***ENGLISH BELOW ***
Appel à articles pour un numéro thématique de la revue Entreprises & Histoire
L’artisanat et ses entreprises : regards croisés.
Sophie Boutillier
Université du Littoral-Côte d’Opale
Cédric Perrin
Université d’Evry Paris Saclay
En ce début des années 2020, l’artisanat peut commémorer son centenaire en France. Le moment paraît donc opportun pour se pencher sur son histoire et sa place dans les économies occidentales. Les artisans et leurs entreprises sont évidemment un fait plus ancien, mais ce n’est qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale que l’expression apparaît pour désigner le groupe socioprofessionnel qui se constituait alors. Avant la Première Guerre mondiale, il n’existait pas en France, comme dans la plupart des pays européens (hormis en Allemagne), de définition légale de l’artisan et de l’artisanat. En 1922 est créée la Confédération Générale de l’Artisanat Français (CGAF). Puis, l’Etat prend un ensemble de mesures qui sont spécifiquement destinées à l’artisanat au cours des années 1920-1930 : un statut fiscal de l’artisan et la création du Crédit Artisanal en 1923, des Chambres des métiers en 1925, l’ouverture d’un registre des métiers en 1936, l’encadrement de l’apprentissage artisanal en 1937. Cette mise en institutions n’est pas propre à la France. D’autres Etats européens (Italie, Espagne, Pays scandinaves…) se dotent également d’un statut légal de l’artisanat au cours de l’entre-deux-guerres. Les réformes engagées au cours de la seconde moitié du XXè siècle n’ont modifié qu’à la marge le périmètre de l’artisanat puisque plus de 90% des entreprises artisanales n’occupent toujours pas plus de cinq salariés. Elles ont cependant contribué à faire converger, sur fond de construction européenne, des législations nationales différentes.
Depuis l’industrialisation des économies européennes au XIXè siècle, de nombreux auteurs ont prophétisé la disparition de l’artisanat. Pourtant, force est de constater qu’il n’en a rien été. Au cours du XXè siècle, l’artisanat a fait preuve d’une remarquable stabilité en France et en Europe (Perrin, 2007, 2020). Depuis le début du XXIè siècle, il traverse même une nouvelle phase d’expansion en France. Il compte actuellement 1,5 million d’entreprises, et emploie plus de 3 millions d’actifs. En 2018, il représentait plus d’un quart des créations d’entreprises (INSEE Références, édition 2020). La presse économique fait régulièrement état non seulement du dynamisme de l’artisanat, mais également de sa forte capacité d’attractivité pour de jeunes diplômés qui ne se satisfont plus d’un poste de responsabilité dans une grande entreprise. Le travail artisanal et la maitrise du processus de travail sont ainsi privilégiés au détriment d’un travail routinier et souvent vide de sens (Sennett, 2010 ; Crawford, 2010). Plus récemment, de nombreux articles ont été également consacrés dans la presse économique à la capacité d’adaptation des artisans qui maitrisent, par exemple, l’impression en 3D ou plus généralement les technologies numériques de pointe. L’organisation du travail évolue également avec la création d’espaces de coworking équipés de fab.lab destinés, pour partie, aux entreprises artisanales et qui s’inspirent, de façon plus générale, du travail artisanal. Les entreprises artisanales s’organisent en réseaux pour coopérer et développer des savoir-faire. L’artisanat n’est pas un monde figé qui serait à l’abri du mouvement de l’histoire et de la modernité. Il évolue à l’image de la société et de l’économie dans son ensemble.
En bref, contrairement aux anticipations de nombre d’économistes et d’historiens de l’économie, les entreprises artisanales n’ont non seulement pas disparu, mais elles bénéficient d’un dynamisme certain (Boutillier, 2011). L’artisanat ne tourne pas à l’envers de la roue de l’histoire (Jaeger, 1982).
