CfP: Pour une histoire de la protection sociale dans les fonctions publiques (XIXe-XXIe siècles)

Call for papers, deadline 2 January 2023 (in French)

Appel à intentions d’articles pour la Revue d’histoire de la protection sociale

Les fonctionnaires disposent d’un régime de protection sociale distinct de celui des salariés du secteur privé. Des premiers travaux se sont intéressés à l’histoire des régimes spéciaux des entreprises publiques, à l’histoire des retraites des fonctionnaires, ainsi qu’à celle de leurs mutuelles (Dreyfus, 2006 ; Charrier et Feller, 2001 et 2006). D’autres recherches montrent comment l’État décide d’intervenir dans la structuration des services sociaux dans les années 1930. Les pouvoirs publics s’emparent des activités sociales (telles que les diverses aides sociales, les assistantes sociales, les crèches, logement, etc.) pour leurs propres services, principalement l’assistance publique, les services publics locaux et départementaux ainsi que les hôpitaux (Zappi, 2019).

L’histoire économique et sociale de la protection sociale dans les administrations reste cependant très insuffisamment documentée. La nature de la redistribution opérée au sein des administrations publiques est d’abord mal connue. L’est aussi le périmètre de la protection sociale et des activités médico-sociales des trois fonctions publiques (d’État, hospitalière, territoriale), qui s’est réduit à partir de la politique de maîtrise des dépenses sociales déployée lors du tournant de la rigueur de 1983. On ne sait cependant pas si ce tournant s’est accompagné d’une redéfinition des objectifs de la protection sociale dans les trois fonctions publiques. Le paradigme de l’activité - ou de l’État social actif - s’y est-il introduit, et si oui à partir de quand ? Quelles sont les conséquences de cette réduction de périmètre sur les fonctionnaires et sur les inégalités de rémunération entre les fonctionnaires du haut et du bas de l’échelle ou entre les hommes et les femmes ?

La population visée par cet appel correspond principalement aux agents publics dotés d’un statut de fonctionnaire, mais concerne aussi les autres agents publics exerçant comme contractuels, auxiliaires ou bénévoles. De même, entrent dans le champ de cet appel les services publics et entreprises à mission de service public (Cartier, Retière et Siblot, 2010) qui ont, pour plusieurs d’entre eux, connu un changement de statut d’administration à entreprise - ou l’inverse (protection sociale des agents des caisses de la Sécurité sociale, des PTT devenus La Poste et France-Télécom-Orange, d’EDF, de la Seita, etc.).

Les propositions pourront notamment s’inscrire dans l’un des quatre axes de recherche suivants. Elles pourront d’abord concerner les circuits de financement de la protection sociale des administrations par la Caisse des dépôts (retraite, inaptitude, notamment), dont l’ampleur varie selon les périodes considérées et n’a jamais été vraiment étudiée. Pour explorer les moyens financiers des services sociaux, les travaux mobilisant l’analyse des budgets administratifs seraient bienvenus (Join-Lambert et Trichereau, 2019).

Les recherches pourront également s’intéresser aux modalités différenciées de participation des acteurs aux institutions représentatives en charge des activités sociales, selon qu’il s’agit de la fonction publique d’État, territoriale ou hospitalière. Quelles organisations sont mises en place dans les administrations, au niveau national et régional, pour gérer les activités médicales et sociales ? Comment évolue le rapport de force entre associations gestionnaires des activités culturelles et sportives, syndicats et administration au sein de ces instances ?

Les travaux pourront en troisième lieu s’attacher à l’usage des activités sociales par les administrations et les bénéficiaires (cantines, crèches, aides au logement, secours remboursables, aides au déménagement ; les assistantes sociales qui sont au cœur du dispositif, etc.). Ces activités ont, de fait, facilité les mobilités géographiques et professionnelles des agents, caractéristiques des fonctions publiques où dominent un concours et un recrutement national (Cartier, 2004 ; Join-Lambert et Trichereau , 2021). Les crédits sociaux transférés aux agents assurent-ils un équilibre entre revenus monétaires et non monétaires ? Des recherches monographiques étudiant les budgets de ménages de fonctionnaires et leurs économies domestiques en s’inspirant de l'ethno-comptabilité et de l'ethnographie économique (Cottereau et Marzok, 2012 ; Dufy et Weber, 2007) sont aussi attendues. Quels usages concrets et perceptions des prestations et services sociaux octroyés par les employeurs publics et comment se sont-ils transformés dans la seconde moitié du XXe siècle ? Les recherches ciblant des populations dont la situation est révélatrice des spécificités de la protection sociale des fonctionnaires, par exemple les agents originaires des DOM, seraient particulièrement éclairants.

Enfin des recherches centrées sur des catégories de fonctionnaires affectés par tel ou tel risque (malades, accidentés, inaptes...) pourraient interroger les droits et les manières de s'en saisir ou non. Quelles sont les spécificités du recours à ces droits sociaux dans les administrations ? Les recherches sur les politiques de reclassement, d’inaptitude et sur la malléabilité des dispositifs mis en place en fonction de la conjoncture nationale (pour la fonction publique d’État) ou locale (pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière) sont aussi bienvenues.

 

Calendrier de soumission

Les intentions d’articles, d’une à deux pages, présentant précisément la question traitée et les sources utilisées (archives, statistiques, enquêtes ethnographiques) sont à envoyer pour le 2 janvier 2023 au plus tard à marie.cartier@univ-nantes.fr et Odile.join-Lambert@uvsq.fr

Pour les intentions d’articles acceptées, les articles d’une taille maximum de 60 000 signes (cf. consignes jointes) seront à envoyer pour le 15 mai 2023 au plus tard aux deux coordinatrices ainsi qu’à la Revue d’Histoire de la Protection sociale (rhps-chss@sante.gouv.fr).

 

Références 

Cartier M., «  La socialisation économique des petits fonctionnaires : pistes de recherche à partir de l’exemple de familles de facteurs des Trente Glorieuses » Congrès de l’Association Française de Sociologie, Association Française de Sociologie, Villetaneuse, 2004, halshs-01336966.

Cartier M., Retière J.-N., Siblot Y. (dir.), Le salariat à statut. Genèses et culturesRennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010.

Charrier M.-F., Feller E., Aux origines de l’action sociale. L’invention des services sociaux aux Chemins de fer, Ramonville Saint-Agne, Erès, 2001.

Charrier M.-F., Feller E. (dir.), L’action sociale à la SNCF, 1945-1985 : l’affirmation d’une identité, Ramonville Saint-Agne, Éditions Érès, 2006.

Cottereau A., Marzok M. M., Une famille andalouse. Ethnocomptabilité d’une économie invisible, Bouchêne, 2012.

Dufy C., Weber F., L'ethnographie économique, Paris, La Découverte, 2007.

Dreyfus M., Une histoire d’être ensemble. La MGEN (1946-2006), Paris, Jacob-Duvernet, 2006.

Join-Lambert O., Trichereau R., « Les usages du budget social des PTT entre 1974 et 1990 », Comptabilités, numéro spécial « Les contes fantastiques de l’État », 14, 2021 [En ligne].

Join-Lambert O., Trichereau R., « Politique d’emploi et transferts sociaux : les activités sociales des PTT (1931-1991) », Entreprises et histoire, n° 105, vol. 4, 2021, p. 98-110.

Lola Zappi, Le service social en action. Assistantes sociales et familles assistées dans le cadre de la protection de la jeunesse à Paris dans l’entre-deux-guerres, thèse de doctorat d’histoire, IEP de Paris, 2019 (2 vol.). 

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