée nous apprend de l’écriture sociologique », Sociologie et sociétés, vol. 48, n°2, p. 169‑193.

Nocérino P. (2020), Les auteurs et autrices de bande dessinée. La formation contrariée d’un groupe social, Thèse de sociologie, sous la direction de C. Lemieux, Paris, ehess.


[1] Ces collectifs peuvent prendre la forme de syndicats (à l’image du SNAC-BD créé en 2007), d’association (l’association Artémisia fondée en 2007 par Jeanne Puchol et Chantal Montellier pour promouvoir la visibilité du travail des femmes dans la bande dessinée) mais également de groupes informels (comme le Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme créé en 2016 ou le collectif Auteurs et Autrices en Action créé en 2019). La constitution et les actions de certains de ces collectifs a fait l’objet d’une analyse dans la thèse de Pierre Nocérino (2020).

[2] Selon Jan Baetens (2012), le roman graphique se distingue par sa production (il résulte d’un auteur ou une autrice, et pas d’un éditeur ou d’un producteur extérieur), son contenu (il aborde des thèmes destinés à un public adulte, avec un graphisme souvent distinct des publications destinées à la jeunesse), sa matérialité (des one-shot en noir et blanc aux paginations importantes) et sa réception (notamment via une diffusion dans le circuit traditionnel du livre littéraire).

Comics and graphic novels at work

Issue coordinated by Jean-Paul Géhin, Françoise F. Laot and Pierre Nocérino

Call for papers for the journal Images du travail, travail des images

Comics is a cultural asset that is particularly appreciated all around the world. Moreover, it also leads its readers to question the work in many ways.

First, comics are used to propose a visual representation of work: today, numerous publications describe various social realities, including many professional practices (Géhin, 2018-2019). This phenomenon is accentuated by the emergence of a specific genre: non-fiction comics[k1] . This genre, also called « comics journalism » or « bande dessinée du réel [comics about reality] », aims to report various facts in order to make a testimony about any kind of experiences (Lesage, 2017). Non-fiction comics became popular when Art Spiegelman won the Pulitzer Prize in 1992, and later in the wake of the success of Joe Sacco’s books. The popularity of the genre has grown so much that several publishers dedicated specific collections to this type of production, or even created magazines of comics journalism (i.e. The Nib[k2] , La revue dessinée and Topo).

However, if comics question work by picturing it, it also – and above all – does it as a social activity. Indeed, the production of these comic books requires a whole set of actors involved in different steps of creation and/or execution in the publishing process. While authors or publishers can highlight the pleasure they derive from their activity, they also point out the many difficulties in the field: economic precariousness, pressure to meet deadlines, omnipresent gender discrimination and invisibility of women’s work, lack of recognition from the public or the government, etc. These pleasures and sufferings in the work of professionals have led to social movements and the creation of collectives[1]. But they also are a source of inspiration, whether they are treated head-on (Désœuvré by Lewis Trondheim, A drifting life by Yoshihiro Tatsumi, Cases Blanches by Olivier Martin and Sylvain Runberg…) or indirectly (The initiates by Étienne Davodeau, Le roi des bourdons by David de Thuin, the series l’Atelier Mastodonte published in Le Journal de Spirou…).

Once again, the evolution of the medium reinforces this phenomenon. Indeed, there has been a growing interest in autobiographical comics, allowing the autho[FL3] r [k4] to put his or her life at the heart of the story. This way, authors activate what Charles Wright Mills (1961) called a sociological information, allowing themselves to situate their biography in the great history. Born in the 1960s in Japan and the United States, autobiographical comics is a genre which strongly increased from the end of the 20th century, whether in fanzines, traditional publishing or webcomics. From this ongoing rise resulted many remarkable productions, especially in Europe, such as books from Marguerite Abouet, Antonio Altarriba, Manu Larcenet, Catherine Meurisse, Marjane Satrapi or Riad Sattouf, among many others.

These two heavy tendencies observed in the comic books market – documentary concern and autobiographical inspiration – come together within a broader genre: the graphic novel. Although this expression may appear problematic due to a vague and allusive definition[2], it allows us to insist on the deep reflexivity developed along the production of these works. Indeed, whether they are political or not, these publications often relied on thoughts about the approach and the possibilities of the medium, referring to the development of so-called « non-fiction » literature (Groensteen, 2016). Such an approach thrives on three major sources: the investigative techniques of the social sciences, the narrative of the self, and the journalistic approach.

This raises the following question: In what way is the work put into images affected and oriented by the organization and modalities of the comics work?

This thematic issue of ITTI will examine the articulation between two complementary dimensions:

– The first addresses the actors of the sector, their social characteristics, their professional paths, the division of labor, the social relations of production, the modalities of learning and vocational integration, the difficulties encountered to make one’s place, the existence of glass ceilings according to social groups, cultural origins or gender…

– The second refers to the very content of the productions: what place does the work takes in it? What aspects of contemporary work and its evolution are retained/shown and in what way? How does the representation of work in comics mirror the way work is organized in the publishing world?

The articulation between these two poles will serve as a common thread in the construction of the issue of the journal, but it could also, centrally or peripherally, be treated in itself in each contribution.

The issue aims to continue the analysis by offering contributors the opportunity to make proposals for articles in comic forms, particularly in the « Images en chantier [Images under construction] » section of the journal, which aims to publish works that mobilize images in an innovative way. Writing social science in comics indeed reveals the troubles and routines of research work, whether during the collection, the analysis or the restitution of data (Nocérino, 2016; Kuttner, Sousanis and Weaver-Hightower, 2017). In addition to graphic proposals, researchers can also question how the ways in which work is organized allows or, on the contrary, limits the presentation of their own work.

Proposals may come from the various social sciences. They are based on the analysis and/or production of a corpus of images (including, of course, comics). These images must be reproduced in the article. Please notice that Images du travail, Travail des images is an entirely digital, free and open scientific journal. As such, the author must ensure that the rights of image use and distribution are available. The full text will be 30,000 to 50,000 characters maximum. At a first stage, are expected proposals of 2000 to 3000 characters, taking into account the following schedule ,:

– May 31, 2021: deadline for receipt of proposals by e-mail to the following addresses (proposals may be written in French or English).

– December 15, 2021: sending of articles for submission to the journal’s editorial board (publications must be written in French).

Contacts for any further information and for the sending of documents:

– Jean-Paul Géhin, University of Poitiers, GRESCO : jpgehin@gmail.com

– Françoise F. Laot, University Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, EXPERICE, francoise.laot@univ-paris8.fr

– Pierre Nocérino, EHESS, LIER-FYT : pierre.nocerino@gmail.com

– La revue Image du travail, travail des images: imagesdutravail@gmail.com


[1] These collectives can take the form of unions (such as the SNAC-BD created in 2007), associations (Artémisia founded in 2007 by Jeanne Puchol and Chantal Montellier to promote the visibility of women’s work in comics) but also informal groups (such as the Collective of Comic Book Creators Against Sexism created in 2016 or the collective Auteurs et Autrices en Action created in 2019). The constitution and actions of some of these collectives were analyzed in Pierre Nocérino’s thesis (2020).

[2] According to Jan Baetens (2012), the graphic novel is distinguished by its production (it is the work of an author, not of an external publisher or producer), its content (it deals with themes intended for an adult audience, with a graphic design often distinct from publications intended for young people), its materiality (black and white one-shot with extensive paginations) and its reception (it is usually distributed in the in the traditional literary book circuit).

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