Ce renouveau de l’artisanat a retenu l’attention des chercheurs en sociologie, en économie et des sciences de gestion. A partir des années 1980, les historiens ont également commencé à s’intéresser aux mondes de l’atelier et de la boutique qu’ils avaient jusque-là délaissé au profit de la grande entreprise de type fordiste (Crossick, Haupt, 1984). Ils ont abordé dans un premier temps le XIXè siècle, de la « révolution industrielle », dans une perspective d’histoire politique et sociale du XIXè siècle, puis des travaux sur le XXè siècle se sont développés sur le France (Zdatny, 1999 ; Perrin, 2007, 2020 ; Boutillier et al., 2015 ; Zarca, 1986) et plus récemment sur l’Allemagne (McKitrick, 2016 ; Domurad, 2019). Toutefois, ces différentes approches se sont trop souvent développées en silos en ignorant les apports respectifs des unes et des autres.
Après avoir consacré quelques numéros aux PME et quelques articles sur les artisans, la revue Entreprises & Histoire se propose à présent de préparer un numéro sur l’artisanat, ses entreprises et ses entrepreneurs, dont l’ambition sera de croiser et de faire se rencontrer différentes disciplines (histoire, économie, sciences de gestion, sociologie, anthropologie, droit…) pour éclairer les capacités d’adaptation des entreprises artisanales face aux transformations économiques et le dynamisme de l’artisanat sur la longue durée, mais également pour étudier l’évolution du regard des chercheurs sur l’artisanat, comme un monde en voie de disparition à protéger ou au contraire comme une nouvelle forme de modernité.
Les articles proposés pour ce numéro peuvent porter sur les thématiques suivantes (tout en sachant que cette liste n’est pas exhaustive).
Pour lever les malentendus et les quiproquos, il paraît nécessaire de préciser de quoi, de qui, parle-t-on. En effet, le mot artisan n’a pas le même sens aux XVIIIè, XIXè puis XXè et XXIè siècles ; en France, en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni ou en Espagne. L’industrialisation a conduit à progressivement préciser et affiner le statut de l’artisan. Alors qu’il était peu différent de celui d’ouvrier, il s’en distingue par la qualification et l’indépendance. L’artisan devient celui qui exerce un métier réputé manuel pour son propre compte. Il se différencie aussi des commerçants et des industriels pour former un groupe social que l’on commence à appeler l’artisanat au début du XXè siècle. Toutefois, ce processus se fait selon des rythmes et des modalités variables selon les pays. De plus, des situations hybrides ont pu perdurer longtemps, comme celle des façonniers qui possèdent leurs outils de production, mais travaillent pour le compte d’un donneur d’ordre qui les rémunère à la pièce. Il n'existe donc pas une définition unique de l’artisan mais des statuts qui varient selon les périodes et selon les lieux. Confronté à cette variété, des institutions internationales telles que le Bureau international du travail (BIT) et l’Union européenne ont successivement renoncé à établir leur propre définition, renvoyant cette question à l’échelle nationale. La construction européenne semble néanmoins conduire à une progressive convergence des normes et des définitions nationales. Les contours de l’artisanat continuent d’évoluer avec l’introduction de nouveaux dispositifs législatifs et de nouveaux statuts tels ceux d’autoentrepreneurs, puis de microentrepreneurs en France, qui soulèvent toutefois des interrogations relatives à leur précarité. L’artisanat forme par conséquent un ensemble très hétérogène que ce soit sur le plan du statut juridique de l’entreprise (des sociétés au statut du microentrepreneur), mais aussi sur celui de l’activité (la liste officielle des activités artisanales comprend environ 250 métiers en France, plus de 150 en Allemagne).
