CfP: Le travail en Haïti

Call for papers, deadline 26 March 2021 (in French)

Le travail est une de ces notions problématiques qui ne se laissent pas aborder au travers d'une définition qui fait consensus. Son contenu et son sens varient selon les époques et les cultures (Mercure et Spurk, 2019). À la question qu’est-ce que le travail, les sciences sociales proposent différentes réponses. Pour certains, c’est un phénomène anthropologique propre à l’être humain dans son rapport avec la nature. Karl Marx (1867) par exemple définit le travail comme un processus dans lequel l’être humain, par une action physique, transforme la nature en quelque chose qui lui est utile. Et ce faisant, il se transforme lui-même. Allant dans cette même conception, certains auteurs considèrent le travail comme toute activité à vocation productive (Lallement, 2007 ; Vatin, 2014). Si l’acte de transformation de la nature est d’ordre anthropologique, la catégorie travail telle que conçue dans les sociétés contemporaines est pour d’autres auteurs d’ordre historique et remonte à l’avènement de la modernité occidentale. Elle est liée au salariat et se définit dans le cadre de ce rapport social (Gorz, 1988; Méda et Vendramin, 2013).

On retrouve ailleurs d’autres approches dans la manière de concevoir le travail. Il est tantôt associé à la pénibilité (Arendt, 1961 ; Volkoff, 2006,), à la réalisation de soi (Flichy, 2017), à ce qui permet de se donner du sens (Hanique, 2004; Dujarier, 2006). Outre ces différentes conceptions du travail, sans verser dans une généralité, il faut également l’analyser dans son contexte culturel, historique en lien avec ses différentes formes concrètes selon les sociétés (Naville et Friedman, 1961).

Il en ressort que pour étudier le travail, il est nécessaire de le prendre dans un rapport au temps et à l’espace qui lui donnent forme. C’est dans ce cadre-là que le Centre haïtien de recherche en sciences sociales (Charesso) réalise une journée d’étude sur la question du travail en Haïti. Dans un contexte de désengagement de l’État et d’une débrouille systémique, le Centre invite les chercheurs et les chercheuses à réfléchir sur le travail en Haïti, sur son évolution dans le temps et ses différentes manifestations. Quels sont les mécanismes de contrôle et de régulation du travail ? Comment cohabitent le salariat et le travail non-salarié dans cette société ? Quelle est la part du travail souhaité et du travail par défaut (Alcimé et Louis, 2021) ? Quelle place occupe le travail dans la vie des Haïtiens ?

Les contributions à cette journée d’études peuvent s’orienter suivant quatre axes.

Axe 1. Histoire du travail en Haïti

A travers cet axe, les chercheuses et chercheurs sont conviés à proposer des découpages historiques sur le travail dans la société haïtienne. Quelles sont les formes et les évolutions qu’a connu le travail ? En quoi son histoire fait écho ou pas avec l’histoire du travail dans d’autres espaces géographiques ?

Axe 2. Représentation sociale et rapport au travail

L’histoire d’Haïti est frappée du sceau de l’esclavage qui a laissé des empreintes encore présentes dans la vie des Haïtiennes et des Haïtiens. La forme dominante du travail dans la société esclavagiste était le travail forcé que fuyaient celles et ceux qu’on a appelé les marrons. Cette nécessaire représentation du travail comme pénibilité à fuir se retrouve-t-elle encore aujourd’hui dans le rapport au travail en Haïti ? D’un autre côté, quel sens prend le travail dans une société de débrouille ? Il est également question ici, de déceler un ethos du travail qui recouvre les valeurs, attitudes et croyances qui témoignent de la place et du sens du travail dans la vie de l’Haïtien.

