CfP: Les formes de réglementation des métiers dans l’Europe médiévale et moderne

Call for papers, deadline 1 June 2019 (in French)

Les formes de réglementation des métiers dans l’Europe médiévale et moderne

3èmesjournées d’études :Objets et contenus des réglementations de métier 

(Moyen Âge époque moderne)

Paris-Est Marne-la-Vallée, 14-15 novembre 2019

 

Depuis les travaux anciens menés au cours de la seconde moitié du XIXeet de la première moitié du XXesiècle[1], s’appuyant sur la vague concomitante des éditions de sources sur les règlements des métiers[2], et les dernières grandes enquêtes réalisées par le juriste André Gouron et l’historien Bronislaw Geremek dans les années 1950-1960[3], la question des structures professionnelles sous l’Ancien Régime n’a pas été revisitée. Or, depuis les années 2000, nombre d’historiens se sont penchés sur les métiers sous des angles nouveaux (ceux du travail, de l’économie, de la technique)[4]. Il a donc semblé opportun de réexaminer le problème de l’organisation des métiers aux époques médiévale et moderne à travers leur réglementation, à partir d’une réflexion commune, menée dans un cadre international.

Il s’agit de proposer une relecture de la question à l’échelle européenne à partir de quelques cas concrets, en privilégiant une approche comparée tirant parti des récents renouvellements historiographiques. Promouvant une vision intégrée des systèmes de réglementation, elle souhaite replacer ces derniers dans leurs contextes sociaux, économiques, juridiques et politiques, en s’intéressant notamment aux relations entre les gens de métier et les pouvoirs publics.

Le point de départ du projet est de considérer qu’il n’existait pas un seul mode de réglementation des activités professionnelles, mais plusieurs, propres à un métier, une ville, un espace régional, dont chacun fit l’objet d’une genèse et d’évolutions particulières, en s’inscrivant dans des rythmes et des processus divers (systèmes de codification orale des pratiques professionnelles ; fondation écrite ; homologation, renouvellement, réforme au travers de projets aboutis ou inaboutis ; essaimage de multiples transformations de détail, etc.). L’approche comparée peut permettre de mieux saisir ces différences et similitudes, du point de vue formel et chronologique, en insistant plus particulièrement sur les phases de création et de renouvellement des dispositifs réglementaires. Si les études sur les statuts de métier occupent une place fondamentale dans l’historiographie de la question, la réflexion ne doit d’ailleurs pas s’arrêter aux seuls groupements professionnels ou corps de métiers constitués, faisant l’objet de corpus réglementaires rassemblés et ordonnés pour et par un secteur d’activité spécifique. L’analyse se veut plus globale, en s’ouvrant d’une part à l’ensemble des activités de l’artisanat, de l’industrie et du commerce, et d’autre part à tous les types de réglementation, sans se restreindre aux seuls statuts professionnels, qui représentent sans doute la forme normative la plus aboutie, mais qui coexistent avec de multiples autres formes réglementaires (ordonnances, sentences, règlements, us et coutumes, lettres patentes, décisions, etc.).

Nous conduisons cette réflexion collective dans le cadre d’une série de journées d’études européennes. Les premières se sont tenues à Paris les 30 novembre-1er décembre 2017 et ont porté sur « Formes et typologie des réglementations des métiers » ; les deuxièmes ont eu lieu à Marne-la-Vallée les 13-14 septembre 2018 sur le thème « Les acteurs des normes professionnelles ».Les troisièmes journées qui sont l’objet du présent appel envisageront la question des « Objets et contenus des réglementations de métier (Moyen Âge-époque moderne) » et se dérouleront à nouveau à Marne-la-Vallée, les 13 et 14 novembre 2019. Ce cycle de rencontre se clôturera par un quatrième volet qui, en 2020, doit être consacré à la diffusion et à la transformation de la réglementation des métiersdu point de vue spatial et chronologique. 