L’évolution du cadre réglementaire met en jeu le rôle de l’Etat et invite aussi à s’interroger sur l’élaboration des politiques publiques visant à soutenir les entreprises artisanales. Certaines formations politiques, à l’exemple du parti radical-socialiste en France au cours de la IIIè République, étaient réputées proches des classes moyennes indépendantes et se sont montrées soucieuses de protéger celles-ci lorsqu’elles ont été au pouvoir. On peut toutefois s’interroger sur la portée et l’efficacité de ces protections, de ces politiques de soutien. Au-delà de l’affichage, les régimes autoritaires du XXè siècle ont en réalité assez peu protégé les artisans par exemple. On peut ainsi se demander quels Etats ont réglementé et soutenu l’artisanat et à l’inverse, quels Etats ne l’ont pas fait, à quels moments, pour quelles raisons… Plus globalement, dans quelles mesures leurs politiques économiques ont été favorables ou défavorables aux entreprises artisanales ? L’histoire de l’artisanat recoupe aussi celle des modalités de la formation professionnelle, de la mise en place d’un enseignement technique et de sa régulation par les pouvoirs publics. Un article sur l’apprentissage serait également bienvenu.
Au-delà de ces aspects institutionnels et politiques, la pérennisation de l’artisanat doit aussi être exploré dans sa dynamique proprement économique. Le déclin des artisans a paru inéluctable en raison notamment de la concurrence du capitalisme industriel. Toutefois, dans le prolongement d’une historiographie qui a réévaluée la place des petites entreprises dans l’histoire de l’industrialisation, il conviendrait de regarder de plus près cette supposée concurrence. L’industrie concurrence-t-elle vraiment l’artisanat ou bien industrie et artisanat ont-ils leurs marchés propres ? Ne faudrait-il pas privilégier le modèle d’une juxtaposition à celui d’une progressive et inévitable substitution de l’un par l’autre ? La rivalité dans certains domaines, métiers ou secteurs d’activité ne va-t-elle pas également de pair avec des complémentarités, des coopérations, voire des hybridations. Certaines grandes entreprises, notamment dans le secteur du luxe, se revendiquent volontiers d’une tradition artisanale. Des entrepreneurs comme Pierre Hermé, dans la pâtisserie, ou Lionel Poilâne, dans la boulangerie, ont développé leurs « maisons » au niveau international en s’appuyant sur des savoir-faire artisanaux qu’ils continuent de mettre en valeur dans leur communication. Par ailleurs, des entreprises de l’artisanat, encouragées, parfois accompagnées, par les Chambres des métiers, ne tentent-elles pas de s’approprier des procédés de l’entreprise moderne : R&D, conception innovante, rationalisation de procédés de fabrication, etc. ?
L’artisanat constitue un ensemble très hétérogène, tant du point de vue du statut de l’entreprise que du métier exercé, et c’est très certainement la place du métier qui construit l’identité de l’artisanat. Tout en revendiquant un ancrage dans la tradition, les entreprises artisanales innovent et s’adaptent à la modernité : les entreprises d’électricité font de la domotique, celles du bâtiment conçoivent et construisent des habitations correspondant aux nouvelles normes environnementales, sans parler des entreprises de produits alimentaires qui développent leur offre de produits du terroir en s’appuyant sur des circuits courts, contribuant à rapprocher le producteur et le consommateur, des paysans qui deviennent boulangers, etc. Le monde de l’artisanat est en plein transformation, y compris les métiers de l’art et du patrimoine. Sans parler de l’usage d’internet pour communiquer et faire connaitre ses produits. Ceci alors que des entreprises artisanales travaillent en tant que sous-traitants de l’industrie aéronautique dans des technologies de pointe… Les entreprises artisanales ne constituent pas un monde à part, coupé du reste de l’économie et de l’industrie.
Depuis plusieurs années, le travail artisanal, faiblement divisé et répétitif, essentiellement manuel, plus qualifié et épanouissant, apparaît à certains comme une alternative attractive au travail industriel… Sur la longue durée, les ressorts sociologiques et culturels du renouvellement de l’entrepreneuriat artisanal doivent être investigués. Qui sont les artisans ? Qui devient artisan ? De quels milieux sociaux viennent-ils ? Quel crédit faut-il donner par exemple à l’image de l’artisan de père en fils ? Quels sont les motivations des néo-artisans dans leur installation, dans leur projet d’entreprise ? Une étude d’ethno-anthropologie de l’artisanat peut également être envisagée. La question particulière des liens entre petite entreprise et migrations a déjà été bien travaillée par les historiens et les historiennes mais une mise en perspective sur la longue durée et sur les périodes antérieures à l’histoire contemporaine pourrait être proposée.