Axe 3. Conditions et qualité de travail

Questionner les conditions de travail revient à analyser les mécanismes institutionnels et juridiques et leur mise en application dans l’objectif de rendre le travail supportable.  Faut-il revoir le code du travail haïtien face aux nouvelles formes et catégories des travailleurs ?  En quoi les mesures juridiques protègent les Haïtiennes et les Haïtiens contre le harcèlement, les risques psychosociaux et les maladies dues à l’usure professionnelle ? Comment analyser l’effectivité des organismes de protection ou de sécurité sociale en Haïti ? Comment concevoir le droit des travailleurs et la liberté syndicale par « catégorie » professionnelle ? Cet axe vise aussi à questionner la qualité du travail en temps de crise, le déploiement du travail numérique et le numérique au travail en Haïti.

Axe 4. Précarité, chômage et travailleurs pauvres

En Haïti, une grande partie des travailleuses et des travailleurs sont pauvres. Ces personnes sont dans l’incapacité de satisfaire leurs besoins fondamentaux et leurs activités ne leur permettent pas de sortir de la pauvreté et du chômage de masse. Cette situation pousse à questionner la notion du chômage. Que signifie être au chômage en Haïti ?  Quels sont les critères adoptés par Haïti pour le définir ?  Qu’est-ce qui différencie un travailleur non salarié d’un chômeur en Haïti ? Cet axe propose de questionner la précarité en Haïti, les types d’emplois, de contrats de travail, les revenus des travailleurs par rapport à leurs besoins. 

Soumission des propositions

Les propositions de communication sont à déposer jusqu’au 26 mars 2021 sur le lien suivant.

Les propositions comporteront entre de 2000 et 2 500 signes (espaces compris, bibliographie non incluse) ainsi que cinq mots-clés.

Calendrier

Réception des propositions

26 mars 2021

Notification aux auteurs

2 avril 2021

Réalisation de la journée d’études

30 Avril 2021

Évaluation

Les communications seront évaluées par le comité scientifique. Les critères d’évaluation sont la rigueur, la cohérence et la pertinence par rapport au thème central et aux axes thématiques de la journée.

Comité d’organisation

Comité scientifique

  • Delphine Vincenot, Ph.D., Laboratoire du Changement Sociale et Politique, Université de Paris
  • Lefranc Joseph, Ph.D., Centre haïtien de recherche en sciences sociales et Université d'État d'Haïti
  • Jean-Jacques Cadet, Ph.D., Laboratoire Langues, discours et représentations, Université d'État d'Haïti et Université Quisqueya
  • Djems Olivier, Ph.D., Université de Port-au-Prince
  • Billy Jacotin, Ph.D., Laboratoire Langues, discours et représentations, Université d’État d’Haïti  et CREFIMA Université

Bibliographie

Alcimé, Bengie et Louis, Wilsot, 2021, « La vente de crédits de communication au croisement du travail par défaut et de la débrouille exploitée », SociologieShttp://journals.openedition.org/sociologies/16327

Arendt, Hannah, 1961, Condition de l’homme moderne, Paris, Agora.

Dujarier, Marie-Anne, 2006, L’idéal au travail, Paris, PUF.

Flichy, Patrice, 2017, Les nouvelles frontières du travail à l'ère du numérique, Paris, Seuil.

Gorz, André, 1988, Métamorphoses du travail. Critique de la raison économique, Paris, Gallimard.

Hanique, Fabienne, 2004, Le sens du travail. Chronique de la modernisation au guichet, Ramonville Saint-Agne, Érès.

Lallement, Michel, 2007, Le Travail. Une sociologie contemporaine, Paris, Gallimard.

Marx, Karl, 1867, Le Capital, Livre 1, Paris, PUF.

Méda, Dominique et Vendramin, Patricia, 2013, Réinventer le travail, Paris, PUF

Mercure, Daniel et Spurk, Jan (dir), Les théories du travail, Laval, Presses de l’Université Laval

Naville, Pierre et Friedmann, Georges, 1961, Traité de sociologie du travail, Paris, Armand Colin.

Vatin François, 2014, Le travail : Activité productive et ordre social, Paris, Presses universitaires de Paris Ouest.

Volkoff, Serge, 2006, « Montrer » la pénibilité : le parcours professionnel des éboueurs, actes de la recherche en sciences sociales, No 163, PP 62-71.

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