 

3èmesjournées d’études :Objets et contenus des réglementations de métier (Moyen Âge-époque moderne)

 

Ces journées consacrées à l’analyse des « objets et contenus » des réglementations de métier se proposent de considérer toutes les sortes de règles qui encadrent les activités professionnelles, qu’il s’agisse de coutumes, de règles éparses prises à des moments différents, ou de statuts de métier. Dans ce dernier cas, le règlement sera considéré en tant qu’ensemble, dans une approche résolument dynamique et comparative. Si, à juste titre, certains articles sont souvent isolés pour rendre compte de tel ou tel aspect de la norme, nous proposons, au cours de ces troisièmes journées de chercher à envisager chaque norme comme un tout qui, certes, n’est pas figé et peut résulter de révisions multiples lui donnant un caractère quelque peu hétérogène, mais n’en demeure pas moins souvent unifié, pour les contemporains, sous une référence unique. La réglementation des métiers sera donc envisagée sous toutes ses formes (écrites et non écrites) notamment par le croisement de différentes sources afin d’en comparer et d’en singulariser autant que possible les objets et contenus, à un moment, en un lieu ou pour un métier ou un ensemble de métiers donnés.

C’est, en effet, par l’analyse des contenus que nous entendons chercher à saisir les finalités effectives de la réglementation, et mieux appréhender, au-delà des buts revendiqués dans les préambules de certains textes, les visées sous-jacentes ou implicites de ces normes. Le fait de disposer, dans bien des cas, de corpus incomplets et de devoir, notamment dans le cas des coutumes orales, se contenter souvent de la vision « en creux » que livre la documentation conservée, n’empêche pas de voir sur quoi portent les articles mentionnés et comment ils se répartissent entre :

-      Le fonctionnement institutionnel du métier, s’il est organisé : gouvernance ou administration interne de l’association (mode(s) de désignation des représentants ou dirigeants du métier ; modalités d’entrée dans l’association de métier ; organisation de la police du métier ; rapports avec les autorités,…) ;

-       L’organisation des rapports entre les différents acteurs d’un même métier ou de métiers connexes : règlement des conflits, assistance professionnelle, sociabilité (banquets),,…

-       Les prescriptions sur la main d’œuvre : encadrement de la formation, des compagnons, examen de la qualification (maîtrise, chef d’œuvre), redevances…

-       les prescriptions techniques et commerciales : fixation de prix, de salaires, de normes concernant la production et la commercialisation,…

-       les clauses originales : règles morales (mariage légitime), particularismes locaux,…

La lettre même de ces prescriptions, leur portée et leur objet, peuvent, si l’on y prête attention, nous aider à caractériser les réglementations en vigueur et nous permettre d’aborder les questions suivantes :

  1. 1.    Complémentarité ou concurrence entre écrits et entre écrit et oral ?

Les conflits ouverts ou latents entre métiers, communautés et autorités seigneuriales, ont illustré à l’envi les enjeux représentés par le pouvoir de dire la norme. Mais comment, alors, envisager la stratification règlementaire observable dans bien des domaines ? Faut-il y voir la marque d’une concurrence entre les acteurs ou une forme plus ou moins apaisée de « répartition des compétences » ? L’analyse des objets et contenus des diverses réglementations contemporaines en vigueur pour un métier ou un secteur d’activité donné ne peut-il nous aider à mieux appréhender les domaines respectifs éventuels des normes écrites et orales ?

  1. 2.    

Observe-t-on une évolution qualitative des contenus au fil du temps ?

Nous souhaitons, en effet, privilégier autant que possible une approche dynamique de la question des Objets et contenus des réglementations de métier. Il sera proposé, par exemple, d’étudier l’évolution des matières abordées dans les différentes réglementations conservées pour un même métier sur une période d’un ou de deux siècles (voire de la période médiévale à la période moderne, dans une optique diachronique), afin de croiser cette évolution avec celle de la conjoncture socio-économique et institutionnelle dans laquelle opèrent les acteurs des métiers. Cela permettrait de montrer à quel point la norme peut s’avérer souple (ou pas), toujours susceptible d’inflexions multiples (ou pas). 

  1. 3.    

Objets et contenus varient-ils en fonction des métiers considérés ?

Il serait tout aussi intéressant d’étudier dans une approche comparée, à un moment déterminé, les différentes matières abordées dans quelques métiers contemporains, afin de repérer des cohérences générales dans l’encadrement réglementaire des activités économiques, mais aussi les spécificités liées à telle ou telle profession. 

  1. 4.    

Comment s’applique la norme ?

Procès, expertises et actes de la pratique permettent, dans certains cas, d’apprécier la distance qui a pu exister entre la norme et la pratique. Lorsqu'ils sont conservés, les artefacts archéologiques offrent également une appréhension directe de cette distance par leur étude matérielle. Plus qu’une remise en question totale des règles édictées, ces observations interrogent sur la souplesse avec laquelle elles pouvaient, ou non, être appliquées et ainsi parfois renseigner en creux sur les motivations réelles de ces réglementations. Les modifications éventuelles pourront permettre de constater quelles sont les mesures envisagées pour renforcer l’effectivité de la norme. C’est aussi dans les litiges que peuvent s’apprécier la supériorité de certaines règles sur d’autres et une forme de hiérarchisation des objets.