Les contributions pourraient questionner artisans et artisanat au prisme du genre. Il se présente en effet comme un groupe socioprofessionnel très nettement dominé par les hommes et dans lequel les femmes occupent une place marginale. Elles y sont cantonnées à quelques métiers notamment ceux du textile et de la confection - les métiers dits d’aiguille - et des services à la personne comme la coiffure. Mais, ici aussi les situations évoluent comme le montre par exemple le Prix Madame Artisanat des CMA, avec des femmes qui se sont orientées vers la mécanique automobile, la menuiserie ou encore la boulangerie. On peut aussi s’interroger sur les processus d’assignation de genre qui sont à l’œuvre dans cette répartition : comment s’est-elle construite ? Quel rôle attribuer aux représentations sociales, à la formation professionnelle… ? La focale peut être élargie au-delà des seules artisanes pour scruter plus globalement la place des femmes dans les entreprises artisanales. En effet, parmi les définitions de l’artisan certaines retiennent le recours possible à la main d’œuvre familiale faisant des entreprises artisanales des entreprises familiales qui reposent notamment sur le couple, l’association au travail de l’artisan et de son épouse. Mais combien d’artisans travaillent effectivement avec leur épouse ? Quelles fonctions assument-elles dans l’entreprise ? Cette association concerne-t-elle plutôt certains métiers que d’autres ? Quel est le statut de ces conjointes d’artisans ?
Si les artisans se définissent par rapport au métier, ce sont aussi des entrepreneurs. Mais, quels entrepreneurs sont-ils ? Comment gèrent-ils leurs entreprises ? Quelles sont leurs stratégies ? Quels sont leurs business model ? Est-ce qu’ils privilégient les petites séries, le travail sur mesure au profit de la qualité ? Dans les faits, les situations sont très variées en fonction des entreprises et de leur histoire, de leur trajectoire, mais également du territoire dans lesquels elles sont implantées, car l’artisanat rime aussi avec territoire et développement local, dans le cadre par exemple des pôles d’innovation de l’artisanat créés en 2006 en France dans le but notamment de développer des relations de coopération entre grandes entreprises, entreprises artisanales et des centres de recherche. Il en existe actuellement une vingtaine dans des métiers très variés : l’agroalimentaire, l’imprimerie, les métaux, la boulangerie, l’électronique, etc.
Les articles proposés pourront s’appuyer sur une entreprise, un secteur d’activité ou un métier précis de l’artisanat. Ils pourraient dans cette perspective s’intéresser à l’émergence de nouveaux métiers, à différents moments, ou encore au cas particulier des métiers d’art et/ou du luxe. Ils peuvent aussi aborder une chambre des métiers ou une organisation représentative de l’artisanat. L’étude peut être menée à l’échelle d’un pays, d’une région, d’une ville ou d’un territoire particulier (district industriel, cluster, pôle de compétitivité, par exemple).
Les articles attendus devront comporter une dimension historique. Cette mise en perspective peut se faire sur le temps long en remontant au XVIIIè siècle (voire plus avant), en étudiant une période particulière ou plus précisément les vingt ou trente dernières années. Par ailleurs, compte tenu de l’importance qu’a pris l’artisanat depuis les années 1980, des articles qui présenteraient une revue de la littérature systémique à son sujet sont également attendus, afin de mettre en évidence l’évolution du nombre de publications académiques sur le sujet, les différentes thématiques traitées et les conclusions auxquelles leurs auteurs ont abouti.
Alors que la situation de l’artisanat en France au XXè siècle commence à être mieux connue, des études comparables manquent encore sur les pays voisins. Des propositions sur l’artisanat et les entreprises artisanales dans les autres pays européens, voire au-delà, seraient donc particulièrement bienvenues.
Calendrier prévisionnel
15 novembre 2022 : envoi des propositions d’articles (avec un titre, une présentation de l’article envisagé de +/- 2500 signes typographiques, et une brève présentation de l’auteur)
1er décembre 2022 : réponse aux auteurs de propositions
15 juin 2023 : envoi de la première version de l’article (d’une longueur 30 à 45000 signes. Les auteurs devront se reporter aux consignes sur le site de la revue : http://entrepriseshistoire.ehess.fr/note-aux-auteurs/)
juin 2024 : publication du numéro thématique de la revue Entreprises et Histoire
Références
Boutillier S., 2011, La persistance des petites entreprises. Essai d’analyse à partir des théories de la firme et de l’entrepreneur, Innovations, n° 35, 9-28.
Boutillier S., Uzunidis D., 1999, La légende de l’entrepreneur, Syros, Paris.
Boutillier S., Fournier C. Perrin C. (dir.), 2015, « Le temps des artisans. Permanences et mutations », Marché & Organisations, n° 24.
Crawford M., 2010, Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail, La Découverte, Paris.
Crossick G., Haupt H-G. (dir.), 1984, Shopkeepers and masters artisans in Nineteenth century Europe, Methuen, Londres/New-York.
Domurad F., 2019, Hometown Hamburg: Artisans and the Political Struggle for Social Order in the Weimar Republic, Anthem Press, Londres & NewYork.
Gresle F., 1981, L’univers de la boutique. Les petits patrons du Nord (1920-1975), Presses universitaires de Lille, Lille.
Jaeger C., 1982, L’envers de la roue de l’histoire, Payot, Paris.
McKitrick F., 2016, From Craftsmen to Capitalists: German Artisans from the Third Reich to the Federal Republic, 1939–1953. Berghahn Books, New York.
Perrin C., 2007, Entre glorification et abandon. L’Etat et les artisans en France (1938-1970), CHEFF, Paris.
Perrin C., 2020, La résistible déclin de l’artisanat en France des années 1920 aux années 1970, Entreprises & Histoire, n° 100, 73-84.
Sennett R., 2010, Ce que fait la main. La culture de l’artisanat, Albin Michel, Paris.
Zarca B., 1986, L’artisanat français, du métier traditionnel au groupe social, Economica.
Zdatny S., 1999, Les artisans en France au XXe siècle, Belin, Paris.
* * *
Call for paper for a special issue of the journal “Entreprises & Histoire”
The craft industry and its companies: crossed views.
Sophie Boutillier
University of Littoral-Côte d'Opale
Cédric Perrin
University of Evry Paris Saclay
In the early 2020s, the craft industry can commemorate its centenary in France. This seems to be an appropriate moment toddle into its history and its place in Western economies. Although artisans and their companies date back from olden days, it was not until the aftermath of the First World War that the term appeared to refer to the socio-professional group that was then being formed. Before the First World War, there was no legal definition of craftsmen and craft industry in France, nor in most European countries (except Germany). In 1922, the General Confederation of French Artisanat (CGAF in french) was created. Then, the government took a series of measures specifically aimed at the craft industry during the 1920s-1930s: a tax status for the craftsman and the creation of the Crédit Artisanal in 1923, the Chambers of Trades in 1925, the opening of a trades directory in 1936, the supervision of craft apprenticeship in 1937. This institutionalization is not unique to France. Other European countries (Italy, Spain, Scandinavian countries, etc.) also adopted a legal status for craftsmen during the inter-war period. The reforms undertaken during the second half of the 20th century modified the scope of the craft industry to some extent only, since more than 90% of craft enterprises are still composed of no more than a staff of 5. These reforms having, however, contributed to the convergence of different national legislations against in the background of the European construction.
Since the industrialization of European economies in the 19th century, many authors have prophesied the disappearance of craft industry. However, it is clear that this has not been the case. During the 20th century, the craft industry showed remarkable stability in France and in Europe (Perrin, 2007, 2020). Since the beginning of the 21st century, it has even undergone a new phase of expansion in France. It currently has 1.5 million companies and employs more than 3 million workers. In 2018, it represented more than a quarter of all business creations (INSEE Références, 2020 edition). The economic press regularly reports not only on the dynamism of the craft industry, but also on its strong attractiveness on young graduates who no longer find their executive positions in a large companies satisfactory enough. Craft work as well as the expertise in the work process are thus favoured to the detriment of routine and often meaningless work (Sennett, 2010; Crawford, 2010). More recently, many articles have also been published in the economic press on the adaptability of craftsmen who master, for example, 3D printing or, more generally, advanced digital technologies. The organization of work is also evolving with the creation of coworking spaces equipped with fab.lab, partly intended for craft companies and, more generally, inspired by craft work. Craft companies are shaping into networks to cooperate and develop their know-how. The craft industry is not standing still oblivious of the movement of history and modernity. It evolves, a direct reflection of society and economy as a whole.
In short, contrary to the expectations of many an economist and economic historian, craft enterprises have not only continued to be but they are literally enjoying a certain drive (Boutillier, 2011). The craft industry does not turn the wheel of history backwards (Jaeger, 1982).
This revival of the craft industry has attracted the attention of researchers in sociology, economics and management sciences. From the 1980s onwards, historians also began to take an interest in the worlds of the workshop and the store, which they had hitherto neglected in favor of the large-scale Fordist business (Crossick, Haupt, 1984). They initially addressed approached the 19th century "industrial revolution" from a political and social history of the 19th century, then work on the 20th century developed on France (Zdatny, 1999; Perrin, 2007, 2020; Boutillier et al., 2015; Zarca, 1986) and more recently on Germany (McKitrick, 2016; Domurad, 2019). However, these different approaches have too often developed in silos, ignoring each other's respective contributions.
After having devoted a few issues to SMEs and a few articles on craft industry, Entreprises & Histoire is now preparing a special issue on the craft industry, its companies and entrepreneurs, whose ambition will be to cross and bring together different disciplines (history, economics, management sciences, sociology, anthropology, law...) to shed light on the adaptation capacities of craft companies in the face of economic transformations and dynamism over the long term, but also to study the evolution of the researchers' view of craft industry, as a world of innovation. In order to shed light on the capacities of craft enterprises to adapt economic transformations and on the dynamism of the craft industry over the long term, but also to study the evolution of the researchers' view of the craft industry, as an endangered world to be protected or, on the contrary, as a new form of modernity.
The articles proposed for this issue can be related to the following themes (this list is not exhaustive).
In order to clear up misunderstandings, it seems necessary to specify what and who we are talking about. Indeed, the word craftsman does not have the same meaning in the 18th, 19th, 20th and 21st centuries; in France, Germany, Italy, the United Kingdom or Spain. Industrialization has led to growing clarification and accuracy of the status of the craftsman. While it was not very different from that of the worker, it is distinguished by its qualification and independence. The craftsman has become a worker who practises a trade considered manual for their own account. He also differentiates himself from merchants and industrials to form a social group that has been known as the artisans since the beginning of the 20th century. However, this process comes about at different rates and conditions according to the countries. In addition, hybrid situations may have persisted for a long time, such as that of the manufacturers who own their production tools, but work for a client paying them by the piece. There is therefore no single definition of a craftsman, but rather a variety of statuses that vary according to time and place. Faced with this variety, international institutions such as the International Labour Office (ILO) and the European Union have successively given up the idea of establishing their own definition, submitting this question to different states. The construction of Europe nevertheless seems to be leading to a gradual convergence of national standards and definitions. The features of the craft industry keep evolving with the introduction of new legislative measures and new statuses such as those of self-employed workers in France, which nevertheless raise questions about their precariousness. As a result, the craft industry is very heterogeneous, both in terms of the legal status of the enterprise (from companies to the status of microentrepreneur) and in terms of the activity (the official list of craft activities includes about 250 in France, and more than 150 in Germany).
The evolution of the regulatory framework brings into play the role of governments and also calls for questions about the development of public policies aimed at supporting craft businesses. Some political parties, such as the French Radical Socialist Party in France of the 3rd Republic, were known to be close to the independent middle classes and were concerned to protect them during their serving terms. However, one may wonder about the scope and effectiveness of these protections, of these supportive policies. Beyond their statement, the authoritarian regimes of the 20th century actually did very little to protect the craftsmen, for example. One can thus ask oneself which States regulated and supported the craft industry and, conversely, which States did not, in winch context, for what reasons... More generally, to what extent were their economic policies favorable or unfavorable to craft enterprises? The history of the craft industry also overlaps with the history of vocational training, the establishment of technical education and its regulation by the public authorities. An article on apprenticeship would also be welcome.
Beyond these institutional and political aspects, the sustainability of the craft industry must also be explored in its economic dynamics. The decline of craftsmen seemed inevitable, particularly because of competition from industrial capitalism. However, in the wake of a historiography that has re-evaluated the place of small enterprises in the history of industrialization, it would be appropriate to take a closer look at this supposed competition. Does industry really compete with crafts or do industry and crafts have their own markets? Shouldn't the model of juxtaposition be preferred to that of a progressive and inevitable substitution of one by the other? Doesn't competition in some fields, trades or sectors of activity also go hand in hand with complementarities, cooperation and even hybridization? Some large companies, particularly in the luxury sector, like to claim a tradition of craftsmanship. Entrepreneurs such as Pierre Hermé, in the pastry industry, or Lionel Poilâne, in the bakery industry, have developed their "houses" at the international level by relying on artisanal know-how, which they continue to emphasize in their communication. Moreover, aren't craft companies, encouraged and sometimes supported by the Chambers of Trade, trying to appropriate modern business processes: R&D, innovative design, rationalization of manufacturing processes, etc.?
The craft industry is a very heterogeneous group, both from the point of view of the status of the company and the trade practiced, and it definitely is the place of the trade that builds the identity of the craft industry. While claiming to be rooted in tradition, craft companies innovate and adapt to modernity: electrical companies use home automation, construction companies design and build houses that meet the new environmental standards, not to mention food companies developing their offer of local products based on short circuits, helping to bring the producer and the consumer closer together, farmers who become bakers, etc. The world of crafts is undercooking deep changes, including the art and heritage professions. Not to mention the use of the Internet to communicate and promote their products. And this while craft companies work as subcontractors for the aeronautical industry in advanced technologies... Craft companies are not a world apart, cut off from the rest of the economy and industry.
For several years, craft work, which is not very divided and repetitive, essentially manual, more qualified and fulfilling, has appeared to some as an attractive alternative to industrial work... Over the long term, the sociological and cultural forces behind the renewal of artisanal entrepreneurship must be investigated. Who are the craftsmen? Who becomes an artisan? What walks of life do they come from? What credit should be given, for example, to the image of the craftsman from father to son? What are the new artisans’ motivations when they set up business ? What is their business project ? An ethno-anthropological study of the craft industry could also be considered. The particular question of the connections between small entreprises and migration has already been well studied by historians, but a long-term perspective on periods prior to contemporary history could be proposed.
The contributions could question craftsmen and craftswomen from a gender perspective. Indeed, it is a socio-professional group very clearly dominated by men and in which women occupy a marginal position. They are confined to a few trades, notably those in textiles and clothing - the so-called needle trades - and personal services such as hairdressing. But things are changing here too, as shown by the CMA's "Madame Artisanat" prize, with women who have turned to car mechanics, carpentry or even baking. We can also wonder about the gender assignment processes that are at work in this distribution: how is it constructed? What role can be attributed to social representations, to professional training, etc.? The focus can be widened beyond the sole craftswoman to examine more globally the place of women in craft enterprises. Indeed, among the definitions of the craftsman, some of them include the possible use of family labor, making craft enterprises family businesses that rely on the couple, the association of the craftsman and his wife at work. But how many craftsmen actually work with their wives? What positions do they assume in the company? Does this association concern any specific trades rather than others? What is the status of these artisans' wives?
If artisans are defined by their trade, they are also entrepreneurs. But, which entrepreneurs are they? How do they manage their enterprises? What are their strategies? What are their business models? Do they favor small series, tailor-made work in favor of quality? In fact, situations vary significantly depending on the companies and their history, their trajectory, but also the territory in which they are located, because the craft rhymes with territory and local development, for example in the context of innovation poles of the artisanat created in 2006 in France in order to develop cooperative relationships between large companies, craft businesses and research centers. There are currently about 20 such clusters in a wide variety of trades: food processing, printing, metals, bakery, electronics, etc.
The proposed articles could be based on a company, a sector of activity or a specific craft. They could focus on the emergence of new trades, at different times, or on the particular case of the art and/or luxury trades. They can also approach a chamber of trades or an organization representing the craft industry. The study can be carried out on the scale of a country, a region, a city or a particular territory (industrial district, cluster, competitiveness pole, for example).
The expected articles should include a historical dimension. This perspective can be taken over a long period of time, going back to the 18th century (or even earlier), by studying a particular period or more precisely the last twenty or thirty years. Furthermore, given the importance that crafts have taken on since the 1980s, articles that present a review of the systemic literature on the subject are also expected, in order to highlight the evolution of the number of academic publications on the subject, the different themes treated and the conclusions reached by their authors.
While the situation of artisanat in France in the 20th century is beginning to be better known, comparable studies on neighboring countries are still lacking. Proposals on crafts and craft enterprises in other European countries, and even beyond, would therefore be particularly expected.
Provisional calendar
November 15th, 2022: submission of article proposals (with a title, a presentation of the proposed article of +/- 2500 typographical characters, and a brief presentation of the author)
December 1st, 2022: response to the authors of the proposals
June 15th, 2023: submission of the first version of the article (30 to 45000 characters in length. Authors should refer to the instructions on the journal website: http://entrepriseshistoire.ehess.fr/note-aux-auteurs/)
June 2024: publication of the special issue of Entreprises et Histoire
References
Boutillier S., 2011, La persistance des petites entreprises. Essai d’analyse à partir des théories de la firme et de l’entrepreneur, Innovations, n° 35, 9-28.
Boutillier S., Uzunidis D., 1999, La légende de l’entrepreneur, Syros, Paris.
Boutillier S., Fournier C. Perrin C. (dir.), 2015, « Le temps des artisans. Permanences et mutations », Marché & Organisations, n° 24.
Crawford M., 2010, Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail, La Découverte, Paris.
Crossick G., Haupt H-G. (dir.), 1984, Shopkeepers and masters artisans in Nineteenth century Europe, Methuen, Londres/New-York.
Domurad F., 2019, Hometown Hamburg: Artisans and the Political Struggle for Social Order in the Weimar Republic, Anthem Press, Londres & NewYork.
Gresle F., 1981, L’univers de la boutique. Les petits patrons du Nord (1920-1975), Presses universitaires de Lille, Lille.
Jaeger C., 1982, L’envers de la roue de l’histoire, Payot, Paris.
McKitrick F., 2016, From Craftsmen to Capitalists: German Artisans from the Third Reich to the Federal Republic, 1939–1953. Berghahn Books, New York.
Perrin C., 2007, Entre glorification et abandon. L’Etat et les artisans en France (1938-1970), CHEFF, Paris.
Perrin C., 2020, La résistible déclin de l’artisanat en France des années 1920 aux années 1970, Entreprises & Histoire, n° 100, 73-84.
Sennett R., 2010, Ce que fait la main. La culture de l’artisanat, Albin Michel, Paris.
Zarca B., 1986, L’artisanat français, du métier traditionnel au groupe social, Economica.
Zdatny S., 1999, Les artisans en France au XXe siècle, Belin, Paris.