 

Les personnes souhaitant proposer une communication sont priées d’adresser le titre de l’intervention envisagée ainsi qu’un résumé d’une demi-page à métiers2019@u-pem.fren prenant soin d’indiquer dans le court CV joint à la proposition leur organisme de rattachement, avant le 1 juin 2019.

Les communications pourront être présentées en français comme en anglais ou devront, a minima, être accompagnées d’un Power Point dans l’une de ces deux langues.

 

Comité d’organisationdu troisième colloque international : Philippe Bernardi (Paris 1-Lamop) ; Caroline Bourlet (CNRS-IRHT) ; Maxime L’héritier (Paris 8-EA 1571) ; Corine Maitte (UPEM-ACP) ; Judicaël Petrowiste (Paris Diderot-ICT)

Comité scientifiquede l’ensemble des rencontres : Philippe Bernardi (Paris 1-Lamop) ; Caroline Bourlet (IRHT) ; Robert Carvais (CTAD) ; Corine Maitte (UPEM-ACP) ; Judicaël Petrowiste (Paris Diderot-ICT) ; François Rivière (Paris Diderot-ICT) ; Arnaldo Sousa Melo (Universidade do Minho)

 


[1]Cf notamment Émile LEVASSEUR, Histoire des classes ouvrières en France depuis la conquête de Jules César jusqu’à la Révolution, Paris, 1859 ; Étienne MARTIN-SAINT-LEON, Histoire des corporations de métiers depuis leurs origines jusqu’à leur suppression en 1791, Paris, 1897 ; Hyppolite BLANC, Les corporations de métiers : leur histoire, leur esprit, leur avenir, Paris, 1898 ; Henri HAUSER, Ouvriers du temps passé (XVe-XVIesiècles), Paris, 1899 ; ID., Travailleurs et marchands dans l’ancienne France, Paris, 1929 ; Joseph BILLIOUD, « De la confrérie à la Corporation : les classes industrielles en Provence aux XIVe, XVeet XVIesiècles », Mémoires de l’institut historique de Provence, tome VI, 1929, p. 235-271 ; Émile COORNAERT, Les corporations en France avant 1789, Paris, 1941, etc. On ne saurait omettre l’impact des travaux du juriste François OLIVIER-MARTIN, L’organisation corporative de la France de l’Ancien Régime, Paris, 1938.

[2]L’archétype en est assurément le recueil constitué par René de Lespinasse sur Paris, qui s’ouvre sur le fameux Livre des métiers d’Étienne Boileau (Les métiers et corporations de la ville de Paris, 4 tomes, Paris, 1879-1897).

[3]André GOURON, La réglementation des métiers en Languedoc au Moyen Âge, Paris, 1958 ; Bronislaw GEREMEK, Le salariat dans l’artisanat parisien aux XIIIe-XIVe siècles, Paris, 1968.

[4]Pour la période médiévale : James BOTHWELL, Jeremy GOLDBERG, Mark ORMROD (éds.), The Problem of Labour in Fourteenth-Century England, York, 2000 ; Philippe BERNARDI et Catherine VERNA, « Travail et Moyen Âge : un renouveau historiographique », Cahiers d’histoire, 83, 2001, p. 27-46 ; Tra Economia e politica : le Corporazioni nell’Europa medievale (Pistoia, 13-16 maggio 2005), Pistoia, 2007, p. 333-357 ; Philippe BERNARDI, Maître, valet et apprenti au Moyen Âge. Essai sur une production bien ordonnée, Toulouse, 2009. Pour la période moderne voir les travaux de Philippe MINARD, Steven KAPLAN ou Michael SONENSCHER, et pour une synthèse sous l’angle juridique Robert CARVAIS, « Pour une préhistoire du droit du travail avant la Révolution », dans Bernadette MENU (dir.), L’organisation du travail en Egypte ancienne et en Mésopotamie, Le Caire, Institut français d’archéologie orientale, Bibliothèque d’étude, 151, 2010, p. 13-37. On se reportera, plus généralement, à la bibliographie proposée à la fin de ce document